Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'association syndicale des propriétaires du Lys-Chantilly à lui verser les sommes de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'illégalité fautive de son licenciement, de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 5 026,38 euros à titre de complément de l'indemnité de licenciement.
Par un jugement n° 1603227 du 12 octobre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 novembre 2018 et le 3 mai 2019, Mme B..., représentée par la SELARL Garnier Roucoux, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'association syndicale des propriétaires du Lys-Chantilly à lui verser les sommes de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'illégalité de la procédure de licenciement, de 2 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de sa suspension provisoire, de 8 000 euros pour le préjudice moral résultant du licenciement, de 5 026,38 euros à titre de complément de l'indemnité de licenciement ;
3°) de mettre à la charge de l'association syndicale des propriétaires du Lys-Chantilly, la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n°2004-632 du 1er juillet 2004 ;
- le décret n°2006-504 du 3 mai 2006 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a été recrutée sous contrat à durée déterminée, à compter du 4 février 2009, par l'association syndicale des propriétaires du Lys-Chantilly, association syndicale autorisée ayant le statut d'établissement public administratif en application de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires. Ce contrat a été régulièrement renouvelé et s'est transformé, au terme de six ans, en un engagement à durée indéterminée, en application de l'article 31 du décret du 3 mai 2006 portant application de l'ordonnance du 1er juillet 2004 susmentionnée. Elle exerçait les fonctions de secrétaire administrative au sein de cette association lorsque le président de cette dernière a décidé son licenciement pour insuffisance professionnelle, le 6 juillet 2016 et l'a, au préalable, suspendue de ses fonctions à compter du 29 juin 2016. Mme B... a saisi l'association d'une demande préalable d'indemnisation, le 25 août 2016. L'association a rejeté cette demande. Mme B... a alors saisi le tribunal administratif d'Amiens de conclusions indemnitaires. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 12 octobre 2018 par lequel il a rejeté ses conclusions.
Sur la recevabilité de l'appel incident de l'association :
2. En première instance, l'association syndicale des propriétaires du Lys-Chantilly avait conclu au rejet de la demande de Mme B.... Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 12 octobre 2018 a entièrement fait droit à cette demande. Par suite, l'appel incident de l'association syndicale des propriétaires du Lys-Chantilly est irrecevable et ne peut, dès lors, qu'être rejeté.
Sur l'illégalité fautive de la décision de licenciement pour insuffisance professionnelle :
3. Aux termes de l'article 38 du décret du 3 mai 2006 portant application de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 : " " Le président de l'association syndicale qui envisage de licencier un agent contractuel de droit public pour un motif autre que disciplinaire doit, avant toute décision, convoquer l'intéressé par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge en lui indiquant l'objet de la convocation. L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. Au cours de l'entretien, le président de l'association est tenu d'indiquer les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications de l'agent. L'agent peut se faire assister par toute personne de son choix. / Le licenciement est notifié à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Cette lettre précise le ou les motifs du licenciement et la date à laquelle celui-ci doit intervenir compte tenu des droits à congés annuels restant à courir et de la durée du préavis. ".
4. En l'espèce, si l'association soutient que la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement, datée du 16 juin 2016, a été présentée au domicile de Mme B... le 22 juin 2016, le bordereau de recommandé avec avis de réception qu'elle produit ne permet pas de l'établir. L'intéressée, dont il n'est donc pas établi qu'elle ait été avisée auparavant, n'a pris connaissance du pli que le 28 juin 2016, comme l'atteste sur ce point, le bordereau précité. Au surplus, il n'est pas contesté que Mme B... était en congés annuels du 10 juin au 28 juin 2016, comme l'atteste sa fiche de paie et que l'association avait connaissance de cette situation. Mme B... a immédiatement demandé un report de cet entretien dès qu'elle a pris connaissance, le 28 juin 2016, de la date de l'entretien prévu par son employeur. L'intéressée n'a, ainsi, pas été mis à même d'organiser sa défense et de se faire assister d'une personne de son choix. Le tribunal administratif a en conséquence estimé illégale la décision de licenciement du 6 juillet 2016 pour ce vice de procédure.
5. Toutefois, lorsqu'un agent public sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité, pour un vice de procédure, de la décision prononçant son éviction du service, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer, en premier lieu, la nature de cette irrégularité procédurale puis, en second lieu, de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si, compte tenu de la nature et de la gravité de cette irrégularité procédurale, la même décision aurait pu être légalement prise dans le cadre d'une procédure régulière.
