Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune d'Hédauville a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler le permis de construire tacitement délivré le 23 janvier 2016 à la SCI ACG Immo résultant du silence gardé par le préfet de la Somme sur la demande que cette société a déposée le 23 septembre 2015 et tendant à la restauration des façades d'un immeuble à usage d'habitation et à l'aménagement de locaux habitables dans d'anciennes granges situées sur la parcelle cadastrée section B n° 157 de la commune d'Hédauville.
Par un jugement n° 1600888 du 27 décembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a annulé le permis de construire tacitement délivré le 23 janvier 2016 à la SCI ACG Immo.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 février 2019, et un mémoire, enregistré le 20 février 2020, la SCI ACG Immo, représentée par Me B... A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de la commune d'Hédauville ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Hédauville la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020-405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI ACG Immo a déposé le 23 septembre 2015 une demande de permis de construire portant sur la restauration des façades d'un immeuble à usage d'habitation situé sur la parcelle cadastrée section B n° 157 de la commune d'Hédauville, ainsi que sur l'aménagement de locaux habitables dans d'anciennes granges situées sur la même parcelle. Elle relève appel du jugement du 27 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé le permis de construire qui lui a été tacitement accordé le 23 janvier 2016.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Dans les communes où les permis de construire sont délivrés au nom de l'Etat en application de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme, la décision est, en vertu de l'article R. 422-1 du même code, prise par le maire au nom de l'Etat, sauf dans les cas visés à l'article R. 422-2 qui donne notamment compétence au préfet pour délivrer le permis de construire en cas de désaccord entre le maire et le responsable du service de l'Etat dans le département chargé de l'instruction mentionné à l'article R. 423-16. Aux termes de l'article R. 423-72 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision est de la compétence de l'Etat, le maire adresse au chef du service de l'Etat dans le département chargé de l'instruction son avis sur chaque demande de permis (...). Cet avis est réputé favorable s'il n'est pas intervenu dans le délai d'un mois à compter du dépôt à la mairie de la demande de permis (...) ". Selon l'article R. 423-74 du même code : " Le chef du service de l'Etat dans le département chargé de l'instruction adresse un projet de décision au maire, ou, dans les cas prévus à l'article R. 422-2, au préfet. / Dans les cas prévus à l'article R. 4222, il en adresse copie au maire (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le maire d'Hédauville a mentionné, sur le formulaire de demande de permis de construire de la société pétitionnaire, enregistrée le 23 septembre 2015, que " s'agissant d'une régularisation, ..., les blocs 1 et 2 ont été créés dans des bâtiments agricoles et doivent faire l'objet d'une surface taxable... Celle-ci n'est pas déclarée dans le présent PC ". Il doit ainsi être regardé comme ayant émis un avis défavorable exprès à la demande d'autorisation. Dès lors, le préfet, en présence de ce désaccord, était seul compétent pour délivrer le permis de construire au nom de l'Etat et le permis de construire tacite délivré à la société pétitionnaire doit être regardé comme résultant d'une décision du préfet de la Somme. Il est justifié de l'intérêt pour agir d'une commune à l'encontre d'un permis de construire délivré au nom de l'Etat du seul fait que le projet en cause est localisé sur son territoire. Dès lors, le moyen tiré de ce que la commune d'Hédauville n'avait pas d'intérêt à agir devant les premiers juges à l'encontre de l'autorisation d'urbanisme en litige doit être écarté.
