Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une première demande enregistrée sous le n° 1602724, la société Parc éolien Nordex LVIII a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 6 juillet 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé l'implantation de cinq éoliennes sur le territoire de la commune de Mesnil-sur-l'Estrée.
Par une seconde demande enregistrée sous le n° 1603438, la société Parc éolien Nordex LVIII a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2016 par lequel le préfet de l'Eure a rejeté sa demande d'autorisation unique pour la construction et l'exploitation d'un parc composé de cinq éoliennes sur le territoire de la commune de Mesnil-sur-l'Estrée.
Par un jugement nos 1602724,1603438 du 6 novembre 2018, le tribunal administratif de Rouen, après avoir joint ces deux demandes, les a rejetées.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 janvier 2019, et un mémoire, enregistré le 15 janvier 2020, la société Parc éolien Nordex LVIII, représentée par la société d'avocats LPA-CGR, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 6 juillet 2016 du ministre de la défense et l'arrêté du 13 septembre 2016 du préfet de l'Eure ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de réexaminer sa demande d'autorisation unique dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'aviation civile ;
- le code de l'environnement ;
- le code des transports ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;
- la loi n° 2015-992 du 17 août 2015
- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 ;
- l'arrêté du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation ;
- l'arrêté du 24 avril 2008 portant création d'un ensemble de zones réglementées, identifié réseau à très basse altitude défense (RTBA), pour la réalisation des vols d'entraînement d'aéronefs de la défense ;
- l'arrêté du 20 juillet 2016 fixant les règles et services de la circulation aérienne militaire ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020-405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Christian Boulanger, président de chambre,
- les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public,
- et les observations de Me D... A..., représentant la société Parc éolien Nordex LVIII, et de Me B... E..., représentant M. F... C... et l'association Val d'Avre.
Une note en délibéré présentée par la société Parc éolien Nordex LVIII a été enregistrée le 1er juillet 2020.
Considérant ce qui suit :
1. La société Parc éolien Nordex LVIII a déposé, le 9 mai 2016, une demande d'autorisation unique pour construire et exploiter cinq éoliennes sur le territoire de la commune de Mesnil-sur-l'Estrée. Le ministre de la défense, consulté sur ce projet en application des dispositions de l'article R. 425-9 du code de l'urbanisme et de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile, a refusé, le 6 juillet 2016, d'accorder son autorisation spéciale. Par un arrêté du 13 septembre 2016, le préfet de l'Eure a rejeté cette demande. La société Parc éolien Nordex LVIII relève appel du jugement du 6 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense du 6 juillet 2016 et de l'arrêté du préfet du 13 septembre 2016.
Sur la régularité du jugement :
En ce qui concerne la motivation :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Les premiers juges ont, aux points 13 à 16 de leur jugement, suffisamment exposé les motifs pour lesquels ils ont estimé que les aérogénérateurs projetés étaient susceptibles de constituer des obstacles à la navigation aérienne, et ils n'étaient pas tenus de répondre spécifiquement à l'argument, soulevé par la société à l'appui de son moyen tiré de l'erreur d'appréciation qui aurait été commise par le ministre sur ce point, selon lequel l'un des aérogénérateurs est situé à l'extérieur de la zone de mise à terre (ZMT) de Dreux-Crucey-Senonches. Le moyen tiré de ce que le jugement attaqué méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative et serait, dès lors, irrégulier doit, par suite, être écarté.
