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25/06/2020 | FRANCE | N°18DA02630

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 25 juin 2020, 18DA02630


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 23 janvier 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré la décision de l'inspecteur du travail refusant d'autoriser son licenciement et a accordé ladite autorisation.

Par un jugement n° 1502547 du 25 octobre 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requêt

e, enregistrée le 26 décembre 2018, M. A..., représenté par Me E... D..., demande à la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 23 janvier 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré la décision de l'inspecteur du travail refusant d'autoriser son licenciement et a accordé ladite autorisation.

Par un jugement n° 1502547 du 25 octobre 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 décembre 2018, M. A..., représenté par Me E... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 23 janvier 2015 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social autorisant son licenciement par l'Union de gestion des établissements des caisses d'assurance maladie Nord-Pas-de-Calais ;

3°) de mettre à la charge de l'Union de gestion des établissements des caisses d'assurance maladie Nord-Pas-de-Calais et de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- l'arrêté du 22 août 2006 relatif à l'organisation de la direction générale du travail ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... était salarié de l'Union de gestion des établissements des caisses d'assurance maladie Nord-Picardie, désormais des Hauts-de-France. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable du service restauration de la clinique de la Ryonval, à Sainte-Catherine dans le Pas-de-Calais, gérée par cet organisme. Il était classé comme cadre niveau VI au coefficient 384. Il était par ailleurs titulaire du mandat de membre suppléant du comité d'entreprise jusqu'aux élections professionnelles d'octobre 2014. Il a été en congé de maladie à compter du 31 janvier 2011 et a été reconnu en invalidité de deuxième catégorie à compter du 1er mars 2013. Le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste à la suite des deux visites de reprise des 2 et 18 avril 2013. L'Union de gestion des établissements des caisses d'assurance maladie Nord-Picardie a sollicité son licenciement. L'inspecteur du travail a d'abord refusé d'accorder cette autorisation par décision explicite du 24 juillet 2014, confirmant sa décision implicite antérieure. Sur recours hiérarchique de l'Union de gestion, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé cette décision de l'inspecteur du travail et a autorisé le licenciement par une décision du 23 janvier 2015. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lille du 25 octobre 2018 qui a rejeté sa demande d'annulation pour excès de pouvoir de la décision ministérielle du 23 janvier 2015.

Sur la légalité externe de la décision du 23 janvier 2015 :

2. Par une décision du 24 mars 2014 publiée au Journal officiel de la République française, le directeur général du travail a donné délégation à M. B... C..., attaché principal d'administration de l'Etat, adjoint au chef du bureau des recours, du soutien et de l'expertise juridiques, signataire de la décision contestée tous actes dans la limite des attributions du bureau des recours, du soutien et de l'expertise juridiques et au nom du ministre chargé du travail, tous actes, décisions ou conventions, à l'exclusion des décrets. Il ressort de l'arrêté du 22 août 2006 relatif à l'organisation de la direction générale du travail que le département du soutien et de l'appui au contrôle est composé du bureau des réseaux et des outils méthodologiques et du bureau des recours, du soutien et de l'expertise juridiques et est notamment chargé de l'instruction des recours hiérarchiques et contentieux relatifs aux licenciements des salariés protégés. Il résulte par ailleurs des dispositions du décret du 27 juillet 2005 susvisé que les directeurs d'administration centrale ont délégation pour signer les actes relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité, sans que le changement de ministre mette fin à cette délégation. Ils peuvent donner délégation notamment aux fonctionnaires de catégorie A, cette délégation ne prenant fin, sauf si elle est abrogée qu'en même temps que les fonctions du délégant. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée ne peut qu'être écarté.

3. La décision ministérielle du 23 janvier 2015 vise les articles du code du travail dont elle fait application. Elle comprend également les considérations de fait qui en constituent le fondement. Si M. A... donne la liste des mandats qu'il a exercés et indique sans en justifier qu'il a contribué à créer, en 1997-1998, un comité de défense des établissements de la caisse régionale d'assurance maladie, ces seuls éléments dont il n'établit, ni même n'allègue qu'ils aient été évoqués lors de la procédure préalable à son licenciement, ne suffisent pas à laisser présumer un lien entre ce licenciement et l'exercice de son mandat. Ainsi en se bornant à constater l'absence de lien entre la demande de licenciement et le mandat, le ministre n'a pas insuffisamment motivé sa décision sur ce point. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation est écarté.

