Vu la procédure suivante :
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 octobre 2017 et des mémoires, enregistrés les 15 mai, 12 juillet et 6 septembre 2019, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la société Carrefour Hypermarchés, représentée par la SELARL Letang avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 août 2017 par lequel le maire d'Aire-sur-la-Lys a délivré à la société France Distribution un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour l'agrandissement d'un magasin à l'enseigne Lidl ;
2°) de mettre à la charge de la société France Distribution et de la commune d'Aire-sur-la-Lys, chacune, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu :
- l'avis du 12 décembre 2019 du ministre chargé du commerce ;
- l'avis du 13 décembre 2019 du ministre chargé de l'urbanisme ;
- l'avis rendu par la Commission nationale d'aménagement commercial le 19 décembre 2019, enregistré au greffe de la cour le 20 janvier 2020 ;
- le permis de construire modificatif délivré par le maire d'Aire-sur-la-Lys le 27 décembre 2019, enregistré au greffe de la cour le 8 janvier 2020 ;
- les autres pièces du dossier.
- le code de commerce ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020-405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;
- le décret n° 2015-165 du 12 février 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,
- les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public,
- et les observations de Me A... D..., représentant la commune d'Aire-sur-la-Lys et la société France Distribution, et de Me B... C..., représentant la société Lidl.
Considérant ce qui suit :
1. La société France Distribution a déposé une demande de permis de construire le 16 décembre 2016 dans le but de transférer et d'agrandir de 220 m² un magasin existant sous l'enseigne " Lidl ", d'une superficie de 964 m² de surface de vente, situé rue Isbergues sur le territoire de la commune d'Aire-sur-la-Lys. Le projet a reçu, le 28 février 2017, un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial du Pas-de-Calais et la Commission nationale d'aménagement commercial a ensuite rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé par la société Carrefour Hypermarchés, par un avis tacite intervenu le 4 août 2017. Le maire d'Aire-sur-la-Lys a accordé le permis de construire sollicité par la société France Distribution, par un arrêté du 21 août 2017 dont la société Carrefour Hypermarchés a demandé l'annulation en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.
2. Par un arrêt avant dire droit du 1er octobre 2019, après avoir constaté l'absence de consultation des ministres chargés de l'urbanisme et du commerce et de motivation de l'avis tacite de la Commission nationale d'aménagement commercial, la cour a, en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à statuer sur la requête et imparti à la Commission un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt pour se prononcer à nouveau sur le recours de la société Carrefour Hypermarchés, et au maire d'Aire-sur-la-Lys, un délai de deux mois pour tirer les conséquences de l'avis à rendre à la suite de cet arrêt. La Commission nationale d'aménagement commercial a émis un avis favorable au projet le 19 décembre 2019 et, par un arrêté du 27 décembre 2019, le maire d'Aire-sur-la-Lys a accordé un permis de construire à la société France Distribution.
Sur la régularisation des vices relevés par l'arrêt avant dire droit :
3. L'article L. 752-17 du code de commerce institue un recours administratif préalable obligatoire contre les avis ou décisions de la commission départementale d'aménagement commercial devant la Commission nationale d'aménagement commercial. En vertu de l'avant-dernier alinéa du I de ce texte : " La Commission nationale d'aménagement commercial émet un avis sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6 du présent code, qui se substitue à celui de la commission départementale. En l'absence d'avis exprès de la commission nationale dans le délai de quatre mois à compter de sa saisine, l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial est réputé confirmé ".
4. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 752-36 du même code, dans sa version alors applicable : " (...) / Le secrétariat de la commission nationale instruit et rapporte les dossiers. Le commissaire du Gouvernement présente et communique à la commission nationale les avis des ministres chargés de l'urbanisme et du commerce. Après audition des parties, il donne son avis sur les demandes ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe au commissaire du Gouvernement de recueillir et de présenter à la Commission nationale les avis de l'ensemble des ministres intéressés avant d'exprimer son propre avis.
5. Il ressort des pièces du dossier que la Commission nationale d'aménagement commercial a émis son avis du 19 décembre 2019 au vu notamment d'un avis émis par le ministre chargé du commerce du 12 décembre 2019 et du ministre chargé de l'urbanisme du 13 décembre 2019.
