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15/09/2020 | FRANCE | N°19DA00383

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 15 septembre 2020, 19DA00383


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière Legrand a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la délibération du 16 décembre 2016 par laquelle le conseil municipal de Loison-sous-Lens a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune en tant qu'elle classe en zone N une partie des parcelles lui appartenant cadastrées en section AE nos 148, 172 et 180.

Par un jugement n° 1701334 du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Lille a annulé la délibération du 16 décembre 2016 en tant qu'ell

e procède à ce classement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière Legrand a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la délibération du 16 décembre 2016 par laquelle le conseil municipal de Loison-sous-Lens a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune en tant qu'elle classe en zone N une partie des parcelles lui appartenant cadastrées en section AE nos 148, 172 et 180.

Par un jugement n° 1701334 du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Lille a annulé la délibération du 16 décembre 2016 en tant qu'elle procède à ce classement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 février 2019 et 24 avril 2020, la commune de Loison-sous-Lens, représentée par Me D... A..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 18 décembre 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société civile immobilière Legrand devant le tribunal administratif de Lille ;

3°) de mettre à la charge de la société civile immobilière Legrand une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Aurélien Gloux-Saliou, premier conseiller,

- les conclusions de M. Arnaud Bories, rapporteur public,

- et les observations de Me B... C..., représentant la commune de Loison-sous-Lens.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 16 décembre 2016, le conseil municipal de Loison-sous-Lens a approuvé le plan local d'urbanisme, dont le zonage a eu notamment pour effet de classer en zone N une partie des parcelles cadastrées en section AE nos 148, 172 et 180 appartenant à la société civile immobilière Legrand. La commune de Loison-sous-Lens interjette appel du jugement du 18 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a accueilli la demande de cette société et annulé la délibération en tant qu'elle classe en zone N les terrains mentionnés ci-dessus.

Sur le bien-fondé du jugement contesté :

2. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ". En vertu de ces dispositions, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un plan local d'urbanisme en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé de tous les moyens d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance.

3. En premier lieu, en vertu de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales, la convocation du conseil municipal est faite par le maire et indique les questions portées à l'ordre du jour. Aux termes de l'article L. 2121-12 du même code : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal (...) " et aux termes de l'article L. 2121-13 du code : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ".

4. Il résulte de ces dispositions que, dans les communes de 3 500 habitants et plus, la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour. Le défaut d'envoi de cette note ou son insuffisance entache d'irrégularité les délibérations prises, à moins que le maire n'ait fait parvenir aux membres du conseil municipal, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions. Elle n'impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés, à qui il est au demeurant loisible de solliciter des précisions ou explications conformément à l'article L. 2121-13 du même code, une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises.

5. En l'espèce, la commune de Loison-sous-Lens soutient que son maire a adressé à tous les conseillers municipaux, avec la convocation datée du 8 décembre 2016 à la séance du conseil du 16 décembre suivant, un document de synthèse contenant les informations prévues aux articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales. D'une part, en produisant un extrait du registre des délibérations du conseil municipal, qui mentionne la convocation du 8 décembre 2016 et fait foi jusqu'à preuve du contraire, puis un document de synthèse, qui traite effectivement des sujets soumis aux débats lors de la séance du conseil du 16 décembre 2016, ainsi que, pour la première fois en appel, des attestations de dix-neuf conseillers municipaux indiquant que le document de synthèse a été joint à la convocation, la commune de Loison-sous-Lens établit que ce document a été envoyé conformément aux prescriptions de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales. D'autre part, s'agissant de l'approbation du plan local d'urbanisme, inscrite à l'ordre du jour de la séance du 16 décembre 2016, le document de synthèse contient un projet de délibération approuvant le plan ainsi qu'une annexe de cinq pages résumant les sept orientations du projet d'aménagement et de développement durable ainsi que les six orientations d'aménagement et de programmation, définissant succinctement les différentes zones régies par le règlement et reproduisant la carte du zonage pour l'ensemble du territoire de la commune. Ces éléments ont fourni aux conseillers municipaux une information leur permettant d'exercer utilement leur mandat. Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a estimé que la délibération du 16 décembre 2016 était irrégulière, faute d'avoir fait l'objet d'une information préalable adéquate des conseillers municipaux.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 153-8 du code de l'urbanisme : " Le dossier soumis à l'enquête publique (...) comprend, en annexe, les différents avis recueillis dans le cadre de la procédure (...) ". En vertu de l'article L. 153-16 du même code, ces avis sont notamment ceux qu'émettent, sur le projet de plan local d'urbanisme arrêté par le conseil municipal, les personnes publiques associées à l'élaboration du plan mentionnées aux articles L. 132-7 et L. 132-9 du code.

