La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2020 | FRANCE | N°16DA00169

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 07 juillet 2020, 16DA00169


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... B... et Mme E... G..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de ses quatre enfants mineurs C... F..., Océane F..., Céline F... et Thyphen F..., ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Lille et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à leur verser respectivement les sommes de 1 202 883,61 euros en indemnisation des préjudices s

ubis lors de la prise en charge médicale de M. B..., et de 193 860 euros ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... B... et Mme E... G..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de ses quatre enfants mineurs C... F..., Océane F..., Céline F... et Thyphen F..., ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Lille et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à leur verser respectivement les sommes de 1 202 883,61 euros en indemnisation des préjudices subis lors de la prise en charge médicale de M. B..., et de 193 860 euros en indemnisation des préjudices propres de Mme G... et de 10 000 euros en indemnisation des préjudices subis par ses quatre enfants, avec intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2013, date d'enregistrement de la requête et capitalisation de ceux-ci.

Par un jugement n° 1306604 du 25 novembre 2015, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à M. B... la somme de 115 883,35 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2013 et capitalisation de ceux-ci à compter du 8 novembre 2014 ainsi qu'à chaque échéance annuelle et, d'autre part, condamné le centre hospitalier régional universitaire de Lille à garantir l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à hauteur de cette somme. Il a également condamné le centre hospitalier régional universitaire de Lille à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing la somme totale de 117 184,97 euros en remboursement de ses débours avec intérêts au taux légal sur la somme de 44 463,58 euros à compter du 12 décembre 2013 et capitalisation de ceux-ci à compter du 12 décembre 2014 puis à chaque échéance annuelle de cette date et sur la somme de 49 284,38 euros à compter du 28 août 2014 et capitalisation de ceux-ci à compter du 28 août 2015 puis à chaque échéance annuelle de cette date. Il a également condamné le centre hospitalier régional universitaire de Lille à verser à M. B... la somme de 405 591,75 euros en réparation de ses préjudices, avec intérêts au taux légal à compter du 28 août 2014 et capitalisation de ceux-ci à compter du 28 août 2015 puis à chaque échéance annuelle de cette date. Le tribunal a aussi condamné le centre hospitalier de Wattrelos à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing la somme de 16 740,71 euros en remboursement de ses débours, avec intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2013 sur la somme de 6 351,94 euros et capitalisation de ceux-ci à compter du 12 décembre 2014 puis à chaque échéance annuelle de cette date et, sur la somme de 7 040,62 euros, à compter du 28 août 2014 et capitalisation de ceux-ci à compter du 28 août 2015 puis à chaque échéance annuelle de cette date. Il a également condamné solidairement le centre hospitalier régional universitaire de Lille et le centre hospitalier de Wattrelos à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing la somme de 1 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et mis à leur charge solidaire les frais et honoraires d'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 000 euros. Il a enfin rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête, un mémoire ampliatif et un mémoire, enregistrés les 25 janvier 2016, 16 février 2016 et 15 avril 2016, le centre hospitalier régional universitaire de Lille et le centre hospitalier de Wattrelos, représentés par Me A... D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. B... et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing et de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- l'ordonnance du 22 octobre 2019 par laquelle le président de la cour a taxé et liquidé les frais de l'expertise.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêt avant dire droit du 16 octobre 2018, la cour, statuant sur l'appel formé par le centre hospitalier régional universitaire de Lille et le centre hospitalier de Wattrelos tendant à l'annulation du jugement du 25 novembre 2015 du tribunal administratif de Lille, après avoir écarté la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête d'appel et le moyen tiré de l'irrégularité du jugement, a ordonné une expertise complémentaire aux fins de déterminer si le déficit fonctionnel permanent de M. B... évalué à 65 % dans le rapport rendu le 30 janvier 2013 par l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Lille trouve son origine dans l'infection contractée lors de son hospitalisation au centre hospitalier régional universitaire de Lille. A la suite du dépôt du rapport d'expertise, le centre hospitalier régional universitaire de Lille et le centre hospitalier de Wattrelos réitèrent leurs conclusions et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, par la voie de l'appel incident, demande sa mise hors de cause.

