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29/09/2020 | FRANCE | N°19DA02371

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 29 septembre 2020, 19DA02371


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... D... alias A... E... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 septembre 2019 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a procédé à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 190

7616 du 11 septembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... D... alias A... E... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 septembre 2019 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a procédé à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 1907616 du 11 septembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 2 septembre 2019 et a enjoint au préfet du Pas-de-Calais de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour le temps du réexamen de sa situation.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 octobre 2019, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. F... D....

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Rollet-Perraud, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 2 septembre 2019, le préfet du Pas-de-Calais a fait obligation à M. F... D..., ressortissant nigérien né le 1er janvier 1988, de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an et a procédé à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Le préfet du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 11 septembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 2 septembre 2019 et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour durant le réexamen de sa situation.

Sur le moyen d'annulation retenu par le jugement attaqué :

2. M. F... D... a été interpelé le 2 septembre 2019 alors qu'il voyageait dans un bus à destination du Royaume-Uni sous couvert d'une carte d'identité française ne lui appartenant pas, établie au nom de M. G.... Lors de son audition par les services de police le même jour, il a déclaré s'appeler A... E..., être né le 1er mars 2001 et être de nationalité soudanaise. La consultation de la base de données Visabio a fait apparaître que l'intimé était connu sous le nom H... D..., né le 1er janvier 1988, de nationalité nigérienne. L'intimé a soutenu à nouveau devant la juridiction administrative qu'il était A... E..., ressortissant soudanais tout en présentant sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral au tribunal administratif de Lille sous le nom de H... D.... Il a également indiqué qu'il avait été pris en charge sous l'identité d'A... E..., en qualité de mineur par l'aide sociale à l'enfance, qu'il avait été scolarisé entre 2017 et 2019 et qu'il avait obtenu un certificat d'aptitude professionnelle dans le domaine de la vente. Il produit au soutien de ses affirmations un certificat de scolarité et quatre bulletins scolaires. Toutefois, ces pièces qui mentionnent le nom I...'A... J... ne permettent pas d'établir l'identité de l'intéressé et ne suffisent pas à remettre en cause le bien-fondé des informations figurant dans le logiciel Visabio, qui sont présumées exactes. La circonstance que M. F... D... a répondu aux questions posées par le tribunal administratif sur la géographie du Soudan et sa composition ethnique n'est pas davantage de nature à établir son identité. Dans ses conditions, en relevant notamment dans son arrêté que l'intéressé était de nationalité nigérienne et qu'il ne disposait pas de liens privés et familiaux en France, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas entaché sa décision d'un défaut d'examen sérieux de la situation de M. F... D.... L'autorité préfectorale est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté du 2 septembre 2019.

3. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F... D... devant le tribunal administratif de Lille.

Sur le moyen commun à toutes les décisions :

4. Eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. Par un arrêté du 18 décembre 2017, publié le même jour au recueil spécial n° 121 des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à M. C... B..., chef du bureau de l'éloignement, à l'effet de signer notamment les décisions contestées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté.

Sur les moyens propres à la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. L'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le préfet, qui n'avait pas à viser toutes les circonstances de fait de la situation de M. F... D..., a cité les éléments pertinents dont il avait connaissance et qui fondent sa décision. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. F... D..., a été entendu préalablement à l'édiction de la mesure contestée, comme en témoigne le procès-verbal d'audition du 2 septembre 2019, lequel a été signé par l'intéressé. A cette occasion, l'intimé a pu faire valoir ses observations concernant notamment sa situation administrative et personnelle, son parcours migratoire et son séjour en France. Il a été informé de l'éventualité d'une mesure d'éloignement à son encontre et a été mis en mesure de présenter ses observations sur ce point. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il disposait d'informations tenant à sa situation qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la mesure qu'il conteste et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de cette décision. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

7. Ainsi qu'il a été dit au point 2, il n'est pas établi que l'intimé est originaire du Soudan. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait qu'aurait commise le préfet en indiquant que M. F... D... est nigérien doit être écarté.

8. M. F... D... est célibataire et sans enfant à charge. Il soutient sans l'établir résider en France depuis cinq ans à la date de l'arrêté attaqué. Il ne fait état d'aucune attache familiale en France. La circonstance qu'il a effectué des études et obtenu un diplôme en France, à la supposer avérée, ne caractérise pas une intégration particulière. Dès lors, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France de l'intéressé, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise. Par suite, le moyen tiré des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé doit également être écarté.

