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15/07/2020 | FRANCE | N°18DA01227

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (ter), 15 juillet 2020, 18DA01227


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 13 juin 2018, et un mémoire, enregistré le 10 septembre 2018, les sociétés Brico Dépôt et Castorama, représentées par la SCP B... et associés, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 avril 2018 par lequel le maire de Montigny-en-Gohelle a délivré à la société immobilière européenne des Mousquetaires un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un magasin spécialisé dans le br

icolage à l'enseigne Brico Cash ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Montigny-e...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 13 juin 2018, et un mémoire, enregistré le 10 septembre 2018, les sociétés Brico Dépôt et Castorama, représentées par la SCP B... et associés, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 avril 2018 par lequel le maire de Montigny-en-Gohelle a délivré à la société immobilière européenne des Mousquetaires un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un magasin spécialisé dans le bricolage à l'enseigne Brico Cash ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Montigny-en-Gohelle et de la société immobilière européenne des Mousquetaires la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020-405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,

- les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public,

- et les observations de Me A... B..., représentant les sociétés Brico Dépôt et Castorama.

Considérant ce qui suit :

1. La société immobilière européenne des Mousquetaires a déposé une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale le 10 août 2017 dans le but de créer un magasin spécialisé dans le bricolage à l'enseigne Brico Cash de 4 217 m² de surface de vente sur un terrain situé au 93 avenue François Mitterrand à Montigny-en-Gohelle. Le projet a reçu, le 26 octobre 2017, un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial du Pas-de-Calais et, par la suite, la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté les recours administratifs préalables obligatoires formés notamment par les sociétés Brico Dépôt et Castorama, par un avis du 15 février 2018. Le maire de Montigny-en-Gohelle a accordé le permis de construire sollicité par la société immobilière européenne des Mousquetaires par un arrêté du 18 avril 2018 dont les sociétés Brico Dépôt et Castorama demandent l'annulation en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur la compatibilité du projet avec le schéma de cohérence territoriale des agglomérations de Lens-Liévin et Hénin-Carvin :

2. Aux termes du I de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa version applicable au litige : " L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale (...) ".

3. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent.

4. Le document d'orientations générales du schéma de cohérence territoriale des agglomérations de Lens-Liévin et Hénin-Carvin, approuvé par une délibération du 11 février 2008, énonce notamment, en son chapitre intitulé : " favoriser une offre commerciale équilibrée ", que les auteurs de ce schéma ont souhaité rééquilibrer le maillage commercial du territoire en " renforçant les principaux pôles commerciaux et commerçants " ainsi que l'offre des services de proximité inscrite dans les centralités commerciales existantes et en structurant l'offre du corridor de l'ancienne route nationale 43 entre Hénin-Beaumont et Sallaumines. En ce qui concerne ce dernier point, doivent être privilégiés les regroupements des équipements commerciaux en tenant compte de l'existant et en s'appuyant notamment sur les polarités liées au transport en commun en site propre dont le tracé est parallèle à cet axe.

5. Le projet contesté se situe le long de la route départementale 643, ancienne route nationale 43, qui traverse le sud de la commune de Montigny-en-Gohelle d'est en ouest. Il résorbe une friche commerciale et est implanté à proximité de plusieurs commerces dont un magasin de vente de matériaux et deux petites surfaces de vente à dominante alimentaire. En outre, la pétitionnaire affirme, sans être contredite sur ce point, qu'un arrêt du futur transport en commun en site propre sera créé face à la parcelle d'assiette du projet. Dans ces conditions, ce projet n'est pas incompatible avec les orientations générales du schéma de cohérence territoriale des agglomérations de Lens-Liévin et Hénin-Carvin rappelées au point précédent.

Sur le respect des objectifs de l'article L. 752-6 du code de commerce :

6. Aux termes du I de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa version alors en vigueur : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. / (...) ".

7. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet aux objectifs énoncés par la loi, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. L'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation de ces objectifs.