Sur la recevabilité des conclusions reconventionnelles présentées à l'encontre du centre hospitalier de Wattrelos :

2. M. B... et Mme G... présentent dans le dernier état de leurs écritures, des conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier de Wattrelos à verser à M. B... une somme de 42 578,78 euros en indemnisation des préjudices subis. Toutefois, ces conclusions sont nouvelles en appel et elles sont, par suite, irrecevables.

Sur la recevabilité des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing tendant à l'augmentation de ses débours :

3. La caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing demande à ce que la somme de 167 406,10 euros demandée en première instance en remboursement des débours exposés pour M. B... soit portée à la somme de 198 254,32 euros. Toutefois, les débours dont il est demandé l'indemnisation, qui correspondent à l'hospitalisation de l'intéressé du 19 avril au 28 avril 2010 et du 28 avril au 14 mai 2010, étaient connus de la caisse en première instance et doivent ainsi être regardés comme une demande nouvelle en appel. Par suite, les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie sont irrecevables dans cette mesure.

Sur la responsabilité des centres hospitaliers de Lille et de Wattrelos :

4. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère (...) ". Doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Lille, que la complication infectieuse post-opératoire dont a été victime M. B..., soit une septicémie à staphylocoque aureus méticilline sensible, est consécutive à la mise en place d'une voie veineuse centrale, soit la pose d'un cathéter jugulaire interne, le 7 avril 2010 au service des urgences du centre hospitalier régional universitaire de Lille, pour administrer les traitements antalgiques en raison d'un faible capital veineux de l'intéressé. Si le centre hospitalier régional universitaire de Lille conteste, par la production d'un rapport critique établi le 20 janvier 2014, que la pose de ce cathéter soit le point d'entrée de cette infection, il ressort cependant des recommandations de la Haute autorité de santé de novembre 2005 relatives à la pratique clinique de la prévention des infections liées aux cathéters veineux périphériques et du guide de bonnes pratiques établi par le centre de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales de l'interrégion Paris-Nord, produites par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, que la pose d'un cathéter veineux central est un acte médical qui doit être réalisé dans des conditions d'asepsie chirurgicale, c'est-à-dire que seules les personnes impliquées dans ce geste doivent être présentes dans la pièce, en tenant compte des contraintes liées à l'état du patient quant au lieu géographique de réalisation de l'acte. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la pose du cathéter jugulaire a été réalisée au service des urgences et non dans un local adapté, hors urgence vitale, sans précision quant à la personne qui l'a mis en place, à la nature et aux conditions de cette pose et ainsi sans respecter les règles de traçabilité et d'asepsie requises. Il ressort d'ailleurs du rapport d'expertise que les comptes-rendus médicaux du centre hospitalier régional universitaire de Lille et du centre hospitalier de Wattrelos mentionnent que la septicémie dont a été atteint M. B... a pour origine la pose de ce cathéter, dont le pansement présentait, dès le 11 avril 2010, des signes inflammatoires, ce qui a nécessité un changement de la voie veineuse pratiqué cette fois-ci en bloc opératoire. Enfin, si le centre hospitalier régional universitaire de Lille fait valoir, en se prévalant du même rapport critique que l'émergence de cette infection aurait pour seule origine l'état de santé du patient ancien toxicomane traité pour une hépatite C, il ne ressort pas du rapport d'expertise que le traitement par interféron alpha serait un facteur favorisant une telle infection. Il résulte de l'ensemble de ces éléments, que l'infection dont a été victime M. B..., identifiée le 11 avril 2010, est en rapport direct avec la prise en charge médicale dont il a fait l'objet au centre hospitalier régional universitaire de Lille. Cette infection n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci et n'a pas une autre origine que cette prise en charge. Par suite, elle présente le caractère d'une infection nosocomiale au sens des dispositions citées au point précédent.

