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15/07/2020 | FRANCE | N°19DA01416

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 15 juillet 2020, 19DA01416


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 7 mars 2017 par laquelle le maire de Sainte-Marie-des-Champs a refusé de lui délivrer un permis de construire un bâtiment de stockage de marchandises et d'enjoindre au maire de procéder à une nouvelle instruction de sa demande dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1701468 du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
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Par une requête, enregistrée le 19 juin 2019, et un mém...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 7 mars 2017 par laquelle le maire de Sainte-Marie-des-Champs a refusé de lui délivrer un permis de construire un bâtiment de stockage de marchandises et d'enjoindre au maire de procéder à une nouvelle instruction de sa demande dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1701468 du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 juin 2019, et un mémoire, enregistré le 19 mars 2020, M. A..., représenté par Me E... F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 7 mars 2017 ;

3°) d'enjoindre au maire de Sainte-Marie-des-Champs de procéder à une nouvelle instruction de sa demande dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) avant dire droit, de désigner un expert avec mission de déterminer si un risque d'inondation existe et, si tel est le cas, de donner son avis sur les prescriptions envisageables ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Sainte-Marie-des-Champs la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller,

- les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public,

- et les observations de Me B... D..., représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a demandé, le 20 décembre 2016, au maire de Sainte-Marie-des-Champs de lui délivrer un permis de construire un bâtiment de stockage de marchandises sur une parcelle cadastrée AB 548. M. A... relève appel du jugement du 23 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 mars 2017 par laquelle le maire de Sainte-Marie-des-Champs a refusé de lui délivrer cette autorisation.

Sur la recevabilité des écritures en défense de la commune en appel :

2. Si l'appelant soutient que le maire n'a pas qualité pour agir dans l'instance, il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 8 septembre 2016, le maire de Sainte-Marie-des-Champs a reçu délégation du conseil municipal pour défendre la commune dans toutes les actions intentées contre elle. Dès lors, la fin de non-recevoir ainsi opposée doit être écartée.

Sur la régularité du jugement :

3. Il ressort des pièces du dossier qu'une première demande d'autorisation de M. A..., formée le 31 août 2016, a fait l'objet d'un refus de la part du maire de Sainte-Marie-des-Champs, après l'avis défavorable rendu par le syndicat mixte des bassins versants de Durdent-Saint-Valéry-Veulettes, qui était le seul, parmi tous les organismes consultés, à avoir rendu un avis en ce sens. L'appelant soutient que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'irrégularité de l'instruction de sa seconde demande de permis de construire, par suite du défaut de consultation de ce syndicat mixte, laquelle était susceptible de changer le sens de la décision en litige. Il ne ressort pas du jugement en litige que les premiers juges aient répondu à ce moyen qui n'a pas été visé et qui n'était pas inopérant. Dès lors, ils ont insuffisamment motivé leur jugement. Celui-ci doit, par suite, être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen.

Sur la légalité de la décision attaquée :

En ce qui concerne la légalité externe :

4. La décision en litige cite les textes dont il est fait application et précise notamment que la parcelle est située dans une zone inondable par un axe de ruissellement. Elle comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est, par suite, suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

5. Aux termes de l'article R. 423-50 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente recueille auprès des personnes publiques, services ou commissions intéressés par le projet, les accords, avis ou décisions prévus par les lois ou règlements en vigueur ".

6. Ainsi qu'il a été dit, il ressort des pièces du dossier que, par une demande déposée le 31 août 2016, M. A... a sollicité l'autorisation de construire un bâtiment de stockage de marchandises d'une superficie de 66 m². Par un courrier du 7 octobre 2016, le syndicat mixte des bassins versants de Durdent-Saint-Valéry-Veulettes a émis un avis défavorable au projet, motifs pris de ce qu'il se situe dans une zone inondable par un axe de ruissellement et que l'urbanisation du terrain ou tout dépôt de matériaux est de nature à faire obstacle à l'écoulement des eaux. Lors de l'instruction de la nouvelle demande déposée par l'appelant le 20 décembre 2016, pour un projet portant sur une superficie de 84 m², avec un rehaussement de la construction de la hauteur d'un aggloméré, créant ainsi selon l'intéressé un vide sanitaire, le maire de la commune n'a pas à nouveau consulté le syndicat mixte sur cette demande qui ajoutait, par rapport à la première demande, un plan de nivellement de la parcelle, la mention d'un rehaussement de 1,20 mètre par rapport à la parcelle voisine qui a déjà été inondée ainsi que des témoignages mentionnant que le terrain n'a jamais été inondé depuis 1973. Il ressort de l'examen des pièces du dossier que les modifications apportées au projet lors de la seconde demande de permis de construire ne sont pas, au regard de l'obstacle à l'écoulement des eaux, substantiellement différentes du projet présenté lors de la première demande.

