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15/07/2020 | FRANCE | N°18DA00172

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (ter), 15 juillet 2020, 18DA00172


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2018, et des mémoires, enregistrés les 15 mai et 21 juin 2018 et les 29 janvier et 19 février 2020, la société Distribution Casino France, représentée par la SELARL Concorde Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 septembre 2017 par lequel le maire de Luneray a délivré à la société Lidl, au nom de l'Etat, un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour le transfert et l'agrandissement d'u

n magasin à l'enseigne Lidl ;

2°) de ne pas sursoir à statuer en application des disp...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2018, et des mémoires, enregistrés les 15 mai et 21 juin 2018 et les 29 janvier et 19 février 2020, la société Distribution Casino France, représentée par la SELARL Concorde Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 septembre 2017 par lequel le maire de Luneray a délivré à la société Lidl, au nom de l'Etat, un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour le transfert et l'agrandissement d'un magasin à l'enseigne Lidl ;

2°) de ne pas sursoir à statuer en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Luneray et de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020-405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,

- les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public,

- et les observations de Me D... C..., représentant la société Distribution Casino France, et de Me B... A..., représentant la société Lidl.

Considérant ce qui suit :

1. La société Lidl a déposé une demande de permis de construire le 22 mars 2017 dans le but transférer, rue de la République sur le territoire de la commune de Luneray, et d'agrandir de 386 m², une surface de vente existante à l'enseigne " Lidl " d'une superficie de 900 m² de surface de vente, jusqu'alors implantée rue des Forières dans la même commune. Le projet a bénéficié, le 31 mai 2017, d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial de la Seine-Maritime et la Commission nationale d'aménagement commercial a, par la suite, rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé contre cet avis par la société Distribution Casino France, par un avis du 26 octobre 2017. Le maire de Luneray a accordé le permis de construire sollicité par la société Lidl par un arrêté du 14 septembre 2017, dont la société Distribution Casino France demande l'annulation en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale. La même autorité a accordé à la société pétitionnaire deux permis modificatifs les 19 décembre 2017 et 20 mars 2020. La société requérante demande également l'annulation de cette dernière décision en tant qu'elle vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur les conclusions dirigées contre le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale du 14 septembre 2017 modifié :

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale a été délivré avant que la Commission nationale d'aménagement commercial ait émis son avis :

2. Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. (...) ".

3. En cas de recours introduit devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale compétente, ou en cas d'auto-saisine de la commission nationale, l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, qui bénéficie d'un délai d'instruction prolongé de cinq mois en vertu des dispositions de l'article R. 423-36-1 du code de l'urbanisme, doit attendre l'intervention de l'avis, exprès ou tacite, de la commission nationale pour délivrer le permis. En effet, cet avis se substituant à l'avis de la commission départementale, le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ne saurait légalement intervenir avant qu'il ait été rendu.

4. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire en litige a été délivré par le maire de Luneray le 14 septembre 2017 avant l'intervention de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial, alors que celle-ci avait pourtant été saisie le 12 juillet précédent. Le permis de construire est, pour ce motif, entaché d'illégalité.

5. Toutefois, lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial.

6. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Luneray, agissant au nom de l'Etat, a délivré à la société Lidl, le 20 mars 2020, un permis de construire modificatif valant autorisation commerciale visant l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial du 26 octobre 2017. Or, contrairement à ce que soutient la société requérante, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucune règle jurisprudentielle ne s'oppose à la régularisation d'un acte en raison de la gravité du vice qui l'affecte. Dès lors, le permis de construire modificatif délivré le 20 mars 2020 a régularisé l'illégalité qui entachait le permis de construire initial et le moyen tiré de ce que le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale a été délivré avant que l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial n'ait été émis ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne l'insuffisance de la motivation de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial :

7. Si, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la Commission nationale, les décisions qu'elle prend doivent être motivées, cette obligation n'implique pas que la Commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables. En l'espèce, pour autoriser le projet qui lui était soumis, elle a retenu que le projet vise à fidéliser une clientèle existante et à éviter son évasion commerciale, qu'il est compatible avec le schéma de cohérence territoriale du Pays Dieppois-Terroir de Caux, que les conditions de desserte sont suffisantes, que 109 places de stationnement perméables sur 115 sont prévues, qu'une toiture photovoltaïque de 500 m² sera réalisée et que 45 % de la superficie totale sera dédiée aux espaces verts. La décision de la Commission mentionne les textes dont il est fait application et les éléments de fait sur lesquels elle se fonde. Par suite, le moyen tiré d'une motivation insuffisante doit être écarté.