6. En second lieu, d'une part, il résulte également de l'instruction, en particulier du même rapport d'expertise, qu'au vu des premiers signes de cette infection le 11 avril 2010 avec une hyperthermie à 39° et un diagnostic de septicémie posé après une hémoculture, seule une antibiothérapie et une ablation du cathéter initial avec une repose en bloc opératoire ont été mises en oeuvre alors que la cicatrice post-laminectomie était devenue purulente, qu'une hyperthermie à plus de 39° persistait malgré l'antibiothérapie et qu'un syndrome inflammatoire biologique majeur était constaté ce qui aurait dû conduire le centre hospitalier régional universitaire de Lille à évoquer le diagnostic d'une spondylodiscite, et à réaliser une biopsie osseuse avant le 20 avril 2010 date de la reprise en charge de la cicatrice post-laminectomie. Par ailleurs, cette infection justifiait un traitement antibiotique de quatre-vingt-dix jours minimum alors qu'une prescription de vingt-deux jours a été mise en place par le centre hospitalier régional universitaire de Lille. L'expert souligne ainsi que la prise en charge de cette complication infectieuse a été " insuffisante, superficielle et non diligente ". Ces constatations ne sont pas sérieusement contredites par les conclusions du rapport critique établi le 12 mai 2014. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le retard dans le diagnostic de cette spondylodiscite et la mise en oeuvre d'une antibiothérapie d'une durée insuffisante constituent des fautes de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier régional universitaire de Lille.

7. D'autre part, il résulte également de l'instruction, en particulier du même rapport d'expertise, que le centre hospitalier de Wattrelos dans lequel M. B... a été transféré le 28 avril 2010 pour les suites post-opératoires, s'est borné à suivre les préconisations thérapeutiques du centre hospitalier régional universitaire de Lille et a arrêté l'antibiothérapie le 5 mai 2010 après vingt-deux jours de traitement malgré la persistance et la recrudescence des douleurs lombaires de M. B.... Cet arrêt prématuré a été à l'origine de la recrudescence de l'infection et de l'aggravation de la spondylodiscite dont était atteint M. B.... Par suite, la responsabilité du centre hospitalier de Wattrelos est engagée en raison de cette faute.

Sur le lien de causalité :

8. En l'absence de certitudes médicales permettant d'affirmer ou d'exclure qu'un dommage corporel survenu au cours ou dans les suites d'un acte de soins est imputable à cet acte, il appartient au juge, saisi d'une demande indemnitaire sur le fondement des dispositions citées ci-dessus, de se fonder sur l'ensemble des éléments pertinents résultant de l'instruction pour déterminer si, dans les circonstances de l'affaire, cette imputabilité peut être retenue.

9. Il résulte de l'instruction que M. B... n'a jamais repris la marche depuis l'intervention chirurgicale et présente une parésie des membres inférieurs. Il ressort du rapport d'expertise ordonnée par la cour, que l'infection nosocomiale n'a pas entraîné de séquelle neurologique, aucune imagerie médicale ne montrant une compression de la moelle ou des racines lombosacrées. Selon le collège d'experts, la paraplégie dont est atteint M. B... relève d'un trouble somatoforme, d'ordre psychologique, dont l'origine ne peut être déterminée, sans toutefois que les experts excluent formellement tout lien avec l'infection nosocomiale. Il résulte également de l'instruction que le déficit moteur des membres inférieurs et des troubles sensitifs ont été relevés en juillet 2010, soit quelques semaines après le déclenchement de l'infection. Par suite, compte tenu du bref délai entre les soins et l'apparition des troubles, ainsi que de l'absence d'antécédents, un tel faisceau d'indices est de nature à établir l'imputabilité des séquelles dommageables dont M. B... est victime à l'infection nosocomiale survenue le 11 avril 2010 et aux fautes commises de la prise en charge post-opératoire de la complication infectieuse ainsi que la durée insuffisante de l'antibiothérapie.

Sur la mise en oeuvre de la solidarité nationale :

10. D'autre part, aux termes de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique : " (...) / Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ; (...) ".

11. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise ordonnée par la cour que le déficit fonctionnel permanent en lien avec l'infection est de 18 %, soit un taux inférieur à celui fixé par les dispositions précitées de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique. Par suite, les conditions de mise en oeuvre d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale du dommage subi par M. B... du fait de cette infection nosocomiale ne sont pas remplies, et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est fondé à demander sa mise hors de cause.

Sur l'évaluation des préjudices de M. B... :

12. Selon le dernier rapport d'expertise, M. B... a présenté une incapacité temporaire totale de travail en lien avec les séquelles dont il a été atteint du 9 avril 2010 au 1er février 2011, soit une durée de deux-cent-quatre-vingt-douze jours correspondant à ses séjours en hôpital ou en centre de rééducation fonctionnelle en lien avec les fautes du centre hospitalier régional universitaire de Lille puis un déficit fonctionnel temporaire partiel de 25 % du 2 février 2011 jusqu'au 13 novembre 2012, date de consolidation de son état de santé, soit une période de six-cent-quarante-six jours. Il présente postérieurement à cette date un déficit fonctionnel permanent de 18 % en lien avec l'infection et les fautes commises dans la prise en charge de cette complication infectieuse.

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

S'agissant des frais liés au handicap :

13. M. B... demande, tout d'abord, le versement d'une somme de 4 500 euros au titre des frais occasionnés par l'achat d'un nouveau véhicule en raison de l'impossibilité d'utiliser les transports en commun, cependant, il ne produit aucun élément permettant de justifier la somme demandée. Par suite, il ne peut prétendre à aucune indemnisation au titre de ce chef de préjudice.

14. M. B... demande également le versement d'une somme de 3 000 euros en remboursement des frais engagés pour l'aménagement de son logement afin d'y accueillir un lit médicalisé, un appareil de traitement médical et un fauteuil roulant, cependant, il ne justifie pas avoir exposé cette somme. Il ne peut ainsi pas davantage prétendre à une indemnisation à ce titre.

S'agissant des dépenses d'assistance par une tierce personne :

15. Il résulte de l'instruction, notamment du dernier rapport d'expertise que M. B... a eu recours à l'assistance d'une tierce personne non spécialisée à raison de 2h30 par jour pendant la période du 2 novembre 2011, date de son retour à domicile, au 13 novembre 2012, date de sa consolidation puis depuis cette date. Le déficit fonctionnel permanent en lien avec l'infection nosocomiale ayant été fixé à 18 %, il sera fait une juste appréciation du besoin de l'assistance d'une tierce personne en lien avec ladite infection en l'évaluant à trente minutes par jour. Toutefois, malgré la mesure d'instruction ordonnée par la cour, M. B... n'a produit aucun élément permettant d'établir qu'il ne perçoit pas la prestation de compensation du handicap prévue par l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles, laquelle a notamment pour objet de couvrir les frais d'assistance à tierce personne. Il n'a pas davantage apporté les justificatifs demandés quant à la rémunération en qualité de salariée de sa compagne qui assure l'assistance dont il a besoin. Par suite, M. B... n'ayant pas mis la cour en mesure d'apprécier l'existence du préjudice dont il se prévaut, les conclusions à fin d'indemnisation des frais d'assistance à tierce personne ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :

S'agissant des préjudices temporaires :

Quant au déficit fonctionnel temporaire :

16. Comme cela a été dit au point 12, M. B... a présenté une incapacité temporaire totale de travail en lien avec les séquelles dont il a été atteint du 9 avril 2010 au 1er février 2011, soit une durée de deux-cent-quatre-vingt-douze jours puis un déficit fonctionnel temporaire partiel de 25 % du 2 février 2011 jusqu'au 13 novembre 2012, date de consolidation de son état de santé, soit une période de six-cent-quarante-six jours. En se fondant sur un taux journalier de 15 euros, il y a ainsi lieu de ramener la somme de 12 400 euros allouée par les premiers juges au titre de ce chef de préjudice à la somme totale de 6 802,50 euros.