6. La décision de licenciement du 6 juillet 2016 fait principalement état de l'incapacité de Mme B... à s'adapter à l'informatisation de l'association et des reproches qui lui sont faits par des membres de l'association sur son travail. Mme B... soutient que la dégradation de ses relations de travail date de l'élection du nouveau président. Elle produit des témoignages de l'ancien président attestant de la qualité de son travail ainsi que des témoignages d'autres membres de l'association faisant état des bonnes relations qu'elle entretenait avec eux. Toutefois, il résulte de l'instruction et notamment des attestations concordantes produites en défense d'une vice-présidente de l'association, d'un propriétaire, responsable des travaux et d'un syndic que l'intéressée avait des difficultés à s'adapter à des modes dématérialisés de travail à distance et tenait des propos qui excédaient son devoir de réserve. En attestent également les difficultés de l'appelante à tenir l'agenda électronique du président. Or, il résulte également des pièces du dossier que l'association a souhaité à compter de 2013, date de changement de son président, moderniser ses méthodes de gestion, en même temps que le comptable public faisait évoluer ses relations avec l'association, en utilisant des transmissions par internet. L'évaluation professionnelle de l'appelante, réalisée le 18 mars 2013, qui est la seule produite, si elle note un sens de l'organisation, une rigueur et une fiabilité supérieurs à ce qui est requis dans la fonction, souligne en revanche des difficultés d'adaptation au changement et des outils bureautiques à perfectionner ainsi que la nécessité de plus de réserve et une insuffisance dans la relation avec les syndics. Les échanges de courriers électroniques produits démontrent également cette difficulté d'adaptation, la réticence à se former, même si Mme B... établit avoir suivi six demi-journées de formations informatiques en 2015 et 2016. Les pièces produites par l'association établissent également son refus d'être évaluée au titre de l'année 2015, sa difficulté à accomplir l'ensemble des tâches qui lui étaient confiées, nécessitant de lui définir à de nombreuses reprises ses priorités et aboutissant au recrutement d'un agent administratif supplémentaire. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que l'insuffisance des capacités professionnelles de l'intéressée pour s'adapter à l'évolution de ses fonctions justifie la mesure de licenciement. Par suite, l'irrégularité fautive de la procédure n'est pas de nature à ouvrir droit à indemnisation de ce chef de préjudice à Mme B.... Pour le même motif, Mme B... n'est pas fondée à réclamer le complément d'indemnité de licenciement qui ne lui a pas été versé, en application de l'article 39 du décret du 3 mai 2006, qui dispose que l'indemnité de licenciement est réduite de moitié en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle.
Sur l'illégalité fautive de la suspension :
7. Aux termes du I de l'article 35 du décret du 3 mai 2006 précité : " En cas de faute grave commise par un agent contractuel de droit public, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire pour une durée n'excédant pas quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. / L'agent suspendu conserve son traitement et les prestations familiales obligatoires. ".
8. Mme B... soutient que la suspension immédiate dont elle a fait l'objet le jour de l'entretien préalable, le 29 juin 2016, est entachée d'illégalité fautive. Elle invoque donc la même cause juridique de la responsabilité pour faute que précédemment. En outre, dans ses écritures en première instance, elle demandait la réparation du préjudice que lui avait causé cette suspension immédiate, même si elle en faisait mention au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement. Elle doit donc être considérée comme ayant évoqué dès ses écritures de première instance, ce fait générateur de son préjudice. L'association reconnaît qu'elle a notifié oralement une mise à pied conservatoire à Mme B..., le 29 juin 2016. Cette suspension, immédiate, n'a fait l'objet d'aucune formalisation. Dans ses écritures en défense, l'association justifie cette suspension uniquement par l'absence de respect du devoir de réserve par l'intéressée. Elle se fonde exclusivement, à cet égard, sur un courrier d'un syndic, daté du 15 juin 2016, soit la veille du courrier convoquant Mme B... à l'entretien préalable. Ce courrier se limite à attirer l'attention du président de l'association sur des propos de Mme B... à des propriétaires ou à des partenaires " qui peuvent dépasser parfois la stricte neutralité requise par son poste ". Il ne résulte donc pas de ces éléments que soient établis des faits constitutifs d'une faute grave, justifiant la suspension immédiate de Mme B....
9. Mme B..., agent public depuis plus de sept ans de l'association syndicale de propriétaires du Lys-Chantilly, est fondée à soutenir que sa suspension immédiate, du fait de son caractère soudain et alors que n'était pas établi qu'elle ait commis une faute grave, lui a causé un préjudice moral. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en fixant son montant à la somme de 2 000 euros.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande d'indemnisation de son préjudice moral née de l'illégalité de la mesure de suspension. Par suite, le jugement du 12 octobre 2018 est annulé en tant qu'il a rejeté de telles conclusions. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par l'association syndicale de propriétaires du Lys-Chantilly. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette association, la somme de 1 500 euros à verser à Mme B... en application des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 12 octobre 2018 est annulé en tant qu'il rejette la demande d'indemnisation par Mme B... du préjudice moral né de l'illégalité fautive de la décision de suspension.
Article 2 : L'association syndicale de propriétaires du Lys-Chantilly est condamnée à verser une somme de 2 000 euros à Mme B... en réparation de ce préjudice.
Article 3 : L'association syndicale de propriétaires du Lys-Chantilly versera, à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B..., tant devant le tribunal administratif d'Amiens qu'en cause d'appel, est rejeté.
Article 5 : L'appel incident et les conclusions présentées par l'association syndicale de propriétaires du Lys-Chantilly sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié Mme A... B... et à l'association syndicale de propriétaires du Lys-Chantilly.
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N°18DA02327
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