7. Il ressort des pièces du dossier que la commune a joint au dossier soumis à l'enquête publique, sous l'intitulé " Plan local d'urbanisme - Enquête publique - Avis des personnes publiques associées ", un ensemble de documents, tous signés ou paraphés par le commissaire enquêteur, comprenant notamment les avis émis sur le projet de plan par plusieurs services de l'Etat, la région Nord - Pas-de-Calais, le département du Pas-de-Calais, le service départemental d'incendie et de secours du Pas-de-Calais, le syndicat mixte chargé du schéma de cohérence territoriale Lens-Liévin-Hénin-Carvin, la communauté d'agglomération de Lens-Liévin et la commune voisine de Harnes. En outre, le commissaire enquêteur a indiqué, dans la partie de son rapport intitulée " Analyse - commentaires - conclusions et avis motivé du commissaire enquêteur ", que le dossier d'enquête comprenait, entre autres, " les avis des PPA ", puis a émis son avis motivé en visant et, le cas échéant, en analysant chacun de ces avis. Dans ces conditions, les avis des personnes publiques associées à l'élaboration du plan local d'urbanisme ont été inclus dans le dossier soumis à enquête publique conformément aux prescriptions de l'article R. 153-8 du code de l'urbanisme. C'est donc à tort que le tribunal administratif de Lille a estimé que la procédure d'enquête publique avait été irrégulière, en méconnaissance de ces dispositions.

8. En troisième lieu, en vertu du VI de l'article 12 du décret du 28 décembre 2015 relatif à la partie réglementaire du livre Ier du code de l'urbanisme et à la modernisation du contenu du plan local d'urbanisme, les dispositions des articles R. 123-1 à R. 123-14 du code de l'urbanisme dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2015 demeurent applicables aux plans locaux d'urbanisme dont l'élaboration a été engagée avant le 1er janvier 2016, ce qui est le cas en l'espèce. Aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Les zones naturelles et forestières sont dites 'zones N'. Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / b) Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / c) Soit de leur caractère d'espaces naturels (...) ".

9. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. S'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future d'un secteur, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation sur ces différents points peut être censurée par le juge administratif au cas où elle serait fondée sur des faits matériellement inexacts ou entachée d'une erreur manifeste.

10. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées en section AE nos 148, 172 et 180, dans leur partie classée en zone N dans le plan de zonage du plan local d'urbanisme, forment un terrain triangulaire d'environ 4 000 mètres carrés qui, s'il comporte quelques arbres dans sa partie sud, accueille dans sa partie nord un pylône supportant des lignes à haute tension et revêt, de manière générale, l'aspect d'une friche dépourvue de qualité paysagère, recouverte par endroits d'une végétation sauvage composée d'herbes ou d'arbrisseaux. Il ressort également des pièces du dossier que le terrain en cause est bordé, dans sa partie sud-ouest, par des bâtiments industriels abritant les activités agro-alimentaires de la société civile immobilière Legrand et disposant, sur cette partie du terrain où est par ailleurs implanté un hangar de stockage, de plusieurs ouvertures destinées à l'évacuation de déchets. Le reste du terrain est entouré, à l'ouest et à l'est, de maisons individuelles, d'autres bâtiments industriels et de lieux de stationnements ou, au nord, d'un carrefour et d'une route départementale reliant Lens à Carvin. Eu égard à ces éléments, en classant en zone N le terrain en litige pour y constituer un corridor naturel censé mettre en oeuvre la quatrième orientation du projet d'aménagement et de développement durables visant à renforcer les milieux naturels dans l'espace urbain, le conseil municipal de Loison-sous-Lens a commis une erreur manifeste d'appréciation.

11. Il résulte de ce qui précède que la commune de Loison-sous-Lens n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Lille a annulé la délibération du conseil municipal du 16 décembre 2016 approuvant le plan local d'urbanisme en tant qu'elle classe en zone N une partie des parcelles cadastrées en section AE nos 148, 172 et 180.

Sur l'injonction :

12. L'annulation du classement des parties de parcelles en cause a pour effet, conformément à l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme, de remettre en vigueur, sur ce terrain, les dispositions du plan d'occupation des sols dans leur version précédant l'adoption du plan local d'urbanisme. Le présent arrêt n'implique, dès lors, aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées, par la voie de l'appel incident, par la société civile immobilière Legrand doivent être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société civile immobilière Legrand, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Loison-sous-Lens au titre des frais exposés. Il y a lieu en revanche, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société civile immobilière Legrand.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Loison-sous-Lens est rejetée.

Article 2 : La commune de Loison-sous-Lens versera à la société civile immobilière Legrand une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Loison-sous-Lens et à la société civile immobilière Legrand.

No19DA00383 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00383
Date de la décision : 15/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme. Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU).


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Aurélien Gloux-Saliou
Rapporteur public ?: M. Bories
Avocat(s) : CABINET DUCLOY CROQUELOIS BERTINCOURT

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-09-15;19da00383 ?
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