7. Dans ces conditions, si le maire n'a pas procédé à cette nouvelle consultation avant de refuser la demande de M. A..., il ne ressort pas des pièces du dossier que cette omission de consulter le syndicat mixte, à supposer une telle formalité obligatoire, dès lors qu'il n'y a pas eu de changement dans les circonstances de droit ou de fait depuis le précédent refus, ait été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision. Elle n'a en outre privé l'intéressé d'aucune garantie. Le moyen tiré de l'irrégularité de l'instruction de la demande doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

8. Il ressort des pièces du dossier que la décision critiquée porte la date de dépôt de la demande du 20 décembre 2016 ainsi que ses références. Si elle comporte la mention d'une superficie erronée, qui est celle de la première demande déposée, cette seule mention ne suffit pas à établir que le maire se serait prononcé sur le dossier de la première demande et non sur celui de la seconde demande. Par ailleurs, si M. A... soutient qu'il a implanté le local de stockage envisagé sur la partie non inondable de sa propriété, il ne l'établit pas par les pièces qu'il produit. Le moyen tiré de ce que la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait doit, par suite, être écarté.

9. Le terrain est situé en zone UE du règlement annexé au plan local d'urbanisme de Sainte-Marie-des-Champs, autorisant les constructions à usage industriel, d'artisanat, de bureau, de commerces, d'hôtels et d'entrepôts et se trouve également dans un " secteur de risque naturel lié aux ruissellements en application du R. 123-11 b " du plan de délimitation des zones n° 6a du même règlement. Ce règlement, publié sur le site Internet de la communauté de communes Yvetot Normandie, interdit, dans les secteurs de risques repérés par les documents graphiques, toutes occupations ou utilisations du sol autres que celles qui sont visées par ce même règlement et parmi lesquelles ne figurent pas les constructions nouvelles, cette prescription s'ajoutant aux dispositions du règlement pour chacune des zones.

10. M. A... soulève, tout d'abord, par la voie de l'exception, l'illégalité du plan local d'urbanisme, ses auteurs n'étant pas compétents, selon lui, pour déterminer des zones inondables. Or le b de l'article R. 123-11 du code de l'urbanisme prévoyant que : " Les documents graphiques font apparaitre : /... b) Les secteurs où les nécessités du fonctionnement des services publics, de l'hygiène, de la protection contre les nuisances et de la préservation des ressources naturelles ou l'existence de risques naturels, tels qu'inondations, incendies de forêt, érosion, affaissements, éboulements, avalanches, ou de risques technologiques justifient que soient interdites ou soumises à des conditions spéciales les constructions et installations de toute nature, permanentes ou non, les plantations, dépôts, affouillements, forages et exhaussements des sols " a été repris aux articles, alors applicables, R. 151-31 du code de l'urbanisme, en ce qui concerne les interdictions, et R. 151-34 du même code, en ce qui concerne la soumission des constructions à des conditions spéciales. Il ressort de ces dispositions que les secteurs où l'existence de risques naturels, tels que des inondations, justifie l'interdiction de constructions ou leur soumission à des prescriptions spéciales, sont au nombre des cas que les auteurs du plan local d'urbanisme peuvent légalement déterminer dans un document graphique du règlement. Dès lors, le moyen tiré par la voie de l'exception de l'illégalité du plan local d'urbanisme doit être écarté.

