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17/09/2020 | FRANCE | N°18DA00492

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 17 septembre 2020, 18DA00492


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Indigo a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, ainsi que des pénalités correspondantes, à hauteur de la somme globale de 161 462 euros, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008,

2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes, à hauteur de la somme glo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Indigo a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, ainsi que des pénalités correspondantes, à hauteur de la somme globale de 161 462 euros, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes, à hauteur de la somme globale de 231 610 euros, enfin, des amendes fiscales prévues, en cas de distribution occulte, par les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts, qui lui ont été infligées au titre des exercices clos en 2008 et 2009, à hauteur des sommes respectives de 12 391 euros et 68 257 euros.

Par un jugement n° 1404886 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 6 mars 2018, le 12 novembre 2018 et le 29 février 2020, l'EURL Indigo, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige, ainsi que des pénalités dont elles sont assorties et des amendes qui lui ont été infligées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens de l'instance, lesquels doivent inclure les droits de plaidoirie.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant l'EURL Indigo.

Considérant ce qui suit :

1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Indigo exerce, dans le secteur du bâtiment, une activité de pose de revêtements de sols et de peinture. Ses principaux clients sont des bailleurs sociaux. Au cours des années 2010 et 2011, l'EURL Indigo a fait l'objet de plusieurs vérifications de comptabilité portant sur les périodes du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 et du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010. Les rectifications envisagées par l'administration à l'issue de ces contrôles ont été portées à la connaissance de l'EURL Indigo par une proposition de rectification du 5 décembre 2011 qui a été annulée et remplacée par une proposition de rectification du 8 décembre 2011. Le vérificateur a estimé qu'une partie des dépenses comptabilisées par l'EURL Indigo correspondait à des factures fictives émises par les sociétés REP, C'Netop et ADEM ou à des factures de complaisance émises par la société ML Concept. Ces dépenses n'ont pas été regardées comme ayant la nature de charges déductibles des bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces factures n'a pas été admise en déduction. En outre, compte tenu des réponses, regardées comme insatisfaisantes, apportées par l'EURL Indigo à la demande du vérificateur tendant à la désignation des bénéficiaires des règlements de ces factures, qui se sont révélés être des tiers aux sociétés émettrices, l'administration a décidé d'infliger à celle-ci des amendes pour distribution occulte. Au cours de sa séance du 9 juillet 2013, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a émis un avis favorable au maintien des rehaussements. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondants ainsi que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés en résultant ont été, en droits et pénalités, mis en recouvrement le 23 janvier 2014, de même que les amendes pour distributions occultes. L'EURL Indigo relève appel du jugement du 29 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, ainsi que des pénalités correspondantes, à hauteur de la somme globale de 161 462 euros, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes, à hauteur de la somme globale de 231 610 euros, enfin, des amendes fiscales prévues, en cas de distribution occulte, par les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts, qui lui ont été infligées au titre des exercices clos en 2008 et 2009, à hauteur des sommes respectives de 12 391 euros et 68 257 euros.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 21 juin 2018, postérieure à l'introduction de la requête, l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à hauteur des sommes respectives de 14 581 euros et de 29 401 euros, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de l'EURL Indigo au titre de la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010. En conséquence, les conclusions de la requête de l'EURL Indigo tendant à la décharge de ces impositions sont, comme le soutient le ministre, devenues, dans cette mesure, sans objet.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. En vertu de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. En outre, en vertu de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans le cadre d'une vérification de comptabilité, les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par ce livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. Enfin, l'article R. 13-1 de ce livre précise que les vérifications de comptabilité comportent notamment la comparaison des déclarations souscrites par les contribuables avec les écritures comptables et avec les registres et documents de toute nature, notamment ceux dont la tenue est prévue par le code général des impôts et par le code de commerce, et qu'elles impliquent aussi l'examen de la régularité, de la sincérité et du caractère probant de la comptabilité à l'aide particulièrement des renseignements recueillis à l'occasion de l'exercice du droit de communication et de contrôles matériels.

4. L'EURL Indigo a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur l'ensemble de ses déclarations fiscales de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009. Elle en a préalablement été informée par un avis de vérification qui lui a été adressé le 5 novembre 2010. Elle a, en outre, fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2010, dont elle a été avertie par un avis de vérification en date du 7 février 2011. Enfin, par un avis du 5 juillet 2011, elle a été informée de l'engagement par l'administration d'une vérification de comptabilité portant sur l'impôt sur les sociétés en ce qui concerne l'exercice clos en 2010.

