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25/06/2020 | FRANCE | N°18DA02481

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 25 juin 2020, 18DA02481


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 6 octobre 2015 rectifié par arrêté du 12 octobre 2015 par lequel le maire de la commune de Houdain l'a suspendu de ses fonctions pour une durée de quatre mois à compter du 7 octobre 2015 et de mettre à la charge de la commune de Houdain la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1509981 du 10 octobre 2018

le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande et mis à sa charge le ve...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 6 octobre 2015 rectifié par arrêté du 12 octobre 2015 par lequel le maire de la commune de Houdain l'a suspendu de ses fonctions pour une durée de quatre mois à compter du 7 octobre 2015 et de mettre à la charge de la commune de Houdain la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1509981 du 10 octobre 2018 le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande et mis à sa charge le versement, à la commune de Houdain, d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 décembre 2018, M. E... C..., représenté par Me H... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté n° 2015-685 du 6 octobre 2015 et l'arrêté n° 2015-708 du 12 octobre 2015, par lesquels le maire de la commune de Houdain l'a suspendu de ses fonctions pour une durée de quatre mois à compter du 7 octobre 2015 ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de Houdain " de le rétablir dans ses droits ", sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Houdain la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur ;

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public ;

- et les observations de Me G... D..., représentant M. C..., et de Me A... F..., représentant la commune de Houdain

Considérant ce qui suit :

1.M. C..., adjoint territorial d'animation, affecté au service jeunesse de la commune de Houdain a fait l'objet d'une suspension de ses fonctions pour une durée de quatre mois par un arrêté du maire de cette collectivité du 6 octobre 2015, rectifié par un arrêté du 12 octobre suivant. M. C... relève appel du jugement du 10 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation de ces arrêtés.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 30 de loi visée ci-dessus du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. (...) ".

3. La suspension prise sur le fondement de ces dispositions constitue une mesure à caractère conservatoire, prise dans le souci de préserver l'intérêt du service. Elle peut être prononcée lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité. Eu égard à la nature de l'acte de suspension prévu par les dispositions citées au point 2 et à la nécessité d'apprécier, à la date à laquelle cet acte a été pris, la condition de légalité tenant au caractère vraisemblable de certains faits, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de statuer au vu des informations dont disposait effectivement l'autorité administrative au jour de sa décision. Les éléments nouveaux qui seraient, le cas échéant, portés à la connaissance de l'administration postérieurement à sa décision, ne peuvent ainsi, alors même qu'ils seraient relatifs à la situation de fait prévalant à la date de l'acte en litige, être utilement invoqués au soutien d'un recours en excès de pouvoir contre cet acte.

4. La circonstance, postérieure aux arrêtés en litige, que le conseil de discipline et l'autorité disciplinaire ont finalement renoncé à toute sanction à l'encontre de M. C..., ne peut être utilement invoquée, dès lors qu'il y a lieu de se placer au jour des arrêtés en litige, soit les 6 octobre et 12 octobre 2015, pour déterminer si, en fonction des éléments dont le maire disposait alors, il a procédé à une juste appréciation des faits en ordonnant la suspension de M. C... pour quatre mois. Les arrêtés contestés font reproche à M. C... d'avoir commis une faute grave dans l'exercice de ses fonctions, en ayant fait preuve d'insubordination et d'un comportement violent et intimidant à l'égard de son supérieur hiérarchique, et d'avoir manqué au devoir d'obéissance et à l'obligation de réserve. Le 1er octobre 2015, M. C... a refusé d'assumer la direction de l'accueil collectif à caractère éducatif de mineurs du centre de loisirs communal pour les vacances de la Toussaint, en faisant valoir son absence de qualification professionnelle. A la suite de ce refus, sa supérieure hiérarchique a porté l'affaire dès le lendemain, le 2 octobre, devant le maire de la commune. M. C... aurait alors tapé du poing sur la table et menacé sa supérieure hiérarchique, en prenant à partie les témoins de la scène, selon la commune. D'abord, les faits ainsi reprochés ne présentaient pas un caractère de vraisemblance suffisamment établi, dès lors qu'ils ne sont étayés sur aucun élément probant, alors même qu'ils sont fermement contestés par M C... qui affirme s'être borné à claquer une chaise contre la table, avant de quitter les lieux. Ensuite, et en tout état de cause, ces faits ne présentaient pas non plus un caractère de gravité suffisant. Il ressort des pièces versées au dossier que ces faits s'inscrivent dans un contexte plus général d'accumulation d'échanges tendus entre l'exécutif municipal et certains agents, notamment M. C..., qui est par ailleurs représentant du personnel au sein du comité technique d'établissement et membre du comité CGT des " Territoriaux de Houdain ". M. C..., avait ainsi marqué au sein du comité technique, à plusieurs reprises avant l'incident précité du début du mois d'octobre 2015, sa désapprobation concernant la réorganisation de certains services municipaux, et notamment la nouvelle organisation du service jeunesse, auquel il appartient, lors des séances du comité des 10 mars, 19 juin et 17 septembre 2015, la nouvelle organisation du service jeunesse ayant été examinée lors de cette dernière séance. L'incident survenu le 1er octobre 2015 doit ainsi être replacé dans le contexte général du climat tendu de la réorganisation des services, à laquelle M. C... s'opposait dans le cadre de ses fonctions représentatives. Dans ces conditions, à la date à laquelle ont été pris les arrêtés contestés et au vu des éléments dont disposait effectivement le maire à cette date, les griefs reprochés à M. C... ne présentaient pas un caractère de vraisemblance et de gravité suffisant pour justifier une mesure de suspension de quatre mois.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement et d'examiner l'autre moyen soulevé devant la cour, tiré de l'erreur de droit, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 10 octobre 2018, le tribunal administratif de Lille, a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. M. C... a conservé pendant sa période de suspension de fonction son traitement, son indemnité de résidence et son supplément familial de traitement. Par suite, le présent arrêt n'implique nécessairement aucune mesure pour rétablir M. C... dans ses droits. En conséquence, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

8. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par la commune de Houdain doivent, dès lors, être rejetées. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Houdain une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1509981 du 10 octobre 2018 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : L'arrêté n° 2015-685 du 6 octobre 2015 et l'arrêté n° 2015-708 du 12 octobre 2015 de le maire de la commune de Houdain sont annulés.

Article 3 : La commune de Houdain versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Houdain tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et à la commune de Houdain.

N°18DA02481 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA02481
Date de la décision : 25/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Suspension.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : MAURO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-06-25;18da02481 ?
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