Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 25 mars 2019 de la préfète de la Seine-Maritime refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure.
Par un jugement n° 1902318 du 16 septembre 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 décembre 2019, Mme C..., représentée par Me A... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 mars 2019 de la préfète de la Seine-Maritime ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me D... d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, ou le versement à Mme C... d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91- 647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante algérienne, née le 22 janvier 1981, entrée en France en 2006 selon ses déclarations, sous couvert d'un titre de séjour espagnol, a demandé, le 26 décembre 2017, son admission au séjour sur le fondement des stipulations du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et du 5) du même article. Elle relève appel du jugement du 16 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mars 2019 de la préfète de la Seine-Maritime refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans (...) ".
3. Mme C... soutient qu'elle réside habituellement sur le territoire français depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée, soit au 25 mars 2019, et produit tout d'abord, pour l'année 2009, une attestation du 22 octobre 2018 d'un médecin certifiant l'avoir reçu quatre fois en mars, mai, septembre et décembre 2009 et une attestation d'un kinésithérapeute en date du 3 décembre 2009 indiquant qu'elle a bénéficié de quinze séances en octobre et novembre 2009. Ces attestations sont suffisantes pour attester de sa présence habituelle sur le territoire français en 2009. En outre, la requérante produit au titre de l'année 2010 un bulletin de paye du mois de décembre et, pour la première fois en appel, un bon du 22 janvier 2010 émanant des douches municipales de Rouen et une attestation d'un kinésithérapeute en date du 27 octobre 2010 indiquant qu'elle a bénéficié de séances en mars-avril et septembre-octobre 2010 pour de la rééducation. La circonstance que l'intéressée soit retournée en Espagne pour y obtenir la même année le renouvellement de son titre de séjour est sans incidence sur le caractère habituel de sa résidence en France, suffisamment établie par les pièces du dossier au demeurant non contestées par le préfet de la Seine-Maritime. S'agissant, enfin, de l'année 2016, également contestée par le préfet de la Seine-Maritime en première instance, Mme C... produit un certificat de travail établissant sa résidence en France de janvier à octobre, ainsi qu'un certificat d'hospitalisation en date du 30 septembre. La circonstance qu'elle se soit rendue en Algérie du 29 octobre au 14 novembre est sans incidence sur le caractère habituel de sa résidence en France au titre de cette année. Dans ces conditions, et alors qu'elle produit des éléments suffisants et non contestés par le préfet de la Seine-Maritime au titre des autres années, Mme C... établit sa résidence habituelle sur le territoire français depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté en litige. Elle est ainsi fondée à soutenir que les stipulations du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ont été méconnues. Par suite, l'arrêté du 25 mars 2019 doit être, pour ce motif, annulé.
4. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoins de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. L'annulation prononcée par le présent arrêt implique, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit et de fait, que le préfet de la Seine-Maritime délivre à Mme C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, le versement à Me A... D..., avocate de Mme C..., d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que Me D... renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1902318 du 16 septembre 2019 du tribunal administratif de Rouen et l'arrêté du 25 mars 2019 de la préfète de la Seine-Maritime sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à Mme C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me D..., avocate de Mme C..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., au ministre de l'intérieur, au préfet de la Seine-Maritime et à Me E....
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N°19DA02839