5. En premier lieu, l'EURL Indigo soutient que ces dernières investigations auraient, en réalité, débuté avant la réception de l'avis de vérification du 5 juillet 2011, le vérificateur ayant, selon elle, commencé à examiner sa situation afférente à l'exercice clos en 2010 en matière d'impôt sur les sociétés au cours des opérations de contrôle relatives à la période couvrant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, ce même exercice. Toutefois, elle n'invoque, au soutien de ses allégations, aucun indice qui soit de nature à révéler que les investigations conduites antérieurement au 19 juillet 2011, ni que les pièces obtenues par le service dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès de l'établissement bancaire détenteur du compte bancaire de l'EURL Indigo et de l'un de ses fournisseurs, auraient porté sur l'impôt sur les sociétés de l'exercice 2010, ce qui ne résulte pas davantage de l'instruction. Au demeurant, le seul exercice par le service de son droit de communication à l'égard de tiers ne saurait révéler l'engagement d'une vérification de comptabilité, qui implique nécessairement, en vertu des dispositions, mentionnées au point 3, de l'article R. 13-1 du livre des procédures fiscales, un rapprochement des documents ainsi obtenus avec la comptabilité de la société vérifiée. A cet égard, il n'est pas établi, ni d'ailleurs allégué par l'EURL Indigo, que le vérificateur aurait, au cours du contrôle relatif à la taxe sur la valeur ajoutée concernant la période du 1er janvier au 31 décembre 2010, demandé à examiner des pièces comptables sans rapport avec ce contrôle, ni que les investigations conduites au cours de la vérification afférente à l'exercice 2010 en matière d'impôt sur le sociétés aient été abrégées ou moins approfondies du fait de la prise en compte de constatations antérieures. Il suit de là que le moyen tiré par l'EURL Indigo de l'irrégularité, au regard des dispositions précitées de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, de la procédure d'imposition doit être écarté.

6. En deuxième lieu, dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.

7. Il résulte de l'instruction que la vérification dont a fait l'objet l'EURL Indigo en matière de taxe sur la valeur ajoutée, en ce qui concerne la période du 1er janvier au 31 décembre 2010, a été conduite, à la demande de son gérant, dans les locaux de l'expert-comptable de la société. Si l'EURL Indigo soutient que son gérant n'a rencontré le vérificateur, dans ces locaux, que deux fois au cours des opérations de vérification, l'administration indique, sans être sérieusement contredite, les dates de deux autres réunions que le vérificateur a tenues au même lieu, en présence du gérant de l'EURL Indigo, au cours de ces opérations, ce que confirment d'ailleurs les termes de la proposition de rectification adressée le 8 décembre 2011 à cette société. Or, la société requérante n'établit pas que le vérificateur se serait refusé, à l'occasion des interventions au cours desquelles elle était représentée, à tout échange de vues, et n'avance aucun indice précis de nature à établir qu'elle aurait été privée du débat oral et contradictoire auquel elle avait droit au cours des opérations sur place. Il suit de là que le moyen tiré par l'EURL Indigo de ce que la procédure d'imposition serait sur ce point entachée d'irrégularité et de méconnaissance de la procédure de rectification contradictoire visée à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

8. En troisième et dernier lieu, en vertu de l'article L. 103 du livre des procédures fiscales, l'obligation du secret professionnel s'applique à toutes les personnes appelées, à l'occasion de leurs fonctions ou attributions, à intervenir dans l'assiette, le contrôle, le recouvrement ou le contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au code général des impôts et s'étend à toutes les informations recueillies à l'occasion de ces opérations.

9. L'EURL Indigo soutient que l'administration a méconnu l'obligation du secret professionnel définie à l'article L. 103 du livre des procédures fiscales, dans la proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 8 décembre 2011, en lui communiquant des éléments relatifs à la situation fiscale et sociale de deux de ses sous-traitants, ce que l'administration aurait, selon la société requérante, reconnu dans ses écritures contentieuses. Toutefois, à la supposer avérée, une telle méconnaissance, qui serait seulement susceptible de léser les sous-traitants concernés, demeurerait sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition mise en oeuvre à l'égard de l'EURL Indigo.

Sur le bien-fondé des impositions restant en litige :

10. D'une part, en vertu des dispositions combinées du 2. de l'article 272 du code général des impôts et du 4. de l'article 283 de ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable, à raison de ses propres opérations, la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucune marchandise ou prestation de services, c'est-à-dire sur une facture fictive, ou qui n'était pas le fournisseur réel de la marchandise ou de la prestation effectivement livrée ou exécutée, la facture en cause étant alors regardée comme de complaisance. Dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et se présentait à ses clients comme assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, sans qu'il soit manifeste qu'il n'aurait pas rempli les obligations l'autorisant à faire figurer cette taxe sur ses factures, il appartient, indépendamment de la procédure d'imposition, à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance. D'autre part, dans le cas où une entreprise, à laquelle il appartient toujours de justifier, tant du montant de ses charges que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité, justifie d'une charge comptabilisée par une facture émanant d'un fournisseur, il incombe à l'administration, si elle entend refuser la déduction de cette charge, d'établir que la marchandise ou la prestation de services facturée n'a pas été réellement livrée ou exécutée.

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

11. L'EURL Indigo, qui soumissionne à de nombreux marchés publics, précise que, pour être à même de respecter les délais d'exécution imposés par les maîtres d'ouvrage, elle a recours à la sous-traitance, qui représenterait 40 % de son chiffre d'affaires annuel. A l'issue de la vérification de comptabilité dont l'EURL Indigo a fait l'objet, l'administration a estimé qu'une partie de la taxe sur la valeur ajoutée portée en déduction par cette société au cours de la période vérifiée se rapportait à des factures, émises par trois de ses sous-traitants, à savoir les sociétés REP, C'Netop et ADEM, qui présentaient un caractère fictif. Elle a estimé, en outre, que des factures émises par un autre sous-traitant, la société ML Concept, présentaient un caractère de pure complaisance. L'administration a, en conséquence, remis en cause les déductions de taxe sur la valeur ajoutée opérées par l'EURL Indigo sur la base de ces factures et a mis à sa charge les rappels de taxe correspondants.