4. Aux termes de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme : " Sont soumis à permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires : (...) c) Les travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s'accompagnent d'un changement de destination entre les différentes destinations et sous-destinations définies aux articles R. 151-27 et R. 151-28 (...) ". Aux termes de l'article R. 151-27 du même code : " Les destinations de constructions sont : / 1° Exploitation agricole et forestière ; / 2° Habitation (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la notice PC4 et des plans et photos annexés à la demande de permis de construire, enregistrée le 23 septembre 2015, en application de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme, que le projet a consisté à restaurer les façades d'un immeuble d'habitation existant (bloc d'immeuble n° 3) et à aménager des habitations, en en modifiant les façades, dans les blocs d'immeuble n° 1 et n° 2, qualifiés d'anciennes granges agricoles et servant " de granges en rez-de-chaussée et de greniers pour le stockage des récoltes ". Il ressort du contrat de vente du 24 septembre 2009, par lequel la société appelante a acquis la propriété de ces biens, que les immeubles n° 1 et n° 2 sont désignés comme des très grandes dépendances d'un immeuble d'habitation dont la superficie habitable était alors de 110 m², aux termes des pièces et plans annexés à ce même contrat de vente, alors que la surface destinée à l'habitation autorisée par le permis de construire en litige est de 662,79 m². Il résulte des énonciations du jugement devenu définitif du tribunal correctionnel d'Amiens du 14 mai 2014, condamnant à une peine d'amende la société requérante et son gérant du chef d'exécution de travaux non autorisés par un permis de construire à raison de la modification de ces bâtiments en locaux d'habitation, que ces derniers étaient antérieurement des bâtiments agricoles. Ces constatations de fait opérées par le juge répressif ont l'autorité de la chose jugée et s'imposent à la juridiction administrative. Dès lors, les travaux en litige ne peuvent être regardés que comme entraînant un changement de destination des blocs n° 1 et n° 2. Dès lors qu'ils ont eu pour effet de modifier les façades des bâtiments, ces travaux devaient être soumis à permis de construire, en application des dispositions combinées des articles R. 421-14 et R. 151-27 du code de l'urbanisme et ne pouvaient donc pas faire l'objet d'une déclaration préalable. Le moyen tiré de ce que le permis en litige était superfétatoire et ne faisait pas grief à la commune dont l'action devant les premiers juges aurait été par suite irrecevable doit être écarté.
Sur les conclusions tendant à l'annulation du permis de construire :
6. Aux termes de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire précise : (...) d) la nature des travaux ; / e) La destination des constructions, par référence aux différentes destinations et sous-destinations définies aux articles R. 151-27 et R. 151-28 ; / f) La surface de plancher des constructions projetées, s'il y a lieu répartie selon les différentes destinations et sous-destinations définies aux articles R. 151-27 et R. 151-28 ; (...) / h) Les éléments, fixés par arrêté, nécessaires au calcul des impositions (...) ". L'article R. 331-3 du même code prévoit que : " Sont assujetties à la taxe d'aménagement les opérations de construction soumises à déclaration préalable ou à permis de construire qui ont pour effet de changer la destination des locaux mentionnés au 3° de l'article L. 331-7 ", les locaux ainsi mentionnés étant, dans les exploitations agricoles, les surfaces de plancher des locaux destinés à abriter les récoltes ou à ranger et à entretenir le matériel agricole. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les bâtiments des blocs n° 1 et n° 2 étaient antérieurement affectés à un usage agricole et représentent une surface nouvellement destinée à l'habitation d'environ 455,69 m², ainsi qu'il ressort d'un précédent projet de la société dont la demande, rejetée, avait été déposée le 29 avril 2015. Le formulaire destiné au calcul des impositions mentionne une surface taxable existante conservée de 662,79 m² et une superficie créée pour les locaux à usage d'habitation égale à zéro. Ces inexactitudes et contradictions dans les pièces du dossier de demande d'autorisation ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la règlementation applicable, notamment en ce qui concerne la desserte suffisante des réseaux collectifs aux habitations nouvellement créées, alors même que les changements de destination des constructions existantes sont autorisés en dehors des parties urbanisées de la commune en application de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme en vigueur dans cette commune, et a permis à la société pétitionnaire d'échapper aux conséquences de l'application de la règle relative à la taxe d'aménagement. Par suite, le permis de construire tacitement accordé est entaché d'illégalité.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI ACG Immo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 27 décembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a annulé le permis de construire qui lui a été tacitement accordé le 23 janvier 2016.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune d'Hédauville, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse à la SCI ACG Immo une somme que celle-ci réclame au titre des frais liés au litige. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI ACG Immo une somme de 2 000 euros au titre des frais du procès exposés par la commune d'Hédauville.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI ACG Immo est rejetée.
Article 2 : La SCI ACG Immo versera à la commune d'Hédauville une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI ACG Immo, à la commune d'Hédauville et à la ministre de la transition écologique et solidaire.
Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Somme.
N°19DA00365 2