La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/07/2020 | FRANCE | N°18DA00597

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 17 juillet 2020, 18DA00597


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) BL Consulting a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011, pour un montant total de 25 859 euros.

Par un jugement n° 1504054 du 19 janvier 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un

mémoire, enregistrés le 19 mars 2018 et le 20 octobre 2018, la SARL BL Consulting, représentée par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) BL Consulting a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011, pour un montant total de 25 859 euros.

Par un jugement n° 1504054 du 19 janvier 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 mars 2018 et le 20 octobre 2018, la SARL BL Consulting, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) BL Consulting, qui a son siège social à Pérenchies (Nord), exerce une activité de conseil, d'audit et de management en matière de développement et de stratégie des entreprises. Elle a fait l'objet, en 2012, d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 9 novembre 2009 au 31 décembre 2011, étendue au 31 août 2012 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue de ce contrôle, l'administration a décidé de remettre en cause, d'une part, la déduction de ses résultats, en tant que charges, de frais de déplacement qu'elle a regardés comme n'ayant pas été exposés dans l'intérêt de l'entreprise, d'autre part, le bénéfice de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue au I de l'article 44 octies A du code général des impôts en faveur des entreprises implantées en zone franche urbaine, sous lequel la SARL BL Consulting, qui avait transféré son siège social dans un local pris en location à Roubaix, s'était placée au titre des exercices clos en 2010 et 2011. Elle a fait connaître sa position par une proposition de rectification, adressée à la SARL BL Consulting le 7 février 2013, à laquelle elle a ensuite substitué, le 20 mars 2013, une nouvelle proposition de rectification précisant que celle-ci annulait et remplaçait la précédente. La SARL BL Consulting a présenté des observations, par un courrier daté du 23 avril 2013, puis a été reçue, à sa demande, par le supérieur hiérarchique du vérificateur, le 1er juillet 2013, puis par l'interlocuteur fiscal départemental, le 26 septembre 2013. Ces démarches n'ayant pas conduit l'administration à modifier sa position, les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de cette vérification de comptabilité ont été mises en recouvrement le 8 janvier 2014. L'administration n'ayant apporté aucune réponse expresse à la réclamation formée le 7 février 2014 par la SARL BL Consulting, celle-ci a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille. La SARL BL Consulting relève appel du jugement du 19 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011, pour un montant total de 25 859 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La SARL BL Consulting soutient que le tribunal administratif n'a pas répondu à son moyen tiré de la déloyauté du comportement qu'aurait adopté l'administration fiscale à son égard. Toutefois, si la SARL BL Consulting a fait état, dans la demande qu'elle a présentée au tribunal administratif, du comportement adopté par le service vérificateur, en lui reprochant d'avoir voulu dissimuler, par un artifice de procédure, des informations obtenues dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, elle n'en tirait qu'un unique moyen, tiré du détournement de procédure, auquel les premiers juges ont, au demeurant, répondu au point 3 du jugement attaqué. En revanche, la SARL BL Consulting ne tirait du comportement de l'administration fiscale, dont elle faisait état, aucun moyen ayant trait au caractère prétendument déloyal de ce comportement. Il suit de là que le moyen, soulevé par la SARL BL Consulting, tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, manque en fait.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent.

4. Il résulte de l'instruction que, par la première proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 7 février 2013, l'administration a notamment fait connaître à la SARL BL Consulting qu'elle entendait remettre en cause le bénéfice du régime d'exonération d'impôt sur les sociétés, prévu en faveur des entreprises implantées en zone franche urbaine par les dispositions du I de l'article 44 octies A du code général des impôts, sous lequel cette société s'était placée, au motif que, si la réalité de la condition tenant à une implantation effective de l'entreprise en zone franche urbaine, auquel ces dispositions subordonnent cet avantage, pouvait, par mesure de tempérament, être tenue pour admise, les éléments d'information obtenus par le service dans le cadre de l'exercice, auprès de tiers, de son droit de communication, éléments dont la liste était dressée et au nombre desquels figuraient des renseignements recueillis auprès de l'opérateur téléphonique, du fournisseur d'électricité et des services de La Poste en ce qui concerne tant la SARL BL Consulting que son principal client, avaient permis de constater l'absence de satisfaction de la seconde condition, posée par ces mêmes dispositions, tenant à la réalisation, par l'entreprise, d'au moins 25 % de son chiffre d'affaires en zone franche urbaine. Par un courrier qu'elle a adressé à l'administration le 13 mars 2013, la SARL BL Consulting a demandé le bénéfice d'un délai supplémentaire pour présenter des observations sur cette proposition de rectification, ainsi que la communication d'une copie de l'ensemble des éléments d'information dont ce document dressait la liste et qui avaient fondé les rehaussements. Il est cependant constant que l'administration n'a donné aucune suite à cette demande.

5. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'administration a, le 20 mars 2013, adressé à la SARL BL Consulting une seconde proposition de rectification précisant qu'elle annulait et remplaçait celle précédemment notifiée. Par cette seconde proposition de rectification, l'administration n'est pas formellement revenue sur son appréciation tenant à ce que la condition d'implantation effective de la SARL BL Consulting en zone franche urbaine devait être tenue pour établie par mesure de tempérament, tout en relevant que les états des frais de déplacement supportés par l'entreprise au cours des deux exercices vérifiés, auxquels le vérificateur avait eu accès, permettaient d'établir l'existence de nombreux trajets aller et retour entre le siège de l'entreprise, situé à Roubaix, en zone franche urbaine, et la commune de Saint-André, située hors zone franche urbaine et où était situé le siège de la société S. P., son principal client, ce qui, ajouté au fait que la SARL BL Consulting n'avait pu présenter aucune facture d'électricité ou d'eau pour les locaux situés à Roubaix, permettait de mettre en doute l'exercice effectif d'une activité au sein de ces locaux. En outre, par cette nouvelle proposition de rectification, l'administration a maintenu, en se fondant exclusivement sur des données internes à l'entreprise et résultant notamment de l'exploitation de sa comptabilité, sans aucunement faire référence aux éléments d'information recueillis par le service auprès de tiers dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, que la SARL BL Consulting ne satisfaisait pas à l'autre condition, tenant à la réalisation d'au moins 25 % de son chiffre d'affaires en zone franche urbaine. Il en résulte qu'au terme de la substitution de motifs opérée par la seconde proposition de rectification, les rehaussements notifiés à la SARL BL Consulting n'étaient désormais aucunement fondés sur les éléments d'information obtenus par l'administration auprès de tiers. Il suit de là que l'administration n'était pas tenue de communiquer ceux-ci à la SARL BL Consulting avant la mise en recouvrement des impositions en litige. Dès lors, en ne donnant aucune suite à la demande de communication formulée par cette société, l'administration n'a pas entaché d'irrégularité, au regard des dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, la procédure d'imposition à l'issue de laquelle ces impositions ont été établies.

6. En vertu des dispositions de l'article L. 168 du livre des procédures fiscales, l'administration a la possibilité, tant que le délai de reprise prévu à l'article L. 169 du même livre n'est pas expiré, de réparer les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette de l'impôt, de même que les insuffisances, les inexactitudes ou les erreurs d'imposition. Dans ce cadre, elle peut notamment substituer à un motif qu'elle a fait connaître au contribuable comme justifiant un rehaussement, mais qu'elle estime, à la réflexion, insuffisamment fondé, un autre motif qui lui apparaît de nature à justifier plus sûrement ce rehaussement. Ainsi, en notifiant, en l'espèce, une seconde proposition de rectification à la SARL BL Consulting, pour lui faire connaître les nouveaux motifs par lesquels elle entendait désormais justifier le rehaussement d'impôt relatif à la remise en cause du régime d'exonération attaché à l'exercice d'une activité en zone franche urbaine, l'administration n'a pas adopté un comportement déloyal à l'égard de cette société, avec laquelle il ne résulte pas de l'instruction qu'elle se serait refusée à tout échange au sujet des constats opérés dans le cadre de la vérification de comptabilité, quand bien même cette substitution de motifs a eu pour effet de priver cette société de la possibilité d'avoir accès à des documents et renseignements que l'administration, ainsi qu'il a été dit au point précédent, n'a pas utilisés pour fonder le rehaussement.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne la renonciation à recettes :

7. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.

8. Au cours de la vérification de comptabilité dont la SARL BL Consulting a fait l'objet, le vérificateur a constaté que cette société avait enregistré en charge, dans sa comptabilité des exercices clos en 2010 et 2011, des frais de déplacement atteignant respectivement les montants de 19 828,64 euros et de 15 422,71 euros. Le vérificateur a constaté, en outre, qu'alors que ces frais de déplacement avaient, en l'absence de tout élément contraire, été exposés dans le cadre des relations contractuelles conclues par la SARL BL Consulting avec sa clientèle, ces frais n'avaient fait l'objet d'aucune facturation. L'administration en a déduit que la SARL BL Consulting avait ainsi consenti des abandons de recettes constitutifs d'un acte anormal de gestion et qu'en l'absence d'élément permettant d'admettre qu'une partie de ces frais avaient été exposés dans le cadre de la gestion courante de l'entreprise, il y avait lieu de réintégrer les sommes de 19 828,64 euros et de 15 422,71 euros au résultat imposable réalisé par la SARL BL Consulting au titre, respectivement, de chacun des deux exercices en cause.

