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30/07/2020 | FRANCE | N°20DA00353

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 30 juillet 2020, 20DA00353


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 mars 2019 par lequel la préfète de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé.

Par un jugement n° 1902124 du 24 octobre 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par u

ne requête, enregistrée le 25 février 2020, M. D..., représenté par Me C... B..., demande à la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 mars 2019 par lequel la préfète de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé.

Par un jugement n° 1902124 du 24 octobre 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 février 2020, M. D..., représenté par Me C... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté du 29 mars 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire, valable un an, dans un délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, avant dire droit, de désigner un expert aux fins de déterminer si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et s'il peut avoir effectivement accès, dans son pays d'origine, à un traitement approprié et d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de cette expertise ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant congolais, né le 22 février 1974, déclare être entré en France en 2009 afin d'y solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 27 mai 2010 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 16 février 2011. Il a ensuite bénéficié d'autorisations provisoires de séjour entre 2011 et 2013 puis a été mis en possession, à compter du 28 août 2013, d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, régulièrement renouvelé jusqu'au 26 novembre 2017 dont il a alors sollicité le renouvellement. A la suite de la communication à la préfète de la Seine-Maritime de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, M. D... a été invité à faire valoir les éléments nouveaux qu'il souhaitait voir être pris en compte dans l'examen de sa situation. Le 24 mai 2018, M. D... a ainsi sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 29 mars 2019, la préfète de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. D... relève appel du jugement du 24 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. La décision contestée, qui vise les dispositions du 7° et du 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et fait état des éléments pertinents relatifs à la situation de M. D..., comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".

4. L'article R. 313-22 du même code dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. (...) / Le collège de médecins peut entendre et, le cas échéant, examiner le demandeur et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. Il peut être assisté d'un interprète et d'un médecin. / (...) ".

5. En premier lieu, d'une part, il ressort des pièces du dossier que l'avis médical du 3 avril 2018 concernant l'état de santé de M. D... qui, contrairement à ce que soutient ce dernier, a été versé au dossier par la préfète de la Seine-Maritime, porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration émet l'avis suivant " et a été signé par les trois médecins composant le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'appelant ne produit aucun commencement de preuve de ce que les personnes ayant rendu cet avis n'avaient pas qualité pour ce faire et n'auraient pas délibéré de façon collégiale conformément à la mention figurant sur cet avis qui fait foi jusqu'à preuve du contraire. Si, d'autre part, le requérant fait valoir qu'il n'a pas été convoqué, ni au stade du rapport ni au stade de l'élaboration de l'avis, il ressort toutefois des termes des dispositions précitées de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la convocation du demandeur n'est qu'une faculté offerte aux médecins de l'Office. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'un vice de procédure doit être écarté.

6. En second lieu, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires, doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un accès effectif au traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

7. La décision de refus de séjour est notamment fondée sur l'avis rendu le 3 avril 2018 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a estimé que si l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ressort en outre de cet avis que l'état de santé de l'intéressé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour contester cette appréciation, M. D... se prévaut, comme en première instance, de plusieurs ordonnances et certificats médicaux établis entre 2011 et 2019 dont il ressort qu'il est régulièrement suivi en raison de troubles anxio-dépressifs, d'irritabilité, de troubles du sommeil, de contractures musculaires et autres plaintes somatiques, et qu'il suit à cet effet un traitement médicamenteux. Toutefois, ces éléments ne permettent pas d'établir qu'un défaut de prise en charge médicale entrainerait pour M. D... des conséquences d'une exceptionnelle gravité, alors même au demeurant qu'il ressort d'un avis du médecin de l'Agence régionale de santé en date du 17 novembre 2015 que les soins nécessités par son état de santé devaient être poursuivis pour une durée de 24 mois. Ainsi, les éléments versés au dossier par le requérant ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par la préfète de la Seine-Maritime sur la situation de l'intéressé au vu notamment de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. La circonstance que le requérant ait précédemment bénéficié, pendant huit années, de titres de séjour en raison de son état de santé n'est pas davantage de nature à remettre en cause cette appréciation dès lors que cette circonstance est sans incidence sur l'appréciation de sa situation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à la date de l'arrêté attaqué. Par suite, sans qu'il soit besoin de prescrire une mesure d'expertise, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".

