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29/09/2020 | FRANCE | N°20DA00076-20DA00077

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 29 septembre 2020, 20DA00076-20DA00077


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux demandes distinctes, M. D... A... et Mme E... A... née F... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 3 juin 2019 par lesquels le préfet de la Seine-Maritime a refusé de maintenir leur droit au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, ou, à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de ces mêmes arrêtés.

Par un jugement nos 1902228,1902230 du

6 août 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux demandes distinctes, M. D... A... et Mme E... A... née F... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 3 juin 2019 par lesquels le préfet de la Seine-Maritime a refusé de maintenir leur droit au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, ou, à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de ces mêmes arrêtés.

Par un jugement nos 1902228,1902230 du 6 août 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen, après avoir joint ces deux demandes, les a rejetées.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2020 sous le n° 20DA00076, M. A..., représenté par Me C... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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II. Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2020 sous le n° 20DA00077, Mme A... née F..., représentée par Me C... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marc Heinis, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes nos 20DA00076 et 20DA00077 présentent les mêmes questions à juger et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

2. M. et Mme A..., ressortissants albanais nés respectivement le 12 juin 1985 et le 19 août 1991, déclarent être entrés en France le 18 octobre 2018, en compagnie de leurs deux enfants mineurs. Le 10 avril 2019, leur demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qui statuait en procédure accélérée. Par deux arrêtés du 3 juin 2019, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de maintenir leur droit au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 6 août 2019 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. Les arrêtés attaqués comportent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Leur motivation n'est pas stéréotypée. Le préfet a cité les éléments pertinents dont il avait connaissance et qui fondent ses décisions. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

4. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité ou de ce bénéfice. Lorsqu'il sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection internationale, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, l'intéressé ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Il appartenait à M. et Mme A..., à l'occasion du dépôt de leur demande d'asile, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'ils jugeaient utiles, et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier leur droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Le droit des intéressés d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'imposait pas à l'autorité administrative de les mettre à même de réitérer leurs observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français. Ainsi, la circonstance que M. et Mme A... n'aient pas été invités à formuler des observations avant l'édiction des décisions d'éloignement ne permet pas de les regarder comme ayant été privés de leur droit à être entendus. Le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu tel que garanti par le principe général du droit de l'Union européenne doit, dès lors, être écarté.

5. Il ne résulte ni de la motivation des arrêtés en litige ni d'aucune autre pièce des dossiers que le préfet de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. et Mme A... avant de prendre les décisions contestées. Dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation particulière des intéressés doit être écarté.

6. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° / (...) ". Aux termes de l'article L. 743-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : / (...) / 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 723-2 du même code : " I. - L'office statue en procédure accélérée lorsque : / 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 ; / (...) ". Enfin, en vertu d'une décision du conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides adoptée le 9 octobre 2015 dans les conditions prévues à l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et dont la légalité a été validée par le Conseil d'Etat dans un arrêt du 30 décembre 2016 (nos 395058, 395075, 395133 et 395383), l'Albanie est au nombre des pays d'origine sûrs.

7. Il ressort des termes des arrêtés que le préfet de la Seine-Maritime a prononcé une obligation de quitter le territoire français au motif que, en application du 7° de l'article L. 743-2 du même code, M. et Mme A... ne disposaient plus du droit de se maintenir sur le territoire français, leur demande d'asile ayant été rejetée le 10 avril 2019 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qui statuait sur le fondement du 1° du I de l'article L. 723-2 du même code. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la motivation de l'arrêté, que le préfet de la Seine-Maritime se serait estimé lié par l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit.

8. L'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est issu de l'article 44 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, qui en application du décret n° 2019-151 du 28 février 2019, est entrée en vigueur le 1er mars 2019. L'article 71 de la loi du 10 septembre 2018 précise que les dispositions de l'article 44 s'appliquent aux demandes postérieures à cette date. Or, il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile des requérants a été enregistrée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 16 novembre 2018, date à laquelle l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'était pas encore entré en vigueur. Par suite, M. et Mme A... ne peuvent utilement soulever la méconnaissance de cet article à l'encontre de la décision attaquée.