9. Pour établir, comme il lui incombe, que ces abandons de créance ont été consentis par la SARL BL Consulting dans un but étranger à sa gestion normale, le ministre de l'action et des comptes publics fait valoir que l'examen des contrats conclus entre cette société et chacun de ses clients a permis d'établir que ceux-ci, tous rédigés sur le même modèle, comportaient, en un article 4 intitulé " Frais et engagements ", une clause selon laquelle " les frais de déplacement éventuels du prestataire " seraient " à la seule charge du mandant ". Ce même article précisait d'ailleurs que, si la SARL BL Consulting était amenée à engager des frais de quelque nature que ce soit pour le mandant, elle établirait alors une facturation supplémentaire à l'égard de ce dernier à raison de ces frais. Ainsi rédigées, ces stipulations contractuelles n'ouvraient pas à la SARL BL Consulting, contrairement à ce qu'elle soutient, une simple faculté de facturer à ses clients les frais de déplacement exposés par son gérant ou ses employés dans le cadre de l'exécution des prestations contractuellement prévues, mais constataient un accord entre les parties à ces contrats sur le principe d'une facturation systématique de tels frais aux clients. Le ministre fait valoir, en outre, que la vérification de comptabilité de la SARL BL Consulting n'a mis en évidence aucune facturation de frais de déplacement aux clients de la société, ni aucun enregistrement comptable d'un produit correspondant. Enfin, le ministre fait valoir l'absence de contrepartie aux abandons de créances ainsi consentis à ses clients par la SARL BL Consulting.

10. Pour combattre ces éléments, la SARL BL Consulting soutient que l'administration n'a pu, sans se méprendre sur les règles de dévolution de la charge de la preuve, retenir d'emblée que l'ensemble des frais de déplacement ainsi enregistrés en charge dans sa comptabilité avaient été exposés dans le cadre de ses relations contractuelles avec ses clients, en lui laissant la charge de prouver que certains de ces frais avaient été engagés pour les besoin de son exploitation propre. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point précédent, le vérificateur n'a pas pris une position de principe faisant abstraction des données de l'entreprise, mais a retenu cette analyse après avoir constaté qu'aucun des éléments d'information mis à sa disposition dans le cadre du contrôle dont avait fait l'objet la SARL BL Consulting ne lui permettait d'isoler certains de ces frais comme exposés dans le cadre de la gestion propre de la société. En outre, la SARL BL Consulting, qui a été mise à même de discuter l'approche retenue par le vérificateur et de produire tous éléments susceptibles d'infléchir la position de l'administration, n'apporte aucun élément au soutien de son allégation selon laquelle la majorité des frais de déplacements qu'elle a comptabilisés en charge au cours des exercices clos en 2010 et 2011 avait été exposée dans le cadre de sa gestion propre, et serait ainsi insusceptible de faire l'objet d'une facturation, et non dans le cadre de la réalisation par elle de prestations contractuelles auprès de ses clients. Enfin, si elle tente de justifier l'absence de toute facturation portant sur des frais de déplacement par l'intérêt s'attachant à établir des factures globales pour les prestations en cause, à économiser le temps nécessaire à l'établissement de facturations détaillées des frais exposés et à simplifier la présentation de ses documents comptables, les avantages susceptibles de résulter de telles pratiques ne peuvent être regardés comme constituant une contrepartie suffisante à des abandons de créance portant, comme en l'espèce, sur les sommes de 19 828,64 euros et de 15 422,71 euros. Par suite, l'administration était fondée à regarder cet abandon de créances comme ayant la nature d'un acte anormal de gestion et à réintégrer, en conséquence, ces sommes aux résultats réalisés par la SARL BL Consulting au titre des exercices clos en 2010 et 2011.

