Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les décisions en date du 11 avril 2019 par lesquelles le préfet du Nord l'a obligée à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 1903303 du 18 juin 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2019, et un mémoire, enregistré le 5 août 2019, Mme F..., représentée par Me D... A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les décisions en date du 11 avril 2019 du préfet du Nord ;
3°) d'enjoindre au préfet de régulariser sa situation dans un délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 350 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 31 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- Le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller,
- et les observations de Me E... C..., substituant Me D... A..., représentant Mme F....
Considérant ce qui suit :
1. Mme F..., de nationalité congolaise, est entrée en France selon ses déclarations en février 2017. Elle relève appel du jugement du 18 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions en date du 11 avril 2019 par lesquelles le préfet du Nord l'a obligée à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. La décision en litige comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et qui permettaient à Mme F... de les contester utilement. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision en litige doit, par suite, être écarté.
3. Il ne ressort ni de la décision attaquée ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet n'a pas examiné la situation particulière de l'intéressée.
4. Si Mme F... soutient que la décision en litige est entachée d'une erreur de fait s'agissant de ses démarches relatives à la transcription de son acte de naissance dans les registres d'état civil, à la demande de regroupement familial effectuée par son père et à l'effet collectif attaché à la naturalisation de ce dernier, elle n'établit pas l'erreur alléguée. En particulier, elle ne démontre, par les pièces qu'elle produit, ni que ses démarches conduisaient à l'acquisition de la nationalité française avec effet rétroactif à la date de sa demande, ni qu'elle remplissait les conditions pour bénéficier de l'effet collectif de la naturalisation de son père.
5. Un étranger ne peut pas faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en application du I de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lorsque la loi prescrit, ou lorsqu'une convention internationale stipule, qu'il doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour.
6. Aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : / (...) / 8° A l'étranger reconnu réfugié en application du livre VII ainsi qu'à : / (...) / c) Ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 ; / (...) ".
7. Si Mme F... soutient que la décision en litige a méconnu le c) du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne peut utilement se prévaloir de cette disposition lui donnant droit à un titre de séjour dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, ni de la circonstance, à la supposer établie, qu'elle entre dans les prévisions de l'article L. 311-3 du même code, dès lors que son père, de nationalité française depuis 2009, n'avait alors plus la qualité d'étranger reconnu réfugié. En outre, l'appelante n'établit, même si son père a mentionné la filiation de l'intéressée lors de ses démarches pour obtenir l'asile, ni qu'il a demandé le bénéfice du regroupement familial avant sa naturalisation, ni que l'administration a examiné avec retard une telle demande. Si Mme F... a demandé la transcription de son acte de naissance dans les registres de l'état civil de la République française, cette circonstance ne lui a pas conféré un droit à la délivrance d'un titre de séjour.
8. Si l'appelante soutient qu'elle remplissait les conditions pour obtenir de plein droit le titre de séjour en qualité d'étudiant prévu par le II de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'elle pouvait bénéficier de cette disposition. Par suite, le moyen tiré de sa méconnaissance doit être écarté.
9. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; / (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que Mme F..., née en 1999, est arrivée en France, selon ses déclarations, en février 2017. Elle est célibataire et sans enfant. Si elle invoque la présence en France de son père, qui réside sur le territoire français depuis 2001 et qui a acquis la nationalité française en 2009, elle a vécu la majeure partie de son existence, éloignée de son père, dans son pays d'origine où il n'est pas établi qu'elle soit dépourvue d'attaches familiales. Si l'appelante soutient que la dégradation de l'état de santé de son père rend indispensable sa présence à ses côtés, elle ne l'établit pas. Elle ne démontre pas non plus avoir noué en France des liens d'ordre privé d'une particulière intensité. Dès lors, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France de l'intéressée, la décision en litige n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise et n'a pas violé l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste quant au pouvoir de régularisation ou à l'appréciation des conséquences sur la situation personnelle.
12. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doivent être rejetées.
Sur la décision de refus de délai de départ volontaire :
13. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
14. La décision en litige comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le préfet, qui n'avait pas à viser toutes les circonstances de fait de la situation de l'appelante, a cité les éléments pertinents qui fondent sa décision. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
15. Pour les mêmes motifs que ceux qui sont mentionnés ci-dessus, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige est entachée d'une erreur de fait.
16. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; / (...) ".
17. Il ressort des pièces du dossier que l'appelante n'établit pas être entrée régulièrement sur le territoire national. Elle est dépourvue de document d'identité ou de voyage en cours de validité et n'a sollicité la délivrance d'aucun titre de séjour. Par suite, elle n'est fondée à soutenir ni que la décision en litige a méconnu le champ d'application du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation de sa situation personnelle.
Sur la décision fixant le pays de destination :
18. La décision en litige mentionne les circonstances de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde, notamment que l'appelante n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, et mentionne l'article 3 de cette convention. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision ne peut qu'être écarté.
19. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés ci-dessus, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige est entachée d'une erreur de fait.
20. Le moyen tiré de ce que la situation personnelle de l'appelante lui donnerait droit au bénéfice d'un titre de séjour du plein droit est sans influence sur la légalité de la décision en litige.
21. L'appelante n'établit pas être personnellement exposée, en cas de retour au Congo, à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article 3 et celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle au regard de cette stipulation doivent être écartés.
22. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée découlant de la reconnaissance du statut de réfugié de son père, à le supposer opérant, n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
23. Il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination.
24. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions en date du 11 avril 2019 par lesquelles le préfet du Nord l'a obligée à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
25. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... F..., au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.
N°19DA01707 2