12. L'EURL Indigo se prévaut tout d'abord du jugement du 2 mars 2018, devenu définitif, par lequel le tribunal correctionnel de Lille a condamné son gérant à raison de faits d'abus de biens ou de crédits d'une société à responsabilité limitée par un gérant à des fins personnelles, en faisant observer que le juge pénal n'a constaté l'existence d'aucune facture fictive ou de complaisance, alors que son gérant était également poursuivi pour de tels faits. Toutefois, l'autorité de la chose jugée qui appartient aux décisions du juge répressif devenues définitives s'attache à la constatation des faits mentionnés dans les jugements et arrêts, support nécessaire du dispositif de ces décisions, et à leur qualification au regard de la loi pénale, mais ne s'attache pas à l'appréciation de ces mêmes faits au regard de la loi fiscale, notamment en ce qui concerne l'évaluation des bases d'imposition. En outre, l'autorité de la chose jugée par la juridiction pénale ne saurait s'attacher aux motifs tirés de ce que les faits reprochés au contribuable ne sont pas établis, de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité, ou, a fortiori, au silence des motifs de la décision définitive du juge pénal sur tel ou tel fait. Dès lors, la circonstance que le juge pénal n'a pas, en l'espèce, retenu des faits liés à l'usage de factures fictives ou de complaisance à l'égard du gérant de l'EURL Indigo au regard de la loi pénale, de même que celle que les deux enquêtes préliminaires n'auraient pas constaté l'existence de tels faits, sont dépourvues d'incidence sur l'appréciation à laquelle l'administration doit se livrer pour l'application, à la situation de l'EURL Indigo, de la loi fiscale.

S'agissant des factures émises par la société REP :

13. L'EURL Indigo a enregistré en tant que charges, dans sa comptabilité de l'exercice clos en 2009, plusieurs factures, représentant un montant total de 103 773,39 euros hors taxes, qui lui avaient été délivrées par la société à responsabilité limitée (SARL) REP, qui avait pour activité la réalisation de travaux de rénovation d'immeubles et de décoration et qui a, depuis lors, été placée en liquidation judiciaire par un jugement du 16 novembre 2010. L'EURL Indigo a également procédé à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur ces factures. L'administration a remis en cause cette déduction après avoir estimé que ces factures présentaient un caractère fictif.

14. Pour apporter la preuve, qui lui incombe, de ce que les factures qu'elle a écartées présentaient un caractère fictif, l'administration a fait valoir que le vérificateur n'avait eu accès à aucun document, tel des contrats de sous-traitance ou des relevés de chantier, de nature à justifier d'une exécution effective des prestations correspondantes. Elle a fait valoir, en outre, le caractère particulièrement imprécis du libellé de ces factures, qui, se limitant à des mentions génériques telles que " travaux de peinture ", ne permet pas d'identifier la nature exacte des prestations auxquelles elles se rapportent, ni d'apprécier l'adéquation entre les montants facturés et les prestations qui auraient été réalisées. Enfin, l'administration a relevé que ces factures ne désignaient pas l'EURL Indigo comme étant le bénéficiaire des prestations concernées. Par ces éléments concordants, que le ministre reprend dans ses écritures, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, du caractère fictif de ces factures.

15. L'EURL Indigo conteste cependant la pertinence de ces éléments, en soutenant, d'une part, que ces factures ont été effectivement payées par elle, d'autre part, que, contrairement à ce qu'avance l'administration dans la proposition de rectification qui lui a été adressée le 8 décembre 2011, elle disposait de pièces de nature à justifier de la situation de la SARL REP au regard de la législation relative au droit du travail, ainsi que dans le domaine fiscal et en matière de contributions sociales, alors d'ailleurs que la détention de ces pièces, constitutives d'un dossier de sous-traitance, n'était alors pas requise. Elle soutient, enfin, que les factures mentionnent le lieu d'exécution des prestations auxquelles elles se rapportent et qu'elle a été à même d'effectuer des rapprochements entre ces factures et les refacturations qu'elle a adressées aux maîtres d'ouvrage.

16. Toutefois, les éléments dont se prévaut ainsi l'EURL Indigo ne constituent pas une contestation suffisante du faisceau d'indices concordants, exposé au point 14, sur lequel s'est fondée l'administration pour remettre en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur ces factures. En effet, les seuls faits, en les tenant même pour établis, que ces factures aient été payées par l'EURL Indigo et que celle-ci ait refacturé les sommes correspondantes aux maîtres d'ouvrage des opérations en cause ne sont pas, à eux seuls, de nature à lui permettre de justifier d'une exécution effective par la SARL REP des prestations auxquelles ces factures sont réputées se rapporter, sans qu'ait d'incidence à cet égard les circonstances que l'EURL Indigo aurait constitué un dossier de sous-traitance au nom de la SARL REP, avec laquelle toutefois elle ne peut justifier de relations contractuelles, et qu'elle a pu préciser l'adresse des immeubles concernés par ces factures. Dans ces conditions, l'administration était fondée à remettre en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces factures, au motif qu'elles présentent un caractère fictif.

