Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 24 avril 2019 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de réfugié, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre à l'autorité préfectorale de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, enfin, et à défaut, de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait définitivement statué sur le réexamen de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 1904074 du 28 juin 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 août 2019, M. C..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 avril 2019 du préfet du Pas-de-Calais ;
3°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer une carte de séjour temporaire pour motifs humanitaires ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision fixant le pays de destination et de suspendre l'exécution de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait définitivement statué sur le réexamen de sa demande d'asile et d'enjoindre au préfet de réexaminer ensuite sa situation ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Binand, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., ressortissant du Soudan, né le 1er mars 1989, est entré irrégulièrement sur le territoire français, le 21 novembre 2015, selon ses déclarations. Après le rejet de sa demande d'asile par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 9 juin 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 30 novembre 2017, il s'est rendu au Royaume-Uni où il a fait l'objet d'une décision de transfert vers la France. Par une décision du 20 novembre 2018, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté comme irrecevable la demande de réexamen qu'il a présentée à son retour en France, au motif que les éléments nouvellement produits au soutien de cette demande n'augmentaient pas de manière significative la probabilité qu'il justifie des conditions requises pour prétendre à une protection internationale. Par un arrêté du 24 avril 2019, le préfet du Pas-de-Calais a refusé d'admettre M. C... au séjour en qualité de réfugié, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le Soudan ou tout pays dans lequel il établirait être légalement admissible comme pays de renvoi. M. C... relève appel du jugement du 28 juin 2019 en tant que, par ce jugement, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et, à défaut, à la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, M. C... a fait valoir en première instance que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ayant rejeté comme irrecevable sa demande d'asile, en application des dispositions de l'article L. 723-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans l'entendre, il est d'autant plus nécessaire qu'il puisse présenter des observations orales devant la Cour nationale du droit d'asile afin que soit respecté le droit au recours effectif garanti par les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il soutient que le premier juge, en n'indiquant pas les considérations qui l'ont conduit à écarter cet argument, a apporté une réponse insuffisamment motivée au moyen tiré de ce que l'arrêté contesté, en ce qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français, méconnaît les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, il ressort du point 11 du jugement attaqué que, pour écarter ce moyen, le premier juge a relevé que le respect du droit au recours effectif, protégé par les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'exige pas que le demandeur d'asile, débouté par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, soit autorisé à se maintenir sur le territoire français jusqu'à la décision de la Cour nationale du droit d'asile statuant sur son recours, compte tenu des garanties, suffisant au respect de ce droit, offertes, notamment, par les modalités de saisine et de représentation par un conseil devant la Cour et par l'effet suspensif attaché au recours devant le juge de l'excès de pouvoir à l'encontre de la décision d'éloignement dont le demandeur d'asile débouté par l'Office est susceptible de faire l'objet. Par une telle motivation, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a suffisamment répondu au moyen soulevé devant lui par M. C....
3. En second lieu, M. C... soutient que le premier juge s'est fondé sur des faits matériellement inexacts en estimant que son retour au Soudan n'impliquerait pas nécessairement qu'il traverse des zones en situation de violence généralisée. Toutefois, cette critique a trait au bien-fondé de l'appréciation à laquelle s'est livrée le premier juge et non à la régularité du jugement attaqué.
4. Il résulte des deux points précédents que les moyens tirés par M. C... de l'irrégularité du jugement attaqué doivent être écartés.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
5. En premier lieu, l'arrêté attaqué, qui mentionne, notamment, que la demande d'asile de M. C... a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et qui fait état d'éléments propres à la situation personnelle ou familiale de l'étranger, comporte un énoncé suffisamment précis des motifs de droit et des considérations de fait sur lesquels le préfet du Pas-de-Calais s'est fondé pour rejeter la demande d'admission au séjour en qualité de réfugié dont l'intéressé l'avait saisi, Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté doit être écarté.
6. En deuxième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit implique, notamment, que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter des observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaitre, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité administrative s'abstienne de prendre à son égard une mesure d'éloignement. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause et ne fait pas valoir d'éléments nouveaux. Enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.
7. Il est constant que, ainsi qu'il a été dit au point 1, M. C... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour au titre de l'asile. Dès lors, il ne pouvait ignorer, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, qu'en cas de rejet, il pourrait faire l'objet d'une mesure d'éloignement assortie d'une décision fixant le pays de destination. Ainsi, il lui appartenait, au cours de l'instruction de cette demande, de faire valoir auprès de l'administration, qui n'était tenue par aucune disposition législative ou réglementaire alors en vigueur, ni aucun principe général du droit, de l'inviter à user de cette possibilité, toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux de nature à justifier son admission au séjour, y compris sur un fondement autre que l'asile. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait, n'imposait pas à l'autorité administrative de mettre M. C... à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français prise en conséquence du rejet de sa demande de titre de séjour. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.