En ce qui concerne le rejet pour irrecevabilité de la demande tendant à l'annulation du refus d'accord opposé par le ministre de la défense :
4. Aux termes de l'article L. 425-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque les constructions ou travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-4 sont soumis, en raison de leur emplacement, de leur utilisation ou de leur nature, à un régime d'autorisation ou à des prescriptions prévus par d'autres législations ou réglementations que le code de l'urbanisme, le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable tient lieu d'autorisation au titre de ces législations ou réglementations, dans les cas prévus par décret en Conseil d'Etat, dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité compétente. ". Aux termes de l'article R. 425-9 du même code : " Lorsque le projet porte sur une construction susceptible, en raison de son emplacement et de sa hauteur, de constituer un obstacle à la navigation aérienne, le permis de construire ou le permis d'aménager tient lieu de l'autorisation prévue par l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. ". L'article R. 244-1 du code de l'aviation civile, dont certaines des dispositions du premier alinéa ont été abrogées à compter du 1er décembre 2010 pour être reprises à l'article L. 6352-1 du code des transports, dispose que : " A l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement en application du présent titre, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne est soumis à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. Des arrêtés ministériels déterminent les installations soumises à autorisation (...). L'autorisation peut être subordonnée à l'observation de conditions particulières d'implantation, de hauteur ou de balisage suivant les besoins de la navigation aérienne dans la région intéressée. (...) ". Aux termes de l'article 8 du décret du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement : " Le cas échéant, le dossier de demande mentionné à l'article 4 est complété par les pièces suivantes, lorsque le demandeur les détient : / 1° L'autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense, lorsque le projet porte sur une construction susceptible, en raison de son emplacement et de sa hauteur, de constituer un obstacle à la navigation aérienne en application de l'article L. 6352-1 du code des transports (...) ". Aux termes du 3° du II de l'article 10 du même décret : " I. - Le représentant de l'Etat dans le département : / (...) 3° Sollicite les accords mentionnés à l'article 8, lorsque le dossier ne les comporte pas. Ces accords sont délivrés dans les deux mois. Ils sont réputés donnés au-delà de ce délai. Les désaccords sont motivés ". Aux termes du I de l'article 12 de ce décret : " I. - Le représentant de l'Etat dans le département rejette la demande d'autorisation unique en cas de désaccord consécutif aux consultations menées conformément aux 2° et 3° du II de l'article 10. ".
5. Si, lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision.
6. Le préfet de l'Eure ayant sollicité l'autorisation du ministre de la défense dans le cadre de la procédure d'autorisation unique pour la construction et l'exploitation de plusieurs aérogénérateurs, le ministre de la défense l'a informé, par une lettre du 6 juillet 2016, que " au titre de l'article R. 244-1 du code l'aviation civile ", il ne donnait pas " son autorisation à sa réalisation ". Par son arrêté du 13 septembre 2016, le préfet de l'Eure, se fondant sur ce refus d'accord du 6 juillet 2016, a rejeté la demande d'autorisation unique déposée par la société Parc éolien Nordex LVIII.
7. Ainsi qu'il a été rappelé au point précédent, le demandeur n'avait pas sollicité l'accord du ministre de la défense préalablement au dépôt de sa demande. Dans ces conditions, il n'existait pas de refus d'accord recueilli par le demandeur qui rendait, en principe, impossible la constitution d'un dossier susceptible d'aboutir à une décision favorable, et qui aurait mis un terme à la procédure. Au contraire, le refus d'accord ayant été recueilli par le représentant de l'Etat dans le cadre de l'instruction de l'autorisation unique, il appartenait à cette autorité d'en tirer les conséquences pour sa propre décision. Par suite, la société Parc éolien Nordex LVIII se trouvait dans l'hypothèse rappelée au point 5 dans laquelle le refus de l'accord sollicité auprès d'une autre autorité administrative, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas, par elle-même, une décision susceptible de recours. Dès lors, la contestation de la légalité de ce refus d'accord opposé par le ministre intervient lors de la contestation de la décision prise à sa suite.
8. Il résulte de ce qui précède que la société Parc éolien Nordex LVIII n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation de ce refus d'accord du 6 juillet 2016. Ce second motif d'irrégularité doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
9. Il résulte des dispositions citées au point 4 que l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation unique doit, lorsque la construction envisagée en dehors d'une agglomération peut constituer un obstacle à la navigation aérienne en raison d'une hauteur supérieure à 50 mètres, et lorsque le dossier ne comporte pas déjà ces accords, saisir de la demande le ministre chargé de l'aviation civile et le ministre de la défense afin de recueillir leur accord, de sorte que l'autorisation tienne lieu de l'autorisation prévue aux articles L. 6352-1 du code des transports et R. 244-1 du code de l'aviation civile, et qu'à défaut d'accord de l'un de ces ministres, l'autorité compétente est tenue de refuser l'autorisation unique. Les moyens dirigés contre le refus ainsi opposé par cette autorité sont dès lors inopérants, excepté ceux qui remettent en cause cette situation, telle l'illégalité du refus d'accord opposé par le ministre de la défense.