S'agissant des factures émises par la société C'Netop :

17. Au cours de la période vérifiée, l'EURL Indigo a comptabilisé des factures émises par l'EURL C'Netop, qui se présente comme exerçant une activité de nettoyage industriel, pour les montants totaux de 47 884 euros hors taxes au titre de l'exercice clos en 2008, de 87 892 euros hors taxes au titre de l'exercice clos en 2009 et de 102 260 euros hors taxes au titre de l'exercice suivant, et a déduit la taxe sur la valeur ajoutée correspondante. L'administration a remis en cause ces déductions, après avoir estimé que ces factures présentaient un caractère fictif, mais a cependant admis en déduction la taxe afférente à d'autres factures émises par l'EURL C'Netop, pour lesquelles une concordance avait pu être établie avec d'autres pièces en possession de l'EURL Indigo ainsi qu'avec ses propres facturations.

18. Pour apporter la preuve, qui lui incombe, de ce que les factures ainsi écartées présentaient un caractère fictif, l'administration a fait valoir que le vérificateur n'avait eu accès à aucun document, tel des contrats de sous-traitance ou des relevés de chantier ou encore des fiches de pointage des salariés affectés à ces chantiers, de nature à justifier d'une exécution effective, par l'EURL C'Netop, des prestations correspondantes. Elle se prévaut aussi du caractère évasif du libellé de ces factures, qui ne permet pas d'identifier la nature exacte des prestations auxquelles elles se rapportent, ni d'effectuer un suivi de la facturation par chantier, dont l'EURL Indigo, qui n'a pu expliciter les modalités suivant lesquelles elle aurait refacturé les sommes correspondantes aux maîtres d'ouvrage, n'a d'ailleurs pu justifier. A cet égard, le ministre fait valoir que l'exercice, par le service, de son droit de communication auprès de l'EURL C'Netop a permis de révéler que les prestations en cause avaient été prises en compte par cette dernière comme consistant en des travaux de peinture, tandis que le gérant de l'EURL Indigo a indiqué au vérificateur qu'il s'agissait, selon elle, de prestations de nettoyage. Par ailleurs, l'administration a relevé que certaines de ces factures, bien qu'émises sous le même numéro d'ordre, comportaient des mentions différentes, y compris s'agissant de leur montant et de leur destinataire, selon qu'elles étaient détenues par l'EURL Indigo ou par l'EURL C'Netop. Enfin, le ministre ajoute que certaines des factures en cause ont fait l'objet de règlements par chèque sans ordre émis par l'EURL Indigo et encaissés non par l'EURL C'Netop, dont l'adresse du siège social ne correspondait d'ailleurs qu'à une domiciliation postale, mais par des tiers, parmi lesquels figuraient notamment la gérante de l'EURL C'Netop, ainsi que des membres de la famille de celle-ci ou encore le propre gérant de l'EURL Indigo. Par ces éléments concordants, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, du caractère fictif de ces factures.

19. Pour contester ces éléments, l'EURL Indigo fait d'abord état de remboursements, qu'aurait opérés spontanément son gérant, de sommes qu'il aurait encaissées par erreur et qui correspondraient au paiement de plusieurs de ces factures. Elle soutient ensuite que le fait que le siège social de l'EURL C'Netop ne correspond qu'à une adresse postale à laquelle aucun salarié n'est affecté est sans portée, dès lors que les auditions effectuées dans le cadre des enquêtes pénales ont permis d'établir que cette société employait un effectif de 35 salariés, disposait notamment de véhicules et qu'elle opérait directement sur les chantiers après s'y être fait livrer les marchandises et matériels utiles. Elle ajoute que l'administration a d'ailleurs admis en déduction la taxe sur la valeur ajoutée afférente à la majeure partie des factures qui lui ont été délivrées par cette société et qui, toutes, ont trait à des travaux de peinture. Elle soutient, en outre, qu'elle a produit, devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, plusieurs contrats de sous-traitance conclus avec l'EURL C'Netop au cours de la période vérifiée, ainsi que les devis correspondants, ces documents ayant également été versés à l'instruction. Elle fait observer que, en admettant même que le libellé de certaines factures serait évasif, celles-ci peuvent être rapprochées de bons d'intervention signés par les deux parties et dont les mentions sont suffisamment explicites en ce qui concerne le lieu et la nature des prestations en cause. Enfin, elle ajoute que les distributions qui ont pu être opérées par l'EURL C'Netop au profit de sa gérante ou de proches de celle-ci lui sont étrangères et qu'elles ne peuvent justifier la remise en cause de son propre droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur des factures qui lui ont été adressées, ni davantage établir que ces factures présentent un caractère fictif.