Sur la légalité interne de la décision du 23 janvier 2015 :

4. Aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail dans sa version applicable : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. " Dans le cas où la demande de licenciement d'un salarié protégé est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'administration de rechercher si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé sans rechercher la cause de cette inaptitude. Elle doit ainsi s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a, conformément aux dispositions précitées, cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en œuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le médecin du travail avait déclaré M. A... inapte à son poste, lors des visites de reprise des 2 et 18 avril 2013, mais apte à un autre poste avec les restrictions suivantes : " manutentions supérieures à 5 kg, restrictions posturales au travail debout statique, aux gestes répétitifs de l'épaule, du coude et du poignet ". Il avait également indiqué un reclassement possible sur un poste administratif à temps partiel, avec alternance position assise et déplacement interne, sans conduite automobile. Par courrier du 29 janvier 2014, l'Union Nord-Picardie a proposé à M. A... son reclassement sur un poste à créer d'archiviste à temps partiel, avec maintien de la rémunération et du statut de cadre, au sein même de l'établissement où il exerçait. Ce courrier lui indiquait, de manière relativement détaillée les tâches à effectuer, mais précisait que seul le médecin du travail pouvait vérifier la conformité du poste aux restrictions qu'il avait émises. Toutefois, par courrier du 18 février 2014, M. A... a refusé ce poste au motif qu'il impliquait des gestes répétitifs. Néanmoins, son employeur a interrogé le médecin du travail. Celui-ci a indiqué qu'il ne pouvait apprécier la conformité du poste à ses préconisations, le poste n'existant pas, mais que le reclassement de M. A... était néanmoins possible sur ce poste à créer sous réserve du respect des préconisations émises et de ne pas effectuer de gestes répétitifs. Cependant, l'Union ne pouvait poursuivre ses démarches de reclassement sur cette création de poste, compte tenu du refus du salarié. En conséquences, l'Union de gestion Nord-Picardie a adressé le curriculum vitae de M. A..., le 27 mars 2014, aux directeurs des autres unions de gestion ainsi qu'aux directeurs des caisses primaires d'assurance maladie, à l'Union des caisses nationales de sécurité sociale, à la Caisse nationale d'assurance maladie, à la Caisse nationale d'assurance vieillesse, à la Caisse d'assurance retraite et de santé au travail ainsi qu'aux caisses départementales d'allocations familiales du Nord et du Pas-de-Calais. Ce courrier demandait une réponse pour le 4 avril 2014. Ce délai paraît suffisant, dès lors que si des réponses sont arrivées après cette date, voire après la convocation à l'entretien préalable à la demande d'autorisation de licenciement, l'Union de gestion Nord-Picardie a tenu compte de l'ensemble des réponses, aucune ne proposant un poste. Enfin, l'employeur affirme sans être démenti qu'il n'existait aucun poste administratif vacant et a fortiori de cadre dans l'établissement où l'appelant exerçait ses fonctions. Par suite, il résulte de ce qui précède que le ministre chargé du travail n'a pas fait une inexacte application des faits de l'espèce en considérant que l'Union de gestion Nord-Picardie avait accompli avec sérieux et loyauté ses obligations de reclassement de M. A....

6. Il appartient en toutes circonstances à l'autorité administrative de faire obstacle à un licenciement en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par un salarié ou avec son appartenance syndicale. Par suite, même lorsque le salarié est atteint d'une inaptitude susceptible de justifier son licenciement, la circonstance que le licenciement envisagé est également en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale fait obstacle à ce que l'administration accorde l'autorisation sollicitée. Le fait que l'inaptitude du salarié résulte d'une dégradation de son état de santé, elle-même en lien direct avec des obstacles mis par l'employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives est à cet égard de nature à révéler l'existence d'un tel rapport.

7. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que la dégradation de l'état de santé de M. A... soit en lien avec ses conditions de travail, ni a fortiori avec l'exercice de ses mandats syndicaux. Par ailleurs, le délai, certes conséquent entre la demande de l'intéressé, le 6 mars 2013, d'organiser une visite médicale de reprise, et les démarches de reclassement matérialisées tant par la proposition d'un poste, le 29 janvier 2014, que par l'interrogation de nombreux organismes de sécurité sociale, le 27 mars 2014, ne suffit pas à démontrer que le licenciement soit en lien avec l'exercice de son mandat, comme le prétend l'appelant. Par suite, le ministre chargé du travail n'a pas fait une inexacte appréciation des faits de l'espèce en considérant que la demande d'autorisation de licenciement n'était pas en lien avec le mandat.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation pour excès de pouvoir de la décision ministérielle du 23 janvier 2015 retirant la décision de l'inspecteur du travail et autorisant son licenciement. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions de l'Union de gestion des établissements des caisses d'assurance maladie Hauts de France présentées sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Union de gestion des établissements des caisses d'assurance maladie Hauts de France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A..., à l'Union de gestion des caisses d'assurance maladie Hauts de France et à la ministre du travail.

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N°18DA02630

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA02630
Date de la décision : 25/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-035 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés. - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. - Motifs autres que la faute ou la situation économique.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : ASSOCIATION D'AVOCATS CALIFANO BAREGE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-06-25;18da02630 ?
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