10. La société Parc Eolien Nordex LVIII invoque, par voie d'exception, l'illégalité du refus opposé le 6 juillet 2016 par le ministre de la défense au titre des dispositions ci-dessus reproduites de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile.
11. Le projet éolien en cause est situé dans un secteur de vol tactique (VOLTAC) dont le périmètre n'est pas au nombre des zones visées par l'arrêté du 24 avril 2008 portant création d'un ensemble de zones réglementées, identifié réseau à très basse altitude défense (RTBA), pour la réalisation des vols d'entraînement d'aéronefs de la défense. Ainsi que l'indique le ministre, un secteur VOLTAC ne fait pas obstacle, par lui-même, au développement de projets éoliens. Cependant le secteur VOLTAC à l'intérieur duquel est situé le projet est dédié à l'entraînement des équipages d'hélicoptères au vol à très basse altitude de jour comme de nuit, à une hauteur inférieure à 150 mètres, et en particulier au vol tactique à une hauteur inférieure à 50 mètres. Si la société Parc éolien Nordex LVIII soutient que son projet éolien est situé à l'intérieur d'une zone de ce secteur où se trouvent également des habitations, une ligne à haute tension et un hippodrome, ni cette circonstance ni celle qu'un parc éolien est déjà implanté dans ce secteur VOLTAC et que d'autres parc éoliens ont été autorisés ne suffisent à établir que cette zone serait, contrairement d'ailleurs à sa vocation, impropre à l'entrainement des forces armées. La seule existence de la zone dangereuse LFD 226 située à proximité ne remet pas davantage en cause l'intérêt militaire du secteur VOLTAC, dès lors, notamment, que cette zone est davantage urbanisée, comporte un nombre plus élevé d'éoliennes, n'est dangereuse que lors de son activation, par période de 3 heures, n'est pas en permanence interdite à la circulation aérienne et n'est donc pas " dédiée " à l'entraînement. Par ailleurs, si la société Parc éolien Nordex LVIII soutient également que la réalisation du projet ne fait pas obstacle au maintien des entrainements militaires dans la mesure où il appartient aux pilotes de respecter les règles édictées en vue de la prévention des collisions d'obstacles ainsi que les critères de vols, tels que ceux fixés par l'arrêté du 20 juillet 2016 fixant les règles et services de la circulation aérienne militaire, elle ne conteste pas que les éoliennes projetées créeront, compte tenu de leur effet cumulé avec celles déjà implantées et autorisées, et en imposant notamment la détection systématique des éoliennes par les radars de bord, des contraintes supplémentaires s'imposant aux pilotes, préjudiciables à la sécurité des vols. En outre, si le projet n'est pas inclus dans le périmètre de la zone de mise à terre (ZMT) de Dreux-Crucey-Senonches, la société ne conteste pas sérieusement que l'éolienne n°3 se situe, ainsi que l'a relevé le ministre dans son refus d'accord du 6 juillet 2016, dans l'aire de protection des trajectoires des équipages d'aéronefs au posé d'assaut et au largage à très basse altitude de jour comme de nuit à une hauteur inférieure à 150 mètres, ces opérations nécessitant le volume de protection le plus étendu. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le ministre de la défense a commis une erreur d'appréciation en estimant que son projet d'implantation des éoliennes est susceptible de constituer un obstacle à la navigation aérienne. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Eure a commis une erreur de droit en se conformant au refus opposé par ce ministre, comme il était ainsi tenu de le faire.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Parc éolien Nordex LVIII n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes.
Sur les frais du procès :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que société Parc éolien Nordex LVIII réclame au titre des frais du procès.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Parc éolien Nordex LVIII est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Parc éolien Nordex LVIII, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, à M. F... C... et à l'association Val d'Avre.
Copie en sera transmise pour information à la ministre des armées et au préfet de l'Eure.
N°19DA00018 2