20. Toutefois, les éléments dont se prévaut ainsi l'EURL Indigo ne constituent pas une contestation suffisante du faisceau d'indices concordants, exposé au point 18, sur lequel s'est fondée l'administration pour remettre en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures en cause. Si le gérant de cette société a pu, dans le cadre d'un contrôle afférent à sa situation fiscale personnelle, justifier avoir effectivement remboursé une somme de 48 144,98 euros correspondant au montant total toutes taxes comprises de quatre de ces factures, émises au cours de la période couvrant l'année 2010, il résulte de l'instruction que l'administration a décidé d'abandonner le rappel de taxe sur la valeur ajoutée correspondant et de prononcer le dégrèvement dont il a été fait état au point 2. En revanche, si l'EURL Indigo soutient que son gérant a remboursé d'autres sommes correspondant à des factures dont il a perçu les règlements au cours de l'année 2009, elle n'apporte aucune justification au soutien de cette allégation, qui n'est corroborée par aucun élément de l'instruction. Au demeurant, le fait que les sommes ainsi indûment perçues par le gérant de l'EURL Indigo émanent de cette société elle-même et non de l'EURL C'Netop rend peu plausible, à supposer même que certains des chèques correspondants aient été signés par la secrétaire de la société, l'explication selon laquelle ces encaissements auraient été opérés par inadvertance. Par ailleurs, l'EURL Indigo n'a versé à l'instruction, pour justifier de l'objet de factures délivrées par l'EURL C'Netop durant la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, que sept contrats de sous-traitance, tous conclus dans des termes très proches avec cette société en mars 2010, qui ne comportent qu'une désignation très imprécise du lieu de réalisation et de l'objet de ces travaux, de sorte que ces documents ne peuvent compenser l'imprécision des mentions des factures, ni davantage permettre de justifier l'exécution effective des prestations facturées, tandis que les bons d'intervention dont il est fait état par la société requérante ne sont pas produits. En outre, l'EURL Indigo n'avance aucune explication en ce qui concerne les divergences observées entre des factures émises par l'EURL C'Netop et portées dans sa comptabilité et celles, comportant la même date et le même numéro d'ordre, détenues par cette société. Enfin, l'encaissement par des tiers des règlements, effectués par l'EURL Indigo, de certaines des factures en cause ne peut être regardé comme procédant d'une distribution occulte qui aurait été opérée par l'EURL C'Netop à l'insu de l'EURL Indigo, mais constitue un indice de ce que ces factures ont eu, en réalité, pour seul objet de permettre à cette dernière de majorer sa taxe sur la valeur ajoutée déductible sur la base de factures dont elle n'est pas en mesure de justifier de l'existence d'une contrepartie réelle. Dans ces conditions, l'administration était fondée à remettre en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces factures, au motif qu'elles présentent un caractère fictif.

S'agissant des factures émises par la société ADEM :

21. Au cours de la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, l'EURL Indigo a déduit, pour un montant total de 87 078,97 euros, la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur plusieurs factures émises par la SARL ADEM, qui exerce les activités de nettoyage et de peinture, ces factures représentant un montant total hors taxes de 444 280,50 euros. L'administration a remis partiellement en cause cette déduction, à hauteur d'un montant de 5 950, 92 euros au titre de la période couvrant l'année 2009 et d'un montant de 2 243,41 euros pour celle couvrant l'année 2010, après avoir estimé que certaines des factures en cause présentaient un caractère fictif.

22. Pour apporter la preuve, qui lui incombe, de ce que les factures qu'elle a ainsi écartées présentaient un caractère fictif, l'administration a fait valoir que le vérificateur n'avait eu accès à aucun document, tel des contrats de sous-traitance ou des relevés de chantier, de nature à justifier d'une exécution effective, par la SARL ADEM, des prestations correspondantes. Elle se prévaut aussi du caractère évasif du libellé de ces factures, qui ne permet pas d'identifier la nature exacte des prestations auxquelles elles se rapportent, ni d'effectuer un rapprochement avec les facturations adressées aux maîtres d'ouvrage, ce que les représentants de l'EURL Indigo ont été dans l'incapacité de faire en présence du vérificateur. Enfin, le ministre fait valoir que certaines des factures en cause ont fait l'objet de règlements par chèque émis par l'EURL Indigo et encaissés non par la SARL ADEM, mais par le gérant de cette dernière et par une société tierce. Par ces éléments concordants, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, du caractère fictif de ces factures.

23. L'EURL Indigo conteste cependant ces éléments en soutenant que le caractère évasif du libellé des factures qui ont été écartées ne constitue pas un indice pertinent, dès lors, d'une part, que l'administration a admis en déduction la taxe sur la valeur ajoutée afférente à la plupart des factures émises par la SARL ADEM, dont les mentions n'étaient pas plus précises, d'autre part, que les factures en cause peuvent être rapprochées de bons d'intervention, signés par les deux parties, dont les mentions sont suffisamment explicites en ce qui concerne le lieu et la nature des prestations en cause. En outre, elle ajoute que, contrairement à ce qu'a retenu initialement l'administration, elle a versé à l'instruction un contrat de sous-traitance se rapportant à l'une des opérations faisant l'objet de certaines des factures écartées et dont la possession n'était d'ailleurs pas alors requise, ainsi que de nombreux devis, tandis que les autres opérations peuvent être justifiées par les bons d'intervention correspondants. Elle a également produit les attestations sociales concernant la SARL ADEM. Enfin, elle fait valoir que le seul fait que les règlements de certaines de ces factures aient pu être encaissés par des tiers ne suffit pas à remettre en cause son droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant ces factures, quand bien même il pourrait lui être reproché son imprudence pour avoir établi des chèques sans ordre, ni davantage à établir le caractère fictif de ces factures.

