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09/07/2020 | FRANCE | N°18DA00946

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 09 juillet 2020, 18DA00946


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 22 juin 2015 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime a mis fin à sa concession de logement de fonction par nécessité absolue de service.

Par un jugement n° 1601191 du 13 mars 2018, le tribunal administratif de Rouen, a annulé cette décision et a mis à la charge du service départemental d'incendie et de se

cours de la Seine-Maritime, la somme de 100 euros au titre de l'article L. 761-1 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 22 juin 2015 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime a mis fin à sa concession de logement de fonction par nécessité absolue de service.

Par un jugement n° 1601191 du 13 mars 2018, le tribunal administratif de Rouen, a annulé cette décision et a mis à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime, la somme de 100 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 mai 2018 et le 29 mai 2020, le service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime, représenté par Me B... A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes de M. D... ;

3°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 90-1067 du 28 novembre 1990 ;

- le décret n° 90-850 du 25 septembre 1990 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public ;

- et les observations de Me B... A..., représentant le service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime et de Me E... C..., représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. F... D... est sapeur-pompier professionnel du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime. Un logement de fonction par nécessité absolue de service lui a été concédé, hors caserne, à compter du 15 juin 2000. Le 22 juin 2015, le directeur du service départemental l'a informé qu'il ne remplissait plus les conditions de la nécessité absolue de service et que l'arrêté lui concédant un logement selon ce régime n'était plus applicable. M. D... a demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation de cette décision. Le service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 13 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé pour excès de pouvoir cette décision.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Rouen :

2. La décision contenue dans le courrier du 22 juin 2015 indiquait que M. D... ne remplissait plus les conditions de la nécessité absolue de service, telles que définies dans le décret du 9 mai 2012. Ce décret n° 2012-752, désormais codifié aux articles R. 2124-64 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques, n'est toutefois applicable qu'aux fonctionnaires de l'Etat et de leurs établissements publics. Or, un service départemental de secours et d'incendie est un établissement public du département pour les dispositions générales applicables à ses personnels. Le tribunal administratif a donc annulé la décision du 22 juin 2015 pour erreur de droit. Toutefois, lorsque le juge de l'excès de pouvoir constate que la décision contestée aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, il peut, le cas échéant d'office, substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait pu être prise.

3. Aux termes de l'article 21 de la loi du 28 novembre 1990 relative à la fonction publique territoriale et portant modification de certains articles du code des communes : " Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent la liste des emplois pour lesquels un logement de fonction peut être attribué gratuitement ou moyennant une redevance par la collectivité ou l'établissement public concerné, en raison notamment des contraintes liées à l'exercice de ces emplois.(...)" et aux termes de l'article 5 du décret du 25 septembre 1990 portant dispositions communes à l'ensemble des sapeurs-pompiers professionnels : " Les sapeurs-pompiers professionnels ont droit au logement en caserne dans la limite des locaux disponibles. / Dans ce cas, l'électricité et le chauffage leur sont fournis à titre obligatoire et gratuit. Les sapeurs-pompiers professionnels peuvent également être logés à l'extérieur des casernements par nécessité absolue de service. ".

4. Il résulte de ces dispositions que les sapeurs-pompiers professionnels n'ont droit à l'attribution d'un logement hors caserne par nécessité absolue de service que lorsque les contraintes liées à l'exercice de ces emplois nécessitent une présence pouvant être regardée comme constante pour répondre aux besoins du service. Ce régime, qui ne peut être plus favorable que celui des fonctionnaires d'Etat, en application de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, est donc défini en des termes comparables et selon les mêmes critères que ceux du décret du 9 mai 2012, cités dans le courrier du 22 juin 2015. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. D... peut accomplir normalement son service et assurer notamment les gardes qui lui sont confiées, sans qu'il soit nécessaire qu'il soit logé sur place ou à proximité immédiate de son lieu de travail. Il en résulte que le service d'incendie et de secours aurait pris la même décision de ne plus lui attribuer un logement par nécessité absolue de service s'il s'était fondé sur les dispositions précitées de l'article 21 de la loi du 28 novembre 1990 et de l'article 5 du décret du 25 septembre 1990. Cette substitution de base légale, sur laquelle les parties ont été préalablement invitées à faire valoir leurs observations, ne prive l'appelant d'aucune garantie procédurale. Par suite, le service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision contenue dans le courrier du 22 juin 2015 au motif de l'erreur de droit. Il appartient toutefois à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif de Rouen.

