Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2019 du préfet du Nord lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination de cette mesure et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'un an.
Par un jugement n° 1905991 du 1er août 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2019, M. D..., représenté par Me C... E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2019 du préfet du Nord ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, dans l'attente du réexamen de sa situation, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 contre renonciation de la part de ce conseil au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91- 647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 27 février 1995, entré en France le 24 août 2017 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa " Schengen " de type D, s'est vu délivrer un titre de séjour valable du 28 août 2017 au 28 août 2018. Interpellé le 8 juillet 2019, il a été placé en garde à vue pour des faits de " faux et usage de faux document administratif " et " conduite d'un véhicule sans permis de conduire ". Il relève appel du jugement du 1er août 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 juillet 2019 du préfet du Nord lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination de cette mesure et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'un an.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier que M. D... avait soulevé, devant le tribunal administratif de Lille, un moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté en litige. Les visas du jugement attaqué font d'ailleurs mention de ce moyen. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille n'a toutefois pas expressément écarté ce moyen, qui n'était pas inopérant, dans les motifs de son jugement. Il suit de là que M. D... est fondé à soutenir que ce jugement est irrégulier et à en demander, pour ce motif, l'annulation.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Lille.
Sur le moyen commun aux décisions attaquées :
4. Par un arrêté du 5 juillet 2019, publié le même jour au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Nord a donné délégation à M. B... A..., attaché d'administration de l'Etat, chef de la section éloignement, signataire de l'arrêté en litige, à l'effet de signer, notamment, les décisions attaquées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions attaquées doit, dès lors, être écarté.
Sur les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire :
5. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) /4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire ou pluriannuel et s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de ce titre ; (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ".
6. En premier lieu, la décision attaquée mentionne avec suffisamment de précision les circonstances de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde et est ainsi suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
7. En deuxième lieu, si le requérant soutient pour la première fois en appel qu'il aurait demandé le renouvellement de son titre de séjour toujours en cours d'instruction à la date de la décision attaquée, il ne l'établit pas par le seul avis de réception d'un courrier sur lequel est apposée la date du 20 août 2018 et la mention " préfecture du Nord " sans autre précision, dont le contenu n'est pas joint, ainsi que la copie d'un mail peu circonstancié, dont l'authenticité quant à son auteur et son contenu n'est pas justifiée. Il ressort en outre de ses propres déclarations, lors de son audition par les services de police, qu'il " n'a pas pu faire son dossier ", qu'il a eu des problèmes financiers et qu'il n'a pas pu étudier cette année. Dans ces conditions, il ressort des pièces du dossier que M. D... s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée d'un mois à compter de la date d'expiration de son titre de séjour dont il n'a pas demandé le renouvellement et entrait ainsi dans le champ d'application du 4° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet du Nord n'a, par suite, pas entaché la décision en litige d'un défaut d'examen particulier de la situation personnelle du requérant, ni d'une erreur de fait, ni d'une erreur de droit.
8. En troisième lieu, M. D..., entré sur le territoire français depuis août 2017, soit depuis plus d'un an à la date de la décision en litige, est célibataire et sans charge de famille. Il n'établit pas avoir constitué à cette date des liens d'une particulière intensité en France et ne fait état d'aucune perspective d'insertion dans la société française. Il ne peut utilement se prévaloir de la conclusion d'un pacte civil de solidarité le 16 janvier 2020 avec une ressortissante française, ni de la naissance de son enfant le 11 décembre 2019, ces circonstances étant postérieures à la décision en litige. Dès lors, compte tenu de la durée du séjour en France de l'intéressé, le préfet du Nord n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celui tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, celui tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation doit également être écarté.
9. Enfin, si M. D... soutient qu'il serait exposé à des peines ou traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen est inopérant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Sur les moyens dirigés contre la décision fixant le pays de destination :
10. La décision attaquée, qui vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et mentionne que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à cette convention en cas de retour dans son pays d'origine, est suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
11. M. D... n'assortit son moyen tiré de ce qu'il serait exposé à des peines ou traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.
12. Les moyens soulevés tirés de l'erreur de droit et d'appréciation ne sont assortis d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Ils doivent ainsi être écartés.
Sur les moyens dirigés contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
13. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier alinéa (...) du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
14. La décision portant interdiction à M. D... de revenir sur le territoire français, pour une durée d'un an, vise le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fait état de la durée de présence du requérant sur le territoire français et souligne l'absence d'attaches familiales de ce dernier sur le territoire français. Elle évoque également la circonstance qu'il n'a pas fait l'objet d'une mesure d'éloignement, de ce qu'il est sans charge de famille, qu'il a vécu dans son pays jusqu'à l'âge de vingt-trois ans et ainsi passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine et qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public. Ainsi, cette motivation atteste de la prise en compte de l'ensemble des critères prévus par les dispositions citées ci-dessus par le préfet du Nord. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté.
15. En deuxième lieu, M. D... soutient que la décision en litige est entachée d'une erreur d'appréciation. Cependant, eu égard aux éléments retenus par l'autorité administrative évoqués au point précédent, et au regard de la situation familiale de M. D... rappelée au point 8 du présent arrêt, le préfet du Nord n'a pas commis d'erreur d'appréciation en fixant à un an la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à l'encontre de l'intéressé. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 9 juillet 2019 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure et lui a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 par le conseil de l'intéressé.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1905991 du tribunal administratif de Lille du 1er août 2019 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Lille et le surplus des conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet du Nord.
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N°19DA02106