24. Toutefois, les éléments dont se prévaut ainsi l'EURL Indigo ne constituent pas une contestation suffisante du faisceau d'indices concordants, exposé au point 22, sur lequel s'est fondée l'administration pour remettre en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures écartées. En effet, l'EURL Indigo n'a versé à l'instruction, pour justifier de l'objet de factures qui lui ont été délivrées par la SARL ADEM durant la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, qu'un seul contrat de sous-traitance, qui comporte une désignation très imprécise du lieu de réalisation et de l'objet des travaux auxquels il se rapporte, de sorte que ce document ne peut compenser l'imprécision des mentions des factures correspondantes, ni permettre de justifier d'une exécution effective des prestations facturées, tandis que les bons d'intervention dont il est fait état ne sont pas produits. Par ailleurs, si l'EURL Indigo a produit 19 devis délivrés par la SARL ADEM et se rapportant à la période en cause, ces documents ne comportent pas une définition plus précise que les factures, de la consistance des prestations auxquels ils se rapportent, et ne peuvent, en tout état de cause, suffire à justifier de la réalisation effective de ces prestations. A cet égard, la circonstance que l'administration a admis en déduction la taxe sur la valeur ajoutée afférente à la majeure partie des factures adressées par la SARL ADEM à l'EURL Indigo, lorsque, malgré l'imprécision du libellé de ces factures, des rapprochements pouvaient être opérées entre les montants facturés et les refacturations adressées par l'EURL Indigo aux maîtres d'ouvrage, n'est pas de nature à invalider l'approche de l'administration consistant à mettre en doute la réalisation des prestations facturées lorsque, en présence de factures au libellé imprécis, de tels rapprochements s'avéraient impossibles. Enfin, l'encaissement par des tiers des règlements, effectués par l'EURL Indigo, de certaines des factures en cause ne peut être regardé comme procédant d'une distribution occulte qui aurait été opérée par la SARL ADEM à l'insu de l'EURL Indigo, alors d'ailleurs que cette dernière a favorisé, à tout le moins, cette situation en établissant des chèques sans ordre. Une telle pratique constitue, au contraire, un indice de ce que ces factures ont eu, en réalité, pour seul objet de permettre à la société requérante de majorer sa taxe sur la valeur ajoutée déductible sans qu'elle soit en mesure, au vu notamment de l'absence de libellé suffisamment précis des factures en cause, de justifier de l'existence d'une contrepartie réelle. Dans ces conditions, l'administration était fondée à remettre en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces factures, au motif qu'elles présentent un caractère fictif.

S'agissant des factures émises par la société ML Concept :

25. Au cours de la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009, l'EURL Indigo a enregistré en comptabilité des factures qui lui avaient été délivrées par l'EURL ML Concept, qui exerçait, avant sa cessation d'activité, une activité de peinture, de décoration et de rénovation. Ces factures représentent, sur la période couvrant l'année 2008, une somme totale toutes taxes comprises de 99 088,71 euros et, sur la période couvrant l'année 2009, une somme totale toutes taxes comprises de 60 936,20 euros. L'EURL Indigo a déduit la taxe sur la valeur ajoutée correspondante. Il est toutefois apparu que l'EURL ML Concept avait cessé toute activité à compter du 31 décembre 2008, l'administration ayant d'ailleurs constaté qu'elle n'avait plus souscrit, à compter de cette date, aucune des déclarations auxquelles elle était tenue. Le vérificateur a également constaté que l'EURL Indigo avait recruté, le 1er juillet 2009, l'ancien gérant de l'EURL ML Concept et que les factures émises par cette dernière au cours de l'année 2009 concernaient la période du 1er janvier au 30 juin de cette année. L'administration a, en conséquence, remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les factures émises par l'EURL ML Concept au cours de la période couvrant l'année 2009, après avoir estimé que celles-ci n'avaient été émises que dans le but de couvrir le travail effectué directement pour le compte de l'EURL Indigo durant cette période et qu'elles présentaient ainsi un caractère de pure complaisance.

26. Pour apporter la preuve, qui lui incombe, de ce que les factures qu'elle a ainsi écartées présentaient un caractère de complaisance, l'administration a fait valoir, dans la proposition de rectification adressée à l'EURL Indigo, que cette société n'avait pas été en mesure de produire au vérificateur des contrats de sous-traitance, des pièces constitutives de dossiers de sous-traitance ou tout autre élément de nature à justifier une intervention effective de l'EURL ML Concept pour la réalisation des prestations faisant l'objet de ces factures, qui avaient été émises à des dates auxquelles cette société n'avait plus d'activité réelle. Par ces éléments concordants, que le ministre s'approprie dans ses écritures, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, du caractère de pure complaisance de ces factures.

27. Pour contester ces éléments, l'EURL Indigo soutient, d'une part, que l'administration n'apporte aucun élément précis au soutien de son grief afférent au travail dissimulé qu'elle lui impute et, d'autre part, que la possession de contrats et de dossiers de sous-traitance n'était pas obligatoire en 2009. Elle ajoute que l'administration n'a pas remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les factures délivrées par l'EURL ML Concept au titre de la période couvrant l'année 2008, et qu'elle n'a émis aucun doute sur la réalisation effective des prestations sur lesquelles ces factures portaient. Elle fait observer que l'administration n'apporte pas la preuve de ce qu'elle aurait effectivement rémunéré le gérant de l'EURL ML Concept comme l'un de ses salariés à compter du 1er juillet 2009, alors qu'elle ne lui a adressé aucun chèque. Elle soutient, enfin, que rien ne laissait présager la cessation d'activité de cette société, avec laquelle elle avait l'habitude de collaborer sur les chantiers.