Quant aux souffrances endurées :

17. Les douleurs éprouvées par M. B... ont été estimées par le dernier rapport d'expertise à 3,5 sur une échelle de 7. Il y a ainsi lieu de ramener la somme de 6 000 euros allouée par les premiers juges au titre de ce poste de préjudice à M. B... à 5 000 euros.

S'agissant des préjudices permanents :

Quant au déficit fonctionnel permanent :

18. Il ressort du second rapport d'expertise que M. B... présente un déficit fonctionnel permanent en lien avec l'infection nosocomiale et les fautes commises dans la prise en charge de cette infection évalué à 18 %. M. B... étant âgé de quarante-quatre ans à la date de consolidation de son état de santé, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en ramenant la somme de 155 000 euros allouée par les premiers juges à 25 000 euros.

Quant au préjudice esthétique permanent :

19. Ce préjudice a été estimé par le dernier rapport d'expertise à 3 sur une échelle de 7. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en ramenant la somme de 10 000 euros allouée par les premiers juges à 3 500 euros.

Quant au préjudice sexuel :

20. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en ramenant la somme de 9 000 euros allouée par les premiers juges à M. B... à 3 000 euros.

Sur les sommes dues par le centre hospitalier régional universitaire de Lille :

21. Compte tenu de l'ampleur des fautes commises par le centre hospitalier régional universitaire de Lille résultant du manquement aux règles d'asepsie lors de la pose du cathéter, du retard de diagnostic de la spondylodiscite, ainsi que la durée insuffisante de l'antibiothérapie qu'il a mise en place, la réparation des conséquences dommageables résultant de cette infection nosocomiale incombe ainsi à cet établissement à hauteur de 90 %. Il résulte des points 13 à 20, que le montant de l'indemnité due par le centre hospitalier régional universitaire de Lille à M. B... allouée par les premiers juges de 405 591,75 euros est ramené à 43 302,5 euros. Par suite, le centre hospitalier régional universitaire de Lille doit être condamné à verser à M. B... la somme de 38 972,25 euros. Compte tenu de la mise hors de cause de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme de 117 184,97 euros mise à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Lille au titre des débours exposés par la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing est portée à 150 665,49 euros.

Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :

22. Si la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing réitère en appel sa demande de versement de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, le tribunal administratif de Lille lui a alloué, par le jugement attaqué, la somme de 1 037 euros correspondant au plafond fixé par l'arrêté du 19 décembre 2014 alors en vigueur. Ses conclusions aux fins de réévaluation des débours ayant été rejetées comme irrecevables, les conclusions de la caisse présentées sur le fondement de l'article L. 376-1 ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais et honoraires d'expertise :

23. Les frais et honoraires de l'expertise au collèges d'experts taxés et liquidés à la somme totale de 4 200 euros par ordonnance du président de la cour du 22 octobre 2019, sont mis à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Lille.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge solidaire du centre hospitalier régional universitaire de Lille et du centre hospitalier de Wattrelos, qui n'ont pas la qualité de partie perdante, au titre des frais exposés par M. B... et des frais exposés par la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Lille et du centre hospitalier de Wattrelos la somme demandée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales sur le fondement de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est mis hors de cause.

Article 2 : La somme de 405 591,75 euros que le centre hospitalier régional universitaire de Lille a été condamné à verser à M. B... à l'article 1er du jugement du 25 novembre 2015 est ramenée à 38 972,25 euros.

Article 3 : La somme de 117 184,97 euros que le centre hospitalier régional universitaire de Lille a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing est portée à 150 665,49 euros.

Article 4 : Les frais et honoraires d'expertise taxés et liquidés à la somme totale de 4 200 euros, y compris la provision, par ordonnance du président de la cour du 22 octobre 2019, sont mis à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Lille.

Article 5 : Le jugement n° 1306604 du 25 novembre 2015 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier régional universitaire de Lille, au centre hospitalier de Wattrelos, à M. H... B..., à Mme E... G..., à la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

2

N°16DA00169


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award