En ce qui concerne la composition du dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale :

8. Aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce, dans sa version alors applicable : " La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments suivants : / 1° Informations relatives au projet : / a) Pour les projets de création d'un magasin de commerce de détail : la surface de vente et le secteur d'activité ; / (...) / d) Pour les projets d'extension d'un ou plusieurs magasins de commerce de détail : / - le secteur d'activité et la classe, au sens de la nomenclature d'activités française (NAF), du ou des magasins dont l'extension est envisagée ; / - la surface de vente existante ; / - l'extension de surface de vente demandée ; / - la surface de vente envisagée après extension ; / (...) / g) Autres renseignements : / (...) / - si le projet comporte un parc de stationnement : le nombre total de places, le nombre de places réservées aux personnes à mobilité réduite et, le cas échéant, le nombre de places dédiées à l'alimentation des véhicules électriques ou hybrides rechargeables, le nombre de places non imperméabilisées et le nombre de places dédiées à l'autopartage et au covoiturage ; / - les aménagements paysagers en pleine terre ; / (...) / 3° Cartes ou plans relatifs au projet : / a) Un plan de masse faisant apparaître la surface de vente des magasins de commerce de détail, ensembles commerciaux ou points permanents de retrait ; / b) Un plan faisant apparaître l'organisation du projet sur la ou les parcelles de terrain concernées : emplacements et superficies des bâtiments, des espaces destinés au stationnement et à la manoeuvre des véhicules de livraison et des véhicules de la clientèle et au stockage des produits, des espaces verts ; / c) Une carte ou un plan de la desserte du lieu d'implantation du projet par les transports collectifs, voies piétonnes et pistes cyclables ; / d) Une carte ou un plan des principales voies et aménagements routiers desservant le projet ainsi que les aménagements projetés dans le cadre du projet ; / (...) / 4° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : / a) Contribution à l'animation des principaux secteurs existants ; / b) Prise en compte de l'objectif de compacité des bâtiments et aires de stationnement ; / c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes ; / d) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules de livraison générés par le projet et description des accès au projet pour ces véhicules ; / e) Indication de la distance du projet par rapport aux arrêts des moyens de transports collectifs, de la fréquence et de l'amplitude horaire de la desserte de ces arrêts ; / f) Analyse prévisionnelle des flux de déplacement dans la zone de chalandise, tous modes de transport confondus, selon les catégories de clients ; / g) En cas d'aménagements envisagés de la desserte du projet : tous documents garantissant leur financement et leur réalisation effective à la date d'ouverture de l'équipement commercial ; / (...) ".

9. Les dispositions de l'article R. 752-6 du code de commerce n'imposent pas au demandeur d'une autorisation d'exploitation commercial d'indiquer la superficie consacrée au stationnement. En l'espèce, la demande d'autorisation d'exploitation commerciale indique le nombre de places de stationnement créées ainsi que le nombre de places dédiées aux personnes à mobilité réduite, à l'alimentation des véhicules électriques ou hybrides rechargeables, ou au covoiturage. Il précise également le nombre de places non imperméabilisées. Il comprend enfin plusieurs pages consacrées à l'étude de la compacité du bâtiment. La demande est ainsi conforme au g) du 1° de l'article R. 752-6 du code de commerce.

10. L'étude de trafic diligentée par la société Lidl et versée au dossier fait apparaître le nombre de véhicules qui fréquentera le site quotidiennement, ainsi que le trafic prévisible en heure de pointe. Elle comprend également des comptages de circulation réalisés en septembre 2016 et une analyse du fonctionnement du futur accès. Elle conclut que l'aménagement du site n'est pas problématique en terme de trafic. Les éléments produits au soutien de la demande étaient ainsi suffisants pour permettre à la Commission nationale d'aménagement commercial de se prononcer en toute connaissance de cause sur ce point.

11. L'insertion graphique fait apparaître l'aménagement prévu pour l'accès au projet, à savoir une voie tourne-à-gauche positionnée sur la route départementale 27. L'étude de sécurité y fait également référence. En outre, le 21 juillet 2017, la direction des routes du département de la Seine-Maritime a émis un avis favorable au projet, sous certaines réserves relatives au financement de l'aménagement, dont il est précisé que la maîtrise d'ouvrage sera assurée par le département de la Seine-Maritime et que le coût de 129 282 euros toutes taxes comprises sera financé à 100 % par la société Lidl. Il ressort des pièces du dossier et en particulier du rapport d'instruction, que la Commission nationale d'aménagement commercial a été destinataire de ce document avant de statuer. Les éléments produits au soutien de la demande étaient ainsi suffisants pour permettre à la Commission de statuer sur ce point.