En ce qui concerne la remise en cause du régime d'exonération en faveur des entreprises exerçant en zone franche urbaine :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

11. Aux termes de l'article 44 octies A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I.- Les contribuables qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2011, créent des activités dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, ainsi que ceux qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2011, exercent des activités dans les zones franches urbaines définies au deuxième alinéa du B du 3 de l'article 42 de la même loi sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone jusqu'au 31 décembre 2010 pour les contribuables qui y exercent déjà une activité au 1er janvier 2006 ou, dans le cas contraire, jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui du début de leur activité dans l'une de ces zones. Ces bénéfices sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés à concurrence de 40 %, 60 % ou 80 % de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours des cinq premières, de la sixième et septième ou de la huitième et neuvième périodes de douze mois suivant cette période d'exonération. / (...) ". Ces dispositions énoncent ensuite les conditions auxquelles les entreprises doivent répondre cumulativement pour pouvoir prétendre au bénéfice du régime d'exonération ainsi défini. Elles précisent, en outre, que : " Lorsque l'activité non sédentaire d'un contribuable est implantée dans une zone franche urbaine mais est exercée en tout ou partie en dehors d'une telle zone, l'exonération s'applique si ce contribuable emploie au moins un salarié sédentaire à temps plein ou équivalent, exerçant ses fonctions dans les locaux affectés à l'activité, ou si ce contribuable réalise au moins 25 % de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans les zones franches urbaines. ". Il résulte de ces dernières dispositions que, pour pouvoir prétendre au régime d'exonération en faveur des entreprises exerçant en zone franche urbaine, les entreprises dont l'activité n'est pas sédentaire doivent, d'une part, justifier d'une implantation effective dans une telle zone, d'autre part, soit établir qu'elles emploient au moins un salarié sédentaire à temps plein ou équivalent dans des locaux affectés à son activité et situés en zone franche urbaine, soit qu'elles réalisent au moins 25 % de leur chiffre d'affaires auprès de clients situés en zone franche urbaine.

12. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.

13. Il résulte de l'instruction qu'à compter du 1er février 2010, la SARL BL Consulting a transféré dans un local mis à sa disposition à Roubaix, en zone franche urbaine, son siège social, qui était jusqu'alors situé à Pérenchies, hors zone franche urbaine. Cette organisation a perduré jusqu'au 15 mars 2012, date à laquelle le siège social de l'entreprise a de nouveau été fixé à Pérenchies. La SARL BL Consulting, qui exerce une activité non sédentaire d'audit et de conseil aux entreprises, a, dans ces conditions, entendu bénéficier, au titre des exercices clos en 2010 et 2011, du régime d'exonération prévu par les dispositions précitées du I de l'article 44 octies A du code général des impôts et a ainsi déduit des bénéfices imposables réalisés par elle au titre de ces deux exercices les sommes respectives de 34 466 euros et de 20 950 euros.

14. A l'issue de la vérification de comptabilité dont la SARL BL Consulting a fait l'objet, l'administration a remis en cause le bénéfice de ce régime d'exonération, en estimant, d'une part, que cette entreprise ne pouvait être regardée comme implantée en zone franche urbaine, dans le local d'une surface de 11 m², puis, à compter du 1er juillet 2011, de 40 m², qu'elle avait pris en location à Roubaix, dès lors qu'elle n'y disposait d'aucune immobilisation autre qu'un ordinateur portable et qu'elle n'avait pu présenter aucune facture d'électricité ou d'eau au cours du contrôle, ni aucune preuve de l'exercice d'une activité au sein de ces locaux. Les déplacements fréquents effectués par le gérant de la société révélaient, en outre, aux yeux du vérificateur, eu égard aux distances parcourues et aux destinations de ces trajets, que la SARL BL Consulting avait, en réalité, continué d'exercer ses activités depuis les locaux, situés à Pérenchies, de son ancien siège social. L'administration a relevé, d'autre part, que la SARL BL Consulting n'employait aucun salarié au cours des années d'imposition en litige, durant lesquelles elle n'avait rémunéré que son gérant statutaire. Elle a estimé, enfin, que la majeure partie de l'activité de la SARL BL Consulting avait été exercée par elle, au cours des années vérifiées, dans les locaux de clients situés hors zone franche urbaine, ainsi que le révélaient notamment les états de frais de déplacement et de repas exposés par son gérant, de sorte que la condition tenant à la réalisation par le contribuable de 25 % de son chiffre d'affaires dans une telle zone ne pouvait être tenue pour établie. Dans ces conditions, l'administration a retenu que, si le versement effectif de loyers pour les locaux pris en location à Roubaix pouvait conduire à admettre, par mesure de tempérament, une implantation effective de la SARL BL Consulting en zone franche urbaine au cours des exercices clos en 2010 et 2011, l'autre condition à laquelle les dispositions précitées du I de l'article 44 octies A du code général des impôts subordonnent le bénéfice du régime d'exonération, à savoir celle tenant à l'emploi d'au moins un salarié sédentaire à temps plein ou équivalent dans des locaux affectés à son activité et situés en zone franche urbaine ou à la réalisation, dans cette zone, de 25 % de son chiffre d'affaires, n'était pas satisfaite.