9. Ainsi qu'il a été dit au point 1, M. D... déclare être entré en France en 2009 et a bénéficié, à la suite du rejet de sa demande d'asile, d'autorisations provisoires de séjour entre 2011 et 2013 avant d'être mis en possession, à compter du 28 août 2013, d'un titre de séjour, régulièrement renouvelé jusqu'au 26 novembre 2017. Toutefois, la seule circonstance que le requérant ait bénéficié de ces autorisations provisoires de séjour et de ce titre de séjour en raison de son état de santé n'est pas, à elle seule, de nature à établir une intégration d'une particulière intensité ni qu'il aurait fixé l'ensemble de ses intérêts sur le territoire français. De même, les activités professionnelles que fait valoir le requérant ne sont pas davantage de nature à établir ces éléments dès lors que les fonctions qu'il a exercées, essentiellement en qualité d'ouvrier polyvalent dans le secteur des travaux publics, l'ont été soit sous contrats à durée à déterminée, soit en tant qu'intérimaire dans le cadre d'accroissements temporaires d'activité. Par ailleurs, si le requérant a été marié avec une ressortissante française le 31 mars 2012, il ressort des pièces du dossier, et il est constant, que par un jugement du 6 mars 2015, soit antérieurement à la décision attaquée, le tribunal de grande instance du Havre a prononcé le divorce entre les époux. M. D..., qui ne se prévaut d'aucune autre attache sur le territoire français, n'établit pas ni même n'allègue qu'il serait dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente-cinq ans. Dans ces conditions, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La préfète de la Seine-Maritime n'a pas davantage commis d'erreur d'appréciation, ni d'erreur de droit dans l'application des notions de vie privée et de vie familiale dès lors que le droit en question porte sur le respect de tous ces aspects de la vie d'une personne et doit donc être apprécié globalement. Par suite, ces moyens ne peuvent qu'être écartés.

10. Lorsqu'elle est saisie d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité compétente n'est pas tenue, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé.

11. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, et en particulier du courrier 24 mai 2018, que M. D... a uniquement sollicité, outre le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade, son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il ressort des termes de la décision attaquée que la préfète de la Seine-Maritime a également examiné de sa propre initiative la possibilité de délivrer un titre de séjour à M. D... au titre d'un motif exceptionnel ou de considérations humanitaires. Dans ces conditions, la décision en litige doit être regardée comme ayant examiné la possibilité de délivrer un titre de séjour au requérant sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers.

12. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2.(...) ".

13. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code précité, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant par là-même des motifs exceptionnels exigés par la loi. Il appartient en effet à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger, ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

14. D'une part, il ressort des termes même de l'arrêté attaqué que la préfète de la Seine-Maritime a, dans un premier temps, apprécié les éléments relatifs à la vie privée et familiale et de M. D... et, dans un second temps, apprécié l'insertion professionnelle de ce dernier au regard des contrats de travail dont il se prévalait. D'autre part, le requérant ne se prévaut d'aucune promesse d'embauche ou d'aucun contrat de travail encore en vigueur dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que sa dernière activité remonte au mois de novembre 2018. Dans ces conditions, la préfète de la Seine-Maritime n'avait pas à examiner la qualification, l'expérience et les caractéristiques de l'emploi occupé par le requérant dès lors que celui-ci n'occupe aucun emploi et n'établit pas qu'il postulerait à un emploi, et qu'il ne se prévaut que d'expériences professionnelles passées. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.

15. Ainsi qu'il a été dit aux points 7 et 9, M. D... n'établit pas qu'un défaut de prise en charge médicale entrainerait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il ne justifie pas avoir fixé l'ensemble de ses intérêts sur le territoire français et ne saurait se prévaloir d'une intégration professionnelle d'une particulière intensité. Dans ces conditions, le requérant ne démontre pas pouvoir se prévaloir de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels propres à justifier une admission exceptionnelle sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que la préfète de la Seine-Maritime a pu refuser de régulariser sa situation sur le fondement de ces dispositions.

16. Pour les motifs exposés aux points 7 et 9, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Seine-Maritime ait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision litigieuse sur la situation personnelle de l'intéressé. Par suite, ce moyen doit être écarté.

17. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour est entachée d'illégalité.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

18. Lorsqu'un refus de séjour est assorti d'une obligation de quitter le territoire français, la motivation de cette dernière se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé, de mention spécifique. La décision portant refus de titre de séjour comporte, ainsi qu'il a été dit au point 2, les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision litigieuse doit, par suite, être écarté.

19. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, le moyen tiré de ce que la décision contestée a été prise au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté.

20. Il résulte de ce qui a été dit au point 17 que M. D... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

21. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".

22. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que M. D... n'établit pas que le défaut de prise en charge médicale de son état de santé pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

23. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 9 et 16, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision en litige sur la situation de M. D... doivent être écartés.

24. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'illégalité.

Sur la décision fixant le pays de destination :

25. Compte tenu de ce qui a été dit au point précèdent, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

26. Le droit d'être entendu, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne et consacrés par la Charte des droits fondamentaux, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, ni sur la décision fixant le pays de destination de son éloignement qui l'accompagne, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.

27. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination qui sont prises concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. M. D..., qui en tout état cause a, ainsi qu'il ressort des mentions de l'arrêté, été invité le 26 avril 2018 à faire valoir des éléments actualisés sur sa situation, n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office serait entachée d'un vice de procédure à ce titre.

28. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

29. Si M. D... soutient qu'il est menacé en cas de retour dans son pays d'origine, il n'apporte, à l'appui de ce moyen, aucun élément probant. Il ressort des pièces du dossier, au demeurant, que l'intéressé a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et du droit d'asile, puis par la Cour nationale du droit d'asile ainsi qu'il a été rappelé au point 1. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.

30. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., au ministre de l'intérieur et à Me C... B....

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Seine-Maritime.

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N°20DA00353

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00353
Date de la décision : 30/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Paul Louis Albertini
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SELARL ANTOINE MARY et CAROLINE INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 01/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-07-30;20da00353 ?
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