12. L'article R. 752-6 du code de commerce n'impose pas au demandeur d'une autorisation d'exploitation commerciale de produire au soutien de sa demande les éléments relatifs à la protection des monuments historiques qui relève d'une règlementation distincte.

13. Les différentes insertions graphiques jointes au dossier de demande étaient suffisantes pour permettre à la Commission nationale d'aménagement commercial de porter une appréciation sur l'intégration du projet dans son environnement.

14. Il résulte de ce qui a été aux points 9 à 13, que la Commission nationale d'aménagement commercial, qui a disposé de l'ensemble des informations nécessaires à l'analyse du dossier, a pu statuer en toute connaissance de cause sur la demande qui lui était soumise. Par suite, le moyen tiré du caractère incomplet du dossier de demande ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 142-4 du code de l'urbanisme :

15. Aux termes de l'article L. 142-4 du code de l'urbanisme : " Dans les communes où un schéma de cohérence territoriale n'est pas applicable : / (...) / 4° A l'intérieur d'une zone ou d'un secteur rendu constructible après la date du 4 juillet 2003, il ne peut être délivré d'autorisation d'exploitation commerciale en application de l'article L. 752-1 du code de commerce (...) ". Il résulte de ces dispositions que, dans les communes qu'elles visent et qui ne sont pas couvertes par un schéma de cohérence territoriale applicable, il ne peut, sauf dérogation accordée par le préfet ou, lorsqu'un schéma de cohérence territoriale est en cours d'élaboration, par l'établissement public auteur du schéma de cohérence territoriale, être délivré d'autorisation d'exploitation commerciale à l'intérieur des zones à urbaniser de ces communes ouvertes à l'urbanisation après l'entrée en vigueur de la loi du 2 juillet 2003.

16. Les dispositions de l'article L. 142-4 du code de l'urbanisme invoquées par la requérante ne s'appliquent, en vertu du premier alinéa de cet article, qu'aux communes qui ne sont pas couvertes par un schéma de cohérence territoriale. Or, la société Lidl verse au débat la délibération du 28 juin 2017 approuvant le schéma de cohérence territoriale du Pays Dieppois-Terroir de Caux. Il n'est pas contesté que la commune de Luneray était couverte par ce schéma de cohérence territoriale à la date d'édiction de la décision attaquée. En tout état de cause, la zone dans laquelle le projet doit être construit n'a pas été rendue constructible après la date du 4 juillet 2003, la commune de Luneray n'étant pas dotée d'un document d'urbanisme et relevant donc des dispositions du règlement national d'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 142-4 du code de l'urbanisme est inopérant.

En ce qui concerne le respect des objectifs de l'article L. 752-6 du code de commerce :

17. Aux termes du I de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa version alors applicable : " (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. / (...) ".

18. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet aux objectifs énoncés par la loi, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. L'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation de ces objectifs.

Quant à l'effet du projet en matière d'aménagement du territoire :

19. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet consiste à déplacer et à agrandir une surface commerciale installée sur le territoire de la commune de Luneray depuis 1988. Le nouveau site d'implantation se situera à 650 mètres environ du centre-ville, près de lieux d'habitat et en continuité de l'urbanisation existante. Si ce site se trouve dans le périmètre de protection d'un monument historique, il n'existe aucune covisibilité avec le projet. Enfin ce dernier prévoit la plantation de haies d'arbres tout autour du terrain pour en permettre une meilleure intégration. Par ailleurs, le magasin proposera un nouveau concept, une gamme de produits étendue et de nouveaux services et pourra ainsi contribuer à limiter l'évasion commerciale. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la nouvelle implantation de la surface commerciale à proximité immédiate d'une autre surface commerciale à l'enseigne Simply Market, contribuera à créer un pôle d'attraction commercial de nature à concurrencer les magasins de proximité établis au centre-ville. Enfin, il n'appartient pas à la Commission nationale d'aménagement commercial d'apprécier la densité commerciale des surfaces soumises à autorisation commerciale dans le secteur. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet ne respecterait pas les critères énoncés au a) et au c) du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce.

20. En deuxième lieu, la superficie totale du bâti est de 1 981 m² dont 1 286 m² consacrés à la vente. Le projet prévoit la création de 115 places de stationnement dont 109 en revêtement perméable. Le pourcentage d'espaces verts sur l'emprise foncière s'élève à plus de 45 %, soit 5 656 m². Il n'existe pas de disproportion manifeste entre la surface occupée par les espaces extérieurs, celle des bâtiments et la fréquentation attendue qui correspond à celle d'une moyenne surface alimentaire. Par suite, le projet ne méconnaît pas le critère du b) du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce.

21. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la société coopérative agricole des producteurs de blé a confirmé par courrier du 29 août 2017 son intérêt pour la reprise du bâtiment laissé vacant par l'enseigne Lidl qui n'en est pas propriétaire. Ainsi, quand bien même le bailleur n'aurait pas donné son accord à ce courrier d'intention, cette circonstance ne suffit pas à établir l'existence d'un risque important de création d'une friche.

22. En quatrième lieu, il ressort également des pièces du dossier que la desserte du projet sera assurée par une voie tourne-à gauche à créer, ainsi qu'il a été dit au point 11. La société Lidl verse au dossier une attestation du 21 juillet 2017 de la direction des routes du département de la Seine-Maritime qui indique que ces travaux seront réalisés sous maîtrise d'ouvrage du département dans le cadre d'une convention. Il est prévu que ces travaux soient financés par la société Lidl. La requérante n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'exactitude de cette attestation.

23. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'étude de trafic produite, qui n'est pas sérieusement contestée, que les flux de circulation supplémentaires attendus pour le projet sont évalués à 415 véhicules par jour. Il n'est pas établi que ce flux supplémentaire ne pourra pas être absorbé par l'axe d'accès au site, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait saturé. Par ailleurs, la voie de desserte du site est bordée par un trottoir sécurisé permettant ainsi l'accessibilité au projet par des clients se déplaçant à pied. Enfin, le terrain d'assiette de la construction envisagée est desservi par une ligne d'autobus, dont la faible amplitude horaire ne constitue pas une circonstance de nature à rendre illégale la décision contestée, de même que la distance de 450 mètres séparant l'arrêt de bus du projet. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de la desserte doivent être écartés.

Quant à l'effet du projet en matière de développement durable :

24. Le projet présente une architecture contemporaine. Il comporte de nombreuses surfaces vitrées et des façades de couleur sobre, en pierre bleu et en panneaux composite aluminium. Par ailleurs, il sera entouré d'espaces végétalisés occupant 45 % de la surface totale du terrain où seront plantés 106 arbres de haute tige, qui formeront notamment une haie entourant le site sur trois côtés. Le projet s'intègre ainsi à son environnement. Il a, au demeurant, bénéficié d'un avis favorable de l'architecte des Bâtiments de France et a été modifié pour prendre en considération les observations de ce dernier. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du critère du b) du 2° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce doit être écarté.

25. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est pas sérieusement contesté, que les quais de chargement seront isolés au plan acoustique et que les livraisons se feront par le biais de camions et d'équipements respectant un seuil d'émission sonore inférieur à 60 décibels. Il n'est ainsi pas démontré par la société requérante que la circulation des camions de livraison représenterait un risque réel de nuisances sonores pour les occupants des logements situés à proximité du projet, qui n'apparaît dès lors pas contraire au critère énoncé au c) du 2° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce.

Quant à l'objectif de protection du consommateur :

26. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la circonstance que les places de stationnement réservées aux personnes à mobilité réduite ne sont pas toutes situées " du même côté " soit de nature à créer un risque supplémentaire. En outre, le cheminement reliant ces places à l'entrée du magasin est matérialisé par un marquage spécifique. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des critères du d) du 3° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce doit être écarté.

27. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la société Lidl, que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 14 septembre 2017 modifié par l'arrêté du 20 mars 2020.

Sur les frais liés au litige :

28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la commune de Luneray, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que réclame la société Distribution Casino France sur leur fondement. Elles font également obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée par la commune de Luneray, qui n'a pas la qualité de partie dans la présente instance, sur le fondement des mêmes dispositions. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Distribution Casino France une somme de 2 000 euros à verser à la société Lidl sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Distribution Casino France est rejetée.

Article 2 : La société Distribution Casino France versera une somme de 2 000 euros à la société Lidl au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Luneray présentées au titre des frais liés au litige sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Distribution Casino France, à la société Lidl et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Copie en sera transmise pour information à la Commission nationale d'aménagement commercial et à la commune de Luneray.

N°18DA00172 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 18DA00172
Date de la décision : 15/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Réglementation des activités économiques - Activités soumises à réglementation - Aménagement commercial.

Urbanisme et aménagement du territoire - Autorisations d`utilisation des sols diverses - Autorisation d`exploitation commerciale (voir : Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: Mme Claire Rollet-Perraud
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : CONCORDE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-07-15;18da00172 ?
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