15. La SARL BL Consulting soutient que l'activité qu'elle exerçait auprès de ses deux principaux clients, avec lesquels elle réalisait plus de 25 % de son chiffre d'affaires annuel et partageait les locaux de Roubaix, consistait notamment en des prestations d'assistance à l'équipe commerciale de la société S. P., laquelle était basée dans les locaux de Roubaix, de sorte que son activité était principalement exercée en zone franche urbaine. Elle ajoute que, dans le cadre de cette mission, les déplacements effectués par son gérant au siège de la société S. P., situé à Saint-André, hors zone franche urbaine, évalués par l'administration à quinze trajets aller et retour mensuels et dont elle ne conteste pas la matérialité, avaient pour seul objet de remettre à la secrétaire commerciale de la société S. P., en poste à ce siège, les pièces recueillies par les commerciaux de cette société, tandis qu'elle n'avait aucune raison d'y exercer, en tout ou partie, sa mission puisque la quasi-totalité des salariés de la société S. P. était affectée à Roubaix.

16. Toutefois, la SARL BL Consulting n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations quant à l'objet des déplacements que son gérant a ainsi effectués, ni n'explique les raisons pour lesquelles il lui aurait incombé, dans le cadre de la mission de conseil et d'audit qui lui avait été confiée par la société S. P. par une convention et un avenant conclus les 10 novembre 2009 et 1er mars 2010, qui n'en font aucunement mention, d'assurer, qui plus est selon une telle fréquence, la transmission matérielle, entre les établissements de cette dernière, de pièces relevant de la gestion commerciale courante de celle-ci. Dans ces conditions et ainsi que l'a relevé l'administration, il y a lieu de retenir, en l'absence de tout élément contraire résultant de l'instruction, que ces déplacements fréquents à destination du siège social de la société S. P. se justifiaient par la réalisation de la mission contractuellement confiée à la SARL BL Consulting et que, par suite, une partie significative de cette mission n'a pas été effectuée en zone franche urbaine. Ainsi, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la SARL BL Consulting aurait réalisé, au cours des années d'imposition en litige, au moins 25 % de son chiffre d'affaires en zone franche urbaine, elle ne pouvait prétendre, quand bien même elle pourrait être regardée comme justifiant d'une implantation effective dans une telle zone, au régime d'exonération d'impôt sur les sociétés prévu par les dispositions précitées du I de l'article 44 octies A du code général des impôts, sous lequel elle s'était placée. Il suit de là que l'administration était fondée à remettre en cause, pour ce motif, le bénéfice de ce régime d'exonération.

S'agissant de l'invocation d'une prise de position formelle de l'administration :

17. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; / (...) ".

18. Eu égard aux règles qui régissent l'invocabilité des interprétations ou des appréciations de l'administration en vertu des articles cités au point précédent, les contribuables sont en droit d'invoquer, sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales et sur celui de l'article L. 80 B de ce livre, lorsque l'administration procède à un rehaussement d'impositions antérieures, les interprétations et appréciations antérieures à l'imposition primitive, ou sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 80 A, qu'il s'agisse d'impositions primitives ou supplémentaires, les interprétations antérieures à l'expiration du délai de déclaration. Ainsi, un contribuable peut se prévaloir de la prise de position formelle de l'administration sur l'appréciation d'une situation de fait antérieure à la mise en recouvrement de l'imposition primitive, quand bien même elle est postérieure à la date de dépôt par l'intéressé de sa déclaration d'impôt sur le revenu et à l'expiration du délai légal de déclaration.

19. La SARL BL Consulting se prévaut, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, de la prise de position contenue, selon elle, dans la première proposition de rectification qui lui a adressée le 7 février 2013, selon laquelle, compte-tenu des loyers effectivement versés par cette société pour le local qu'elle avait pris à bail à Roubaix, l'administration admettait, par mesure de tempérament, la réalité de son implantation en zone franche urbaine. Toutefois, à supposer même que l'appréciation ainsi invoquée par la SARL BL Consulting puisse être regardée comme ayant la nature, au sens des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, d'une prise de position formelle de l'administration sur une situation de fait au regard du texte fiscal, celle ne comporterait aucune appréciation de la situation de fait de la SARL BL Consulting au regard du texte fiscal qui soit différente de celle que retient le présent arrêt, qui constate que cette condition d'implantation a été admise par l'administration et qui la retient lui-même comme satisfaite. Par suite, la SARL BL Consulting n'est pas fondée à s'en prévaloir.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL BL Consulting n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL BL Consulting est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL BL Consulting et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

1

9

N°18DA00597


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00597
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Généralités.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Acte anormal de gestion.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : PHI LAW

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-07-17;18da00597 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award