9. S'agissant de l'inscription sur la liste de l'Albanie, il ne ressort pas des pièces des dossiers que le conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides aurait, en procédant à cette inscription, ait commis une erreur de droit ou inexactement apprécié, au regard des exigences résultant de l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la situation de ce pays, qui dispose d'institutions démocratiques et procède à la désignation de ses dirigeants sur le fondement d'élections libres et pluralistes, est partie à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et dont la candidature à l'adhésion à l'Union européenne a été acceptée par l'Union européenne en juin 2014. La Commission européenne, au demeurant, a proposé, le 9 septembre 2015, l'inscription de l'Albanie sur une liste commune de pays d'origine sûrs, en relevant qu'au moins huit Etats membres avaient désigné cet Etat comme un pays d'origine sûr.

10. Par sa décision n°2018-770 DC du 6 septembre 2018, par laquelle il a déclaré conformes à la Constitution les dispositions du 2° de l'article 12 de la loi du 10 septembre 2018, le Conseil constitutionnel a jugé, d'une part, que ces dispositions ne privent pas les intéressés de la possibilité d'exercer un recours contre la décision de rejet du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, d'autre part, que le 3° de l'article 12 de la loi déférée complète l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prévoyant, dans les hypothèses visées aux 4° bis et 7° de l'article L. 743-2 du même code, que l'intéressé faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français peut demander au président du tribunal administratif la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si cette dernière est saisie, jusqu'à sa décision. Il en a déduit que les dispositions du 2° de l'article 12 de la loi du 10 septembre 2018 ne méconnaissaient ni le droit à un recours juridictionnel effectif, ni le droit d'asile, ni le principe d'égalité devant la loi, ni aucune autre exigence constitutionnelle. Par suite, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté contesté méconnaîtrait leur droit à un recours effectif. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance du point 25 et de l'article 46 de la directive 2013/32/UE, des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doivent être écartés.

11. M. et Mme A... soutiennent qu'ils ne peuvent être renvoyés en Albanie en raison des risques encourus à la suite de la vendetta dont ils affirment être victimes. Ils n'apportent toutefois aucun élément probant à l'appui de leurs déclarations au demeurant peu circonstanciées. Il ressort en outre des pièces du dossier que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté leur demande d'asile et qu'ils ont pu faire appel de cette décision auprès de la Cour nationale du droit d'asile. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la mesure attaquée constitue une décision de refoulement et qu'elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 18 et 19 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

12. Il n'appartient pas au préfet d'examiner les conditions d'octroi du statut de réfugié et de la protection subsidiaire en application des articles L. 711-1 et L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les requérants ne peuvent utilement soutenir qu'en ne visant pas ces dispositions du code, le préfet aurait entaché ses décisions d'une erreur de droit.

13. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ;(...) ".

14. Lorsqu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

15. Les requérants soutiennent que Mme A... et ses enfants souffrent de graves pathologies qui nécessitent un suivi médical en France. Ils produisent à l'appui de leur déclarations plusieurs ordonnances indiquant que Mme A... s'est vue prescrire, postérieurement à l'arrêté attaqué, un traitement à base d'anxiolytiques, d'antidépresseurs et de bêtabloquant. Ils versent également au dossier un certificat médical, rédigé par un chirurgien-pédiatre, qui indique que le fils des requérants a subi plusieurs opérations destinées à traiter une luxation de la hanche, dont la dernière a été réalisée le 6 mai 2019. Cette intervention, qui a nécessité la pose d'un plâtre pour une durée de six semaines, devra être suivie de séances de rééducation puis d'une nouvelle intervention environ six mois plus tard. Un autre certificat médical rédigé en décembre 2018 précise que cet enfant souffre également d'épilepsie généralisée. Toutefois, ces documents, dont, d'ailleurs, le préfet n'a pas eu connaissance, ne sont pas de nature à établir que l'état de santé de la requérante et de son fils nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'ils ne pourraient bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, M. et Mme A..., qui, au demeurant, n'ont pas déposé de demande de titre de séjour pour soins, ne sont pas fondés à soutenir le préfet de la Seine-Maritime disposait, à la date de la décision contestée, d'éléments d'information précis lui permettant d'établir que l'état de santé de Mme A... et de son fils était susceptible de les faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire. Par suite, le moyen tiré du défaut de saisine du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doit être écarté. Pour les mêmes raisons, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit également être écarté.