En ce qui concerne l'effet du projet en matière d'aménagement du territoire :

8. La construction projetée prend place sur une friche commerciale, en continuité de la zone urbaine et à proximité d'autres commerces et de poches d'habitat. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet aurait un effet négatif sur les commerces du centre-ville, dont il n'est pas établi qu'ils connaîtraient des difficultés particulières, ou sur le magasin de vente de matériaux destinés aux professionnels et ouvert aux particuliers, voisin immédiat du site. En outre, il ressort des pièces du dossier que la diminution de la population de la zone de chalandise n'est que de 0,7 % entre 1999 et 2015. Enfin, les requérantes ne peuvent utilement soutenir que la zone de chalandise comporte en l'état une offre suffisante dans le domaine de la vente de matériel de bricolage et de matériaux de construction au regard d'une population en diminution ou peu intéressée par ce type de produits, la densité d'équipement commercial de la zone de chalandise concernée ne figurant pas au nombre des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. Dans ces conditions, le projet ne méconnaît pas le critère du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce relatif à l'aménagement du territoire.

En ce qui concerne l'effet du projet en matière de développement durable :

9. Il ressort des pièces du dossier que l'installation projetée respecte la norme RT 2012 et que d'autres dispositifs tel que le recours à l'éclairage naturel ou au matériel LED et la pose de panneaux photovoltaïques sont destinés à réduire la facture énergique. Le projet prend place sur un terrain de 12 574 m² déjà partiellement imperméabilisé. Il prévoit la création d'un espace vert de 3 773 m² soit 30 % de la superficie totale de la parcelle. En outre, trente-six des quatre-vingt-trois places de stationnement prévues seront traitées en pavés drainants. Des bassins d'infiltration recevront les eaux pluviales de la parcelle et une partie de celles-ci sera récupérée pour l'arrosage des espaces verts et l'alimentation des sanitaires. Le projet présente une architecture contemporaine composée de bardage métallique, de panneaux composite de ton bois et baies vitrées. Des espaces verts, plantés de trente-cinq arbres de haute tige, agrémenteront le site. Une haie vient partiellement masquer la cour où seront entreposés des matériaux. La circonstance que cette cour sera visible depuis l'avenue desservant le site et que l'arrière de la construction ne bénéficiera d'aucun dispositif destiné à en atténuer l'impact visuel n'est pas de nature à justifier à elle-seule le rejet du projet. Dans ces conditions, le projet ne méconnaît pas le critère du 2° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce relatif au développement durable.

En ce qui concerne l'objectif de protection du consommateur :

10. Il ressort des pièces du dossier que la pétitionnaire a prévu d'effectuer des études complémentaires, une fois les autorisations administratives obtenues, afin de confirmer ou d'infirmer la présence de munitions provenant des tranchées de la première guerre mondiale. En outre, l'arrêté en litige après avoir précisé que le territoire de la commune est répertorié au dossier départemental des risques majeurs pour les risques technologiques pour le risque de découverte d'engins de guerre, prévoit qu'avant tous travaux, il conviendra de réaliser toutes les études nécessaires afin de s'assurer de la stabilité du terrain. Dans ces conditions, le projet ne méconnaît pas le critère du 3° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce.

11. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, il y a lieu de rejeter les conclusions des sociétés Brico Dépôt et Castorama dirigées contre l'arrêté du 18 avril 2018.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Montigny-en-Gohelle et de la société immobilière européenne des Mousquetaires le versement aux sociétés Brico Dépôt et Castorama des sommes qu'elles réclament sur ce fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des sociétés Brico Dépôt et Castorama le versement de la somme de 1 000 euros à la société immobilière européenne des Mousquetaires et de la même somme de 1 000 euros à la commune de Montigny-en-Gohelle sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des sociétés Brico Dépôt et Castorama est rejetée.

Article 2 : Les sociétés Brico Dépôt et Castorama verseront la somme de 1 000 euros à la commune de Montigny-en-Gohelle et une même somme de 1 000 euros à la société immobilière européenne des Mousquetaires sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Brico Dépôt, à la société Castorama, à la société immobilière européenne des Mousquetaires et à la commune de Montigny-en-Gohelle.

Copie en sera transmise pour information à la Commission nationale d'aménagement commercial.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 18DA01227
Date de la décision : 15/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Réglementation des activités économiques - Activités soumises à réglementation - Aménagement commercial.

Urbanisme et aménagement du territoire - Autorisations d`utilisation des sols diverses - Autorisation d`exploitation commerciale (voir : Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: Mme Claire Rollet-Perraud
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS COURRECH

Origine de la décision
Date de l'import : 13/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-07-15;18da01227 ?
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