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15/09/2020 | FRANCE | N°19DA01792

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 15 septembre 2020, 19DA01792


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 avril 2019 par lequel le préfet de l'Aisne l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et lui a interdit le retour sur le territoire français avant l'expiration du délai d'un an.

Par jugement n° 1903558 du 20 juin 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté en date du 25 avril

2019 et a enjoint au préfet de l'Aisne de délivrer une autorisation provisoire de séjou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 avril 2019 par lequel le préfet de l'Aisne l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et lui a interdit le retour sur le territoire français avant l'expiration du délai d'un an.

Par jugement n° 1903558 du 20 juin 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté en date du 25 avril 2019 et a enjoint au préfet de l'Aisne de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. C... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, le temps de procéder au réexamen de sa situation.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2019, le préfet de l'Aisne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. C....

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Vu les autres pièces du dossier, dont celles déposées le 17 janvier 2020.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020-405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Heinis, président de chambre,

- et les observations de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant marocain né en juin 1991, déclare être entré en France en 2015. Interpellé le 25 avril 2019, il n'a pas été en mesure de justifier de son entrée régulière sur le territoire français ou de son droit au séjour. Par arrêté du même jour, le préfet de l'Aisne l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant un an. Le préfet relève appel du jugement du 20 juin 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.

Sur le jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) ".

3. Si l'arrêté du 25 avril 2019 s'est fondé sur le 2° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à tort comme le premier juge l'a relevé puisque M. C... n'était pas entré régulièrement en France, le préfet a demandé en appel, pour la première fois, une substitution de base légale sur le fondement du 1° de cet article. Dès lors que ces dispositions prévoient des garanties équivalentes, que le préfet dispose d'un même pouvoir d'appréciation, que l'intéressé a été mis en mesure de produire ses observations et qu'il remplit les conditions de ce 1°, il y a lieu de procéder à la substitution demandée et, même si l'intéressé avait un rendez-vous à la préfecture en vue d'enregistrer une demande de titre de séjour, d'annuler le jugement attaqué.

Sur les moyens invoqués par M. C... :

En ce qui concerne la compétence :

4. L'arrêté attaqué a été signé par M. Pierre Larrey, secrétaire général de la préfecture de l'Aisne, qui disposait d'une délégation de signature à cet effet, consentie par un arrêté n° 2019-76 du 14 mars 2019 du préfet de l'Aisne publié le même jour au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le département. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été pris par une autorité incompétente doit être écarté.

En ce qui concerne la procédure :

5. Il ressort du procès-verbal du 25 avril 2019 que M. C... a été informé de son droit de recourir à un interprète, qu'il a refusé d'en bénéficier et qu'il a répondu aux questions posées en langue française lors de l'audition. En tout état de cause, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué a été notifié à l'intéressé dans une langue qu'il ne comprenait pas est inopérant.

En ce qui concerne la motivation :

6. L'arrêté comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Ainsi, le préfet de l'Aisne, qui n'avait pas à viser toutes les circonstances de fait de la situation de M. C..., a cité les éléments dont il avait connaissance et qui fondent ses décisions. Par suite le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

En ce qui concerne la vie privée et familiale :

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; (...) ". Selon l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ".

8. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; (...) ". Selon l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (...) ".

9. Si M. C..., entré irrégulièrement et récemment en France, est le père d'une fille de nationalité française, Lala, née en mai 2016, à la date de l'arrêté il résidait à Saint-Quentin alors que sa fille et la mère de celle-ci qui en a la garde, Mme B..., résidaient à Albi. Pour la période antérieure à l'arrêté, les seuls justificatifs d'une contribution de l'intéressé à l'entretien et à l'éducation de sa fille qu'il n'a reconnue qu'en mars 2018 consistent, outre quelques factures, en des virements mensuels de montant modeste initiés à partir de juillet 2018, soit plus de deux ans après la naissance de l'enfant. Même si, après l'arrêté, M. C... a payé d'autres factures et a été présent à des visites médicales de sa fille suivie en onco hématologie à partir d'avril 2019, l'arrêté n'était pas entaché d'erreur manifeste quant au pouvoir de régularisation ou à l'appréciation des conséquences et n'a pas porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale garantie par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale, ni violé les articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et L. 311-11, 6° et L. 511-4, 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'absence de délai de départ volontaire :

10. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. (...) ".

11. Lorsqu'il a été interpellé le 25 avril 2019, M. C..., entré irrégulièrement en France, était démuni de tout document d'identité ou de voyage, ne justifiait pas d'une résidence permanente et avait déclaré ne pas vouloir retourner dans son pays d'origine. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en n'accordant pas un délai de départ volontaire.

En ce qui concerne les risques encourus dans le pays de renvoi :

12. M. C... n'apporte aucun élément circonstancié quant aux risques qu'il pourrait encourir en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens ;

13. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger. (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence des cas prévus au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa (...) du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

14. En application de ces dispositions, l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour en France et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.

15. En l'espèce, l'arrêté attaqué s'est borné à affirmer que " l'examen d'ensemble de la situation de l'intéressé a été effectué, relativement à la durée de l'interdiction de retour, au regard notamment du huitième alinéa ", sans fournir aucune autre précision. Une telle motivation ne peut pas être regardée comme justifiant de la prise en compte de l'ensemble des critères légaux.

16. Il résulte de tout ce qui précède que l'arrêté attaqué ne doit être annulé qu'en tant qu'il a prononcé une interdiction de retour en France.

Sur l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative :

17. Dans les circonstances de l'espèce, y a lieu de prescrire au préfet de procéder au réexamen de la situation de M. C... au regard du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'accueillir les conclusions présentées pour M. C....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 20 juin 2019 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de l'Aisne du 25 avril 2019 est annulé en tant qu'il a interdit le retour de M. C... sur le territoire français pendant un an.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 4 : Il est enjoint au préfet de procéder au réexamen de la situation de M. C... au regard du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de l'Aisne, à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

N°19DA01792 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01792
Date de la décision : 15/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Christian Boulanger
Rapporteur public ?: M. Bories
Avocat(s) : CARDON

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-09-15;19da01792 ?
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