9. M. F... D... ne peut utilement se prévaloir du principe de non-refoulement énoncé par les stipulations de l'article 33 de la convention de Genève dès lors que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas pour objet de déterminer le pays à destination duquel il sera renvoyé et n'a pas non plus pour effet, par elle-même, de le contraindre à retourner dans son pays d'origine. Par ailleurs, le requérant ne peut utilement soutenir que la décision porterait atteinte au droit constitutionnel d'asile dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait déclaré vouloir demander l'asile.

10. M. F... D..., qui n'établit pas avoir présenté une demande de titre de séjour, ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre de l'arrêté en litige qui ne porte pas refus d'un titre de séjour.

11. Il résulte de ce qui précède que M. F... D... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité.

Sur les moyens propres à la décision fixant le pays de destination :

12. Compte tenu de ce qui a été dit au point 11, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

13. Les motivations en fait de la décision fixant le pays de destination et de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne se confondent pas nécessairement. En revanche, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté attaqué précise la nationalité de M. F... D... ressortant du fichier Visabio et énonce que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée fixant le pays de destination de l'éloignement manque en fait.

14. M. F... D... affirme que sa vie serait en danger en cas de retour au Soudan. Cependant, ainsi qu'il a été dit au point 2, il n'est pas établi que l'intéressé est originaire ce pays. En tout état de cause, l'intimé se borne à faire état de la situation générale au Soudan et ne produit aucun élément probant de nature à appuyer ses déclarations ou à étayer le caractère réel et actuel des mauvais traitements auxquels il serait susceptible d'être personnellement exposé en cas de retour dans son pays d'origine. Au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait déposé une demande d'asile en France ou dans un autre pays européen. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

15. Pour les motifs mentionnés au point 8, M. F... D... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Pas-de-Calais aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

16. Il résulte de ce qui précède que M. F... D... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination est entachée d'illégalité.

Sur les moyens propres à la décision refusant un délai de départ volontaire :

17. Compte-tenu de ce qui a été dit au point 11, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

18. L'arrêté attaqué cite les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que M. F... D... ne justifie pas résider régulièrement sur le territoire, n'a pas sollicité de titre de séjour et n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective et permanente. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

19. Il ressort des pièces du dossier et notamment des propres déclarations de M. F... D... qu'il est entré irrégulièrement en France et y réside également de manière irrégulière. Il ne présente pas de document d'identité et ne justifie ni de ressources, ni d'un lieu de résidence effective. Ces éléments caractérisent un risque de soustraction à l'obligation de quitter le territoire français au sens de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en l'absence même de toute tentative de soustraction à une précédente mesure d'éloignement. En outre, l'intéressé n'a fait état ni devant l'administration, ni devant la juridiction administrative d'éléments susceptibles de justifier l'octroi d'un délai de départ volontaire. Par suite, en lui refusant l'octroi d'un tel délai, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas méconnu les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

20. Il résulte de ce qui précède que M. F... D... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire est entachée d'illégalité.

Sur les moyens propres à la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

21. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 11 et 20, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire doit être écarté.

22. Après s'être référé aux dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et avoir évoqué la durée de la présence de M. F... D... en France, le préfet du Pas-de-Calais a également pris en compte l'absence de liens privés et familiaux en France, l'absence de mesure d'éloignement précédente et le fait que sa présence en France ne constituait pas une menace pour l'ordre public. Par suite, le préfet du Pas-de-Calais, qui a examiné l'ensemble des critères prévus par les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a suffisamment motivé sa décision en fait et en droit.

23. La circonstance que M. F... D... n'aurait pas été destinataire de l'information prévue par l'article 42 du règlement n° 1987/2006, conformément aux exigences de la directive 95/46/CE relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, alors au demeurant qu'il a été informé, aux termes de l'article 2 de l'arrêté attaqué, qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, est sans incidence sur la légalité de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français.

24. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, le moyen tiré de l'erreur manifeste commise par l'autorité préfectorale dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de M. F... D... doit être écarté.

25. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 2 septembre 2019. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. F... D... à fin d'injonction doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 11 septembre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande de M. F... D... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. F... D....

Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.

N°19DA02371 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02371
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Claire Rollet-Perraud
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-09-29;19da02371 ?
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