11. M. A... soutient ensuite que l'autorité administrative a commis une erreur d'appréciation en retenant que sa parcelle est située en " secteur de risque naturel lié aux ruissellements " du plan de délimitation des zones n° 6a du même règlement. Si l'étude de nivellement que l'appelant a fait réaliser montre que sa parcelle est surélevée par rapport aux secteurs avoisinants situés dans la zone à risques d'inondation et que des témoignages attestent que celle-ci n'est pas sujette à de tels phénomènes, ces éléments ne permettent toutefois pas d'établir que son terrain est de fait situé en dehors de la zone inondable déterminée par les auteurs du plan local d'urbanisme sur la base d'une étude technique dont l'intéressé n'établit pas qu'elle est erronée. Cette étude mentionne certaines limites en relevant que la méthodologie retenue est basée sur l'estimation des profils en travers sur la base des courbes de niveau de l'Institut géographique national, laissant une incertitude quant à la précision, dont seuls des levés topographiques précis pourraient rendre compte après leur avoir appliqué les débits de pointe centennaux. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du relevé topographique précis réalisé par l'intéressé lui-même, que le bâtiment situé au Nord de son terrain est implanté à la cote 143,47 ou 48, que les gravillons qui le bordent sont situés entre les cotes 143,33 et 143,4, que la parcelle se trouve entre les cotes 144,70 et 144,35, quelques points étant d'ailleurs mentionnés à la cote 144,25 et, dans la partie Nord de la parcelle, aux cotes 144,04 et 143,59. Ainsi, la différence d'un peu plus d'un mètre par rapport au terrain, déjà inondé, situé au nord de sa parcelle ne permet pas de considérer que le terrain de M. A... doit être exclu de la zone inondable, même déterminée avec l'imprécision que l'étude mentionne, compte tenu notamment de l'absence d'application d'un débit de pointe centennale aux éléments topographiques ainsi relevés. Par suite, à supposer d'ailleurs que l'intéressé ait entendu soulever ce moyen, les auteurs du plan local d'urbanisme n'ont pas entaché leur décision d'une erreur d'appréciation en classant la parcelle de M. A... à l'intérieur d'une zone de risque naturel lié aux ruissellements. Dès lors, en retenant que le terrain est situé dans cette zone, la décision de refus en litige n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation.

12. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

13. L'étude sur laquelle se sont fondés les auteurs du plan local d'urbanisme préconisait en effet " d'interdire toute nouvelle construction, y compris des extensions et des sous-sols, de quelque nature que ce soit " pour permettre l'étalement des eaux de ruissellement en vue de réduire leur hauteur. Situé au sein d'une zone inondable destinée à l'expansion des ruissellements d'eau, le projet, dont l'implantation réduit le volume d'étalement des eaux, est par suite de nature à porter atteinte à la sécurité publique. Dès lors, au vu de cette appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation et du projet pour lequel l'autorisation de construire a été sollicitée, le maire n'a pas méconnu les dispositions précitées l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme qui permettent à l'autorité administrative d'interdire une construction en cas d'atteinte à la sécurité publique, en refusant d'accorder toute autorisation de construire même assortie de l'observation de prescriptions spéciales.

14. Dès lors que la parcelle est située dans un secteur où toute construction est interdite par le règlement annexé au plan local d'urbanisme, la circonstance que le pétitionnaire ait surélevé sa construction de 40 centimètres ou ait prévu le verrouillage du regard d'assainissement collectif présent sur son terrain est sans influence sur la légalité de la décision en litige.

15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de procéder à l'expertise sollicitée, que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation du refus du permis de construire du 7 mars 2017.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

16. Le présent arrêt rejetant la demande de M. A... n'appelle aucune mesure d'exécution. Dès lors, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Sainte-Marie-des-Champs, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse la somme que M. A... réclame au titre des frais liés au litige. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Sainte-Marie-des-Champs au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 23 avril 2019 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Rouen et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : M. A... versera à la commune de Sainte-Marie-des-Champs une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à la commune de Sainte-Marie-des-Champs et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

N°19DA01416 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01416
Date de la décision : 15/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre Bouchut
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : SELARL EBC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-07-15;19da01416 ?
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