28. Toutefois, l'EURL Indigo ne conteste pas la réalité de l'indice sur lequel l'administration fonde principalement sa position, à savoir la cessation, à compter du 31 décembre 2008, de l'activité de l'EURL ML Concept, ni n'avance aucune explication au fait que cette société ait pu, en dépit de cette situation, continuer à lui adresser des factures au cours de la période du 1er janvier au 30 juin 2009. En outre, indépendamment des exigences susceptibles de peser sur elle par application des législations relatives à la sous-traitance et au droit du travail, une société commerciale astreinte, comme l'EURL Indigo, à la tenue d'une comptabilité doit être à même de pouvoir justifier l'exactitude des écritures qu'elle enregistre en comptabilité, de même, lorsque ces écritures portent sur des factures, que du principe de la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur ces factures. Ainsi, le fait que l'EURL Indigo n'est en mesure de produire aucun contrat de sous-traitance, ni aucune pièce, telle des comptes rendus de réunion de chantier ou des états d'avancement établis par la maîtrise d'oeuvre, de nature à lui permettre de justifier de la réalisation effective par l'EURL ML Concept des prestations sur lesquelles portent les factures écartées par l'administration, constitue un autre indice, dans le contexte qui a été rappelé, de leur caractère de pure complaisance, sans qu'ait d'incidence le sort réservé aux factures émises par l'EURL ML Concept au cours de la période couvrant l'année 2008, alors que cette société avait encore une existence légale. Dans ces conditions, et quand bien même la preuve du recrutement effectif, à compter du 1er juillet 2009, par la société requérante de l'ancien gérant de l'EURL ML Concept, qui est formellement contesté par la contribuable, ne serait pas rapportée par l'administration, cette dernière doit être regardée comme apportant effectivement la preuve, qui lui incombe, du caractère de pure complaisance des factures adressées à l'EURL Indigo par l'EURL ML Concept au cours de la période allant du 1er janvier au 30 juin 2009.

29. Il résulte de ce qui a été dit aux points 11 à 28 que c'est à bon droit que l'administration a retenu que l'EURL Indigo avait pratiqué, au cours de la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, des déductions de taxe sur la valeur ajoutée sur la base de factures fictives ou de pure complaisance et qu'elle a, en conséquence, mis à la charge de celle-ci les rappels de taxe sur la valeur ajoutée restant en litige.

En ce qui concerne les suppléments d'impôt sur les sociétés :

30. Ainsi qu'il a été dit au point 13, l'EURL Indigo a enregistré en tant que charges, dans sa comptabilité de l'exercice clos en 2009, plusieurs factures, représentant un montant total de 103 773,39 euros hors taxes, qui lui avaient été délivrées par la SARL REP. L'administration ayant regardé ces factures comme fictives, elle a remis en cause cette écriture comptable. Il résulte cependant des termes mêmes de la proposition de rectification adressée le 8 décembre 2011 à l'EURL Indigo que l'administration n'a réintégré qu'une somme de 101 132 euros au résultat imposable réalisé par cette société au titre de l'exercice 2009. Pour les motifs exposés aux points 14 à 16, l'administration doit être regardée, par le faisceau d'indices concordants qu'elle avance et qui n'est pas utilement contesté, ainsi qu'il a été dit précédemment, comme apportant la preuve, qui lui incombe, du caractère fictif de ces factures.

31. Ainsi qu'il a été dit au point 17, l'EURL Indigo a comptabilisé, au cours de la période vérifiée, des factures émises par l'EURL C'Netop, pour les montants totaux de 47 884 euros hors taxes au titre de l'exercice clos en 2008, de 87 892 euros hors taxes au titre de l'exercice clos en 2009 et de 102 260 euros hors taxes au titre de l'exercice suivant. L'administration a remis en cause ces écritures, après avoir estimé que ces factures présentaient un caractère fictif, mais a cependant admis en déduction en tant que charges les montants hors taxes mentionnés sur d'autres factures émises par l'EURL C'Netop et pour lesquelles une concordance avait pu être établie avec d'autres pièces en possession de l'EURL Indigo ainsi qu'avec ses propres facturations. Pour les motifs exposés aux points 18 à 20, l'administration doit être regardée, par le faisceau d'indices concordants qu'elle avance et qui n'est pas utilement contesté, ainsi qu'il a été dit précédemment, comme apportant la preuve, qui lui incombe, du caractère fictif des factures qu'elle a ainsi écartées.

32. Ainsi qu'il a été dit au point 21, l'EURL Indigo a, au cours des exercices clos en 2009 et 2010, porté en comptabilité, en tant que charges, à hauteur d'un montant total hors taxes de 444 280,50 euros, des factures émises par la SARL ADEM. L'administration a remis partiellement en cause ces écritures de charges, à hauteur d'un montant de 30 362 euros au titre de l'exercice clos en 2009 et d'un montant de 11 446 euros au titre de l'exercice clos 2010, après avoir estimé que certaines de ces factures présentaient un caractère fictif. Pour les motifs exposés aux points 22 à 24, l'administration doit être regardée, par le faisceau d'indices concordants qu'elle avance et qui n'est pas utilement contesté, ainsi qu'il a été dit précédemment, comme apportant la preuve, qui lui incombe, du caractère fictif des factures qu'elle a ainsi écartées.