16. M. et Mme A... et leurs enfants sont présents en France depuis environ six mois à la date de l'arrêté attaqué. Ils ne font état d'aucune attache particulière en France ni d'une quelconque insertion sociale ou professionnelle. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les enfants seraient scolarisés en France. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, il n'est pas établi que Mme A... et son fils ne pourraient pas bénéficier de soins appropriés en Albanie. Dès lors, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France des intéressés, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté à leur droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels les décisions ont été prises. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Le préfet de la Seine-Maritime n'a pas davantage commis d'erreur de droit dans l'application des notions de vie privée et de vie familiale dès lors que le droit en question porte sur le respect de tous ces aspects de la vie d'une personne et doit donc être apprécié globalement.

17. Pour les motifs cités au point précédent, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle des intéressés doit également être écarté.

18. Ainsi qu'il a été dit au point 16, il n'est pas établi que les enfants des requérants sont scolarisés en France, ni qu'ils ne pourraient pas l'être en Albanie ou que leur fils aîné ne pourrait pas y bénéficier de soins appropriés. Il n'est pas davantage démontré que la cellule familiale ne pourrait pas se recomposer dans ce pays, la décision en litige n'ayant pas pour objet ni pour effet de séparer les enfants de leurs parents. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime aurait porté une attention insuffisante à l'intérêt supérieur des enfants des requérants avant de les obliger à quitter le territoire français. Par suite, il n'a pas méconnu les stipulations des articles 3 et 12 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

19. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français sont entachées d'illégalité.

Sur la décision fixant le pays de destination :

20. Compte-tenu de ce qui a été dit au point 19, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

21. M. et Mme A... conservaient la faculté, pendant la durée d'instruction de leur dossier de demande d'asile et avant l'intervention des décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de faire valoir auprès de l'administration tous éléments de nature à influer sur le contenu de ces mesures. Or, les intéressés ne font valoir aucun élément qu'ils auraient été empêchés de porter à la connaissance du préfet de la Seine-Maritime et qui aurait pu avoir une influence sur le sens des décisions en litige. Par suite, ils n'ont pas été privés du droit d'être entendus tel qu'il est consacré notamment par le droit de l'Union européenne.

22. Les motivations en fait de la décision fixant le pays de destination et de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne se confondent pas nécessairement. En revanche, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les arrêtés attaqués précisent la nationalité de M. et Mme A... et énoncent que les intéressés n'établissent pas être exposés à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans leur pays d'origine. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée fixant le pays de destination de l'éloignement manque en fait.

23. Il ne résulte ni de la motivation des arrêtés en litige, ni d'aucune autre pièce des dossiers, que le préfet de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. et Mme A... avant de prendre les décisions contestées. Dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation particulière des intéressés doit être écarté.

24. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la motivation de l'arrêté attaqué, que le préfet de la Seine-Maritime se serait estimé lié par l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit en fixant le pays de destination.

25. Il n'appartient pas au préfet d'examiner les conditions d'octroi du statut de réfugié et de la protection subsidiaire en application des articles L. 711-1 et L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les requérants ne peuvent utilement soutenir qu'en ne visant pas ces dispositions du code, le préfet aurait entaché ses décisions d'une erreur de droit.

26. M. et Mme A... soutiennent qu'ils ne peuvent être renvoyés en Albanie en raison des risques encourus à la suite de la vendetta dont ils affirment être victimes. Ils n'apportent toutefois aucun élément probant à l'appui de leurs déclarations au demeurant peu circonstanciées. Par ailleurs, leur demande d'asile a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

27. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme A... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Mme E... A... née F..., au ministre de l'intérieur et à Me C... B....

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

Nos20DA00076,20DA00077 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00076-20DA00077
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Marc Heinis
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SELARL MARY et INQUIMBERT ; SELARL MARY et INQUIMBERT ; SELARL MARY et INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-09-29;20da00076.20da00077 ?
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