6. Par ailleurs, l'article R. 752-38 du code de commerce, dans sa version alors applicable, prévoit que les avis ou décisions de la Commission nationale d'aménagement commercial doivent être motivés. Cette obligation de motivation n'implique pas que la commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect par le projet qui lui est soumis de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables. En l'espèce, la Commission nationale d'aménagement commercial a retenu que le projet est économe de l'espace puisqu'il s'installe dans une cellule vacante et sur un espace actuellement imperméabilisé, qu'il répond à un besoin nouveau dû à une légère progression démographique, qu'il est compatible avec le schéma de cohérence territorial, qu'il n'aura pas d'impact négatif sur l'animation de la vie urbaine et qu'il prévoit la mise en place d'un certain nombre de dispositifs destinés à économiser l'énergie. L'avis du 19 décembre 2019 de la Commission nationale d'aménagement commercial est ainsi suffisamment motivé.
7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 6, que les vices retenus par la cour dans son arrêt du 1er octobre 2019 ont été régularisés et ne peuvent plus être utilement soulevés.
Sur les autres moyens soulevés à l'encontre du permis de construire :
En ce qui concerne le caractère incomplet du dossier accompagnant la demande d'autorisation d'exploitation commerciale :
8. La requérante soutient que le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale est incomplet en ce qu'il n'évoque pas l'extension du parc commercial qui accueille le projet, avec notamment la création d'un supermarché Leclerc, et en ce qu'il ne fait pas état des plantations existantes. La société France Distribution avait en effet sollicité et obtenu le 29 juillet 2013 une autre autorisation d'exploitation commerciale pour réaliser une extension de cet ensemble commercial. En outre, certains commerces y étaient installés à la date de présentation de la nouvelle demande de la société France distribution. Certes les photographies aériennes versées au dossier de demande ne font pas apparaître cette extension du parc commercial, mais elle figure sur le plan de masse du projet et l'existence des enseignes installées dans la première extension, à l'exception de l'enseigne Leclerc, qui n'était pas encore implantée, est mentionnée dans la description de l'environnement proche. Par ailleurs, eu égard à la nature du projet qui consiste à agrandir d'une surface de 200 m² un magasin existant en occupant une friche voisine dans une zone commerciale relativement dense située en entrée de ville, le dossier déposé par la société Lidl a permis à la Commission nationale d'aménagement commercial de se prononcer de façon suffisamment éclairée sur la conformité du projet aux critères d'aménagement du territoire et de développement durable alors même qu'il ne ferait pas état des plantations existantes. Ainsi le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de demande doit être écarté.
En ce qui concerne le respect des objectifs de l'article L. 752-6 du code de commerce :
9. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa version applicable au litige : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / (...) / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; / (...) ".
10. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. L'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi.
11. Le projet consiste à occuper la surface de vente voisine, libérée par son précédent occupant et à construire une extension sur un espace actuellement libre entre le magasin Lidl existant et son voisin immédiat. Il résorbe ainsi une friche commerciale. En outre, il ressort des pièces du dossier que la surface de terrain destinée à supporter l'extension projetée est un espace exigu, situé entre deux surfaces commerciales et actuellement en partie imperméabilisé. Enfin, si le projet ne prévoit pas de nouveaux aménagements paysagers, cette circonstance n'est pas, par elle-même, de nature à rendre le projet contraire au critère de qualité environnementale du projet énoncé au 2° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Carrefour Hypermarchés n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 21 août 2017 par lequel le maire d'Aire-sur-la-Lys a délivré à la société France Distribution un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, modifié par l'arrêté du 27 décembre 2019.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce soit mise à la charge de la commune d'Aire-sur-la-Lys et de la société France Distribution, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, la somme que demande la société Carrefour Hypermarchés au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Carrefour Hypermarchés la somme de 1 000 euros à verser à la commune d'Aire-sur-la-Lys et la même somme de 1 000 euros à verser à la société France Distribution au titre des frais liés au litige. La circonstance que la société Lidl ait été appelée en la cause pour produire des observations n'a pas eu pour effet de lui conférer la qualité de partie à l'instance. Dès lors qu'elle n'aurait pas eu qualité pour former tierce opposition si elle n'avait pas été mise en cause, elle ne peut présenter une demande au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Carrefour Hypermarchés est rejetée.
Article 2 : La société Carrefour Hypermarchés versera une somme de 1 000 euros à la commune d'Aire-sur-la-Lys et la même somme de 1 000 euros à la société France Distribution au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la société Lidl présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Carrefour Hypermarchés, à la société France Distribution, à la commune d'Aire-sur-la-Lys et à la société Lidl.
Copie en sera transmise pour information à la Commission nationale d'aménagement commercial.
N°17DA02031 2