33. Enfin, comme il a été dit au point 25, l'EURL Indigo a enregistré en comptabilité, au cours des exercices clos en 2008 et 2009, des factures qui lui avaient été délivrées par l'EURL ML Concept. Ces factures représentaient, au titre de l'exercice clos en 2008, une somme totale toutes taxes comprises de 99 088,71 euros et, au titre de l'exercice clos en 2009, une somme totale toutes taxes comprises de 60 936,20 euros. L'administration a remis en cause le caractère de charge déductible des opérations ainsi facturées par cette société au cours du second de ces exercices, après avoir estimé que les factures correspondantes revêtaient un caractère de pure complaisance. Pour les motifs exposés aux points 26 à 28, l'administration doit être regardée, par le faisceau d'indices concordants qu'elle avance et qui n'est pas utilement contesté, ainsi qu'il a été dit précédemment, comme apportant la preuve, qui lui incombe, du caractère de pure complaisance de ces factures.

34. Il résulte de ce qui a été dit aux points 30 à 33 que c'est à bon droit que l'administration a estimé que l'EURL Indigo avait porté en charges, dans sa comptabilité des exercices clos en 2008, 2009 et 2010, les sommes susmentionnées sur la base de facture fictives ou de pure complaisance et qu'elle a, en conséquence, mis à la charge de celle-ci les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés restant en litige.

Sur les pénalités :

35. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) / c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) ".

36. Pour justifier l'application, aux rehaussements en litige correspondant à l'enregistrement de factures fictives ou de complaisance, de la majoration prévue en cas de manoeuvres frauduleuses par les dispositions précitées du c. de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration a fait valoir, dans la proposition de rectification adressée le 8 décembre 2011 à l'EURL Indigo, que cette dernière a pris une part active au montage consistant à déduire, sur la base de factures fictives ou de complaisance, de la taxe sur la valeur ajoutée au cours de la période couvrant les années 2008 à 2010, ainsi que des sommes de ses résultats imposables des exercices correspondants, tout en enregistrant dans sa comptabilité des règlements destinés aux sociétés émettrices de ces factures, alors qu'elle ne pouvait ignorer que certaines des sommes correspondantes étaient, en réalité, versées à son propre gérant, qui n'en a reversé qu'une partie, ainsi qu'à des tiers. Les éléments ainsi avancés par l'administration, qui ne sont pas sérieusement contestés et qui révèlent l'intention qui a été celle de l'EURL Indigo d'éluder l'impôt tout en créant des apparences de nature à égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle, sont de nature à justifier le bien-fondé de l'application, aux rehaussements en cause, de la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses, sans qu'ait d'incidence, à cet égard, le fait que le juge pénal n'a pas condamné le gérant de l'EURL Indigo pour avoir enregistré en comptabilité des factures fictives ou de complaisance.

Sur les amendes :

37. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759. ". Aux termes de l'article 1759 de ce code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 %. ".

38. Pour justifier le prononcé de l'amende prévue par les dispositions précitées de l'article 1759 du code général des impôts, le ministre fait valoir que les chèques émis et comptabilisés par l'EURL Indigo comme étant destinés à payer des factures émises par des sous-traitants ont, en réalité, été encaissés par des tiers. L'administration ayant, au cours de la vérification de comptabilité dont l'EURL Indigo a fait l'objet, identifié une partie seulement des bénéficiaires de ces paiements, à savoir le propre gérant de cette société, des salariés de la société et des dirigeants de certaines des sociétés sous-traitantes, a demandé à l'EURL Indigo, conformément à l'article 117 du code général des impôts, dans la proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 8 décembre 2011, de lui fournir, dans un délai de trente jours, toute information concernant les bénéficiaires du surplus des sommes distribuées. L'EURL Indigo a répondu à cette demande le 6 février 2012. Toutefois, au terme d'investigations complémentaires, l'administration a constaté que les bénéficiaires que l'EURL Indigo lui avait désignés dans cette réponse n'étaient pas ceux dont les noms avaient été portés sur les chèques dont la copie avait été adressée au service dans le cadre de l'exercice de son droit de communication. Il résulte des éléments ainsi avancés par le ministre que l'EURL Indigo n'a apporté qu'une réponse insatisfaisante à la demande qui lui avait été adressée et qui portait sur des règlements atteignant un montant total de 80 647,12 euros. En conséquence, c'est à bon droit que l'administration a infligé à cette société l'amende, prévue à l'article 1759 du code général des impôts, égale à 100 % de ce montant. Or, l'EURL Indigo ne conteste pas utilement le bien-fondé de cette amende en soutenant que certains des bénéficiaires de ces sommes qu'elle n'avait pas exactement désignés pouvaient aisément être identifiés par l'administration, indépendamment des éléments de réponse qu'elle lui avait communiqués, et que l'envoi par le vérificateur, dans ces conditions, d'une demande de désignation de ces bénéficiaires n'aurait pas été nécessaire.

39. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Indigo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions restant en litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en tout état de cause, à celles afférentes à la charge des dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer, à concurrence des dégrèvements de 14 581 euros et de 29 401 euros prononcés en cours d'instance, sur les conclusions de la requête de l'EURL Indigo tendant, respectivement, à la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de l'EURL Indigo est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Indigo et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°18DA00492


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