8. En troisième lieu, il ressort des motifs et du dispositif de l'arrêté attaqué que le préfet du Pas-de-Calais, par cet arrêté, s'est borné à rejeter la demande de M. C... tendant à la délivrance, sur le seul fondement de l'asile, d'un titre de séjour. Le préfet du Pas-de-Calais a également relevé, dans cet arrêté, que l'intéressé ne se prévalait d'aucun élément justifiant de l'admettre au séjour à titre exceptionnel. Pour autant, le préfet n'était pas tenu d'inviter M. C... à solliciter la délivrance d'un titre de séjour sur un fondement autre que l'asile, ni davantage à produire des éléments appropriés à l'examen d'une demande de titre de séjour sur un fondement autre que celui à raison duquel il avait sollicité son admission au séjour. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 8 que M. C..., à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision lui refusant l'admission au séjour.
10. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet du Pas-de-Calais, pour faire obligation à M. C... de quitter le territoire français, a procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé au regard des éléments portés à sa connaissance. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de M. C... doit être écarté.
11. En troisième lieu, M C... soutient que le préfet du Pas-de-Calais a méconnu les dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le champ d'application desquelles il ne conteste pas entrer, dès lors que les particularités de sa situation justifiaient, selon lui, qu'il puisse se maintenir sur le territoire français afin de présenter des observations orales devant la Cour nationale du droit d'asile au soutien de sa demande de réexamen. Toutefois, au regard tant de l'ensemble des garanties procédurales rappelées au point 2 que de l'appréciation portée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sur le caractère insuffisant des éléments produits M. C... pour augmenter de manière significative la probabilité que celui-ci justifie des conditions requises pour prétendre à une protection internationale, le préfet du Pas-de-Calais, en édictant la mesure d'éloignement contestée, n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de M. C..., qui, par ailleurs, ne se prévaut d'aucune attache privée ou familiale en France. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés de ce que la décision faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle, doivent être écartés.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
12. M. C... soutient qu'il craint de subir des traitement inhumains ou dégradants, en cas de retour au Soudan, en raison, notamment, de son appartenance à l'ethnie Berti. Il allègue qu'il a déjà fait l'objet d'une arrestation arbitraire en mars 2015 en raison de ses liens supposés avec le Mouvement pour la justice et l'égalité (JEM), ainsi que d'actes de tortures qui l'ont conduit à quitter le Soudan. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de M. C... a été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile, dans une décision en date du 30 novembre 2017, au motif que le récit présenté par l'intéressé, originaire du Nord de Khartoum, était évasif et lacunaire. La copie d'un document présenté comme un jugement, en date du 5 avril 2018, du Tribunal des crimes contre l'Etat du Khartoum condamnant M. C... à cinq années d'emprisonnement sous le chef d'incitation à la rébellion et à la désertion, produite par l'intéressé à l'appui de sa demande de réexamen et devant le tribunal administratif de Lille, ne peut être regardée, ainsi d'ailleurs que l'a estimé l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, comme présentant des garanties d'authenticité suffisantes, en l'absence notamment d'indications précises sur les conditions d'obtention d'un tel document. Par ailleurs, M. C... produit un document, rédigé en langue anglaise, établi par les autorités britanniques le 2 août 2018 à l'occasion de la procédure de transfert vers la France. Toutefois, ce document se borne à décrire les lésions corporelles cicatricielles et à mentionner l'état d'anxiété et les troubles du sommeil qu'il présente, sans les rattacher à des sévices subis dans son pays d'origine. De même, le certificat médical, établi le 24 janvier 2019, produit par le requérant relève un état de stress post traumatique et des stigmates lésionnels post-traumatiques, sans pour autant qu'un lien direct de causalité entre, d'une part, ces lésions et troubles psychiques et, d'autre part, les faits allégués par l'intéressé, puisse être tenu pour établi. Enfin, M. C... ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir de la situation de violence généralisée qui prévaudrait au Soudan depuis le mois de juin 2019, soit une date postérieure à l'édiction de l'arrêté contesté. Enfin, les documents sur la situation générale au Soudan ne peuvent être tenus comme établissant, par eux-mêmes, que M. C... serait soumis à des traitements inhumains ou dégradants, au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C..., qui ne soulève en cause d'appel aucun moyen spécifique au soutien de ses conclusions aux fins de suspension de l'exécution de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de M. C... à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et à Me B....
Copie en sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.
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N°19DA01860