Sur les autres moyens d'annulation de la décision du 22 juin 2015 :

5. Il ressort d'abord des pièces du dossier que le directeur départemental du service d'incendie et de secours de la Seine-Maritime, signataire du courrier du 22 juin 2015, avait reçu délégation du président du conseil d'administration pour signer tous les actes à l'exception de ceux intervenant dans des domaines étrangers à la présente espèce, par arrêté du 3 avril 2015, transmis au contrôle de légalité et régulièrement publié au recueil des actes administratifs du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime du mois d'avril 2015. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée ne peut donc qu'être écarté.

6. Ainsi qu'il a été dit au point 4, il n'est ensuite pas établi que les fonctions de M. D... imposaient qu'il soit logé au service ou à proximité immédiate de celui-ci, la programmation des dates où il est de garde étant désormais effectuée plusieurs mois à l'avance et aucun élément du dossier ne justifiant que les contraintes liées à l'exercice des fonctions de M. D... nécessitent une présence pouvant être regardée comme constante pour répondre aux besoins du service. Par suite, c'est par une exacte qualification des faits de l'espèce qu'il a été mis fin à l'attribution à M. D... d'un logement par nécessité absolue de service.

7. Si M. D... soutient également que la décision du 22 juin 2015 constituait une sanction, il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur départemental du service d'incendie et de secours ait entendu sanctionner M. D..., la décision prise ne constituant que l'application à l'intéressé des règles relatives au logement par nécessité absolue de service. Ce moyen ne peut donc qu'être écarté. De même, si M. D... fait aussi valoir que la décision contestée était motivée par des motifs étrangers à l'intérêt du service, elle ne constitue, ainsi qu'il a été dit, que l'application de la législation en vigueur. Par suite, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

8. Compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure disciplinaire ne peut qu'être écarté. Il n'est en outre pas sérieusement contesté que M. D... avait été informé, par un courrier du 18 décembre 2014, comme d'ailleurs l'ensemble de ses collègues se trouvant dans la même situation, de la fin du régime de nécessité absolue de service concernant son logement. Il a donc pu faire valoir ses observations avant qu'il soit mis fin à ce régime, le courrier du 22 juin 2015 se présentant comme une réponse à ses observations.

9. La fin de l'attribution d'un logement par nécessité absolue de service à M. D... constitue, ainsi qu'il a été dit au point 4, une mise en conformité avec le cadre législatif et règlementaire existant. Elle constitue donc la suppression d'un avantage indu qui ne constituait pas un droit et par suite, elle peut légalement prendre effet, dans la limite des règles de répétition de l'indu, dès que les conditions pour bénéficier de cet avantage ne sont plus remplies, y compris à une date antérieure à la notification à l'intéressé de cette suppression. La rétroactivité de la décision du 22 juin 2015, qui prévoit la perception d'une redevance pour le logement occupé à compter de février 2015, est en conséquence licite. Il y a donc lieu d'écarter ce moyen tiré de la rétroactivité illégale de la décision contestée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement du 13 mars 2018, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 22 juin 2015 mettant fin à l'attribution, par nécessité absolue de service, d'un logement à M. D.... Par suite, les demandes de M. D... devant le tribunal administratif de Rouen sont rejetées, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par le service départemental d'incendie et de secours, tant devant les premiers juges que devant la cour. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions présentées en cause d'appel par M. D... à ce titre. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par le service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Rouen du 13 mars 2018 sont annulés.

Article 2 : Les demandes de M. D... sont rejetées, y compris ses conclusions en cause d'appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime à M. F... D... et au syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels de Seine-Maritime.

N°18DA00946 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00946
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-10-03 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Garanties et avantages divers. Logement de fonction.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : DUFFAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-07-09;18da00946 ?
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