Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler la décision du 4 décembre 2014 par laquelle la directrice du centre hospitalier d'Hirson a refusé de lui rémunérer ses jours de congés placés sur son compte épargne-temps au titre des années 2007 à 2012, et, d'autre part, de condamner le centre hospitalier d'Hirson à lui verser une somme de 29 100 euros correspondant à ses droits à ce titre et une somme de 29 100 euros en indemnisation du préjudice subi.
Par un jugement n° 1602762 du 23 octobre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 4 décembre 2014 et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2018, M. A..., représenté par Me D... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant seulement qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ;
2°) de condamner le centre hospitalier d'Hirson à lui verser une somme de 29 100 euros correspondant à ses droits restant sur son compte épargne-temps pour les années 2007 à 2012 et une somme identique en indemnisation du préjudice subi ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Hirson une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2008-455 du 14 mai 2008 ;
- le décret n° 2010-1218 du 14 octobre 2010 ;
- le décret n° 2012-1366 du 6 décembre 2012 ;
- le décret n° 2012-1481 du 27 décembre 2012 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,
- et les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., praticien hospitalier, a été recruté en qualité de biologiste au centre hospitalier d'Hirson le 7 octobre 2003. Par une décision du 14 février 2013, dont la légalité a été définitivement confirmée par une décision du Conseil d'Etat du 18 mars 2019, n° 414219, la directrice du centre hospitalier d'Hirson a refusé le renouvellement de la prolongation d'activité dont il bénéficiait et qui prenait fin au 14 juin 2013. Ayant été admis à faire valoir ses droits à la retraite à la suite de cette décision, M. A... a saisi le centre hospitalier d'Hirson d'une demande d'indemnisation des jours épargnés sur son compte épargne-temps à la date de ce départ et accumulés entre les années 2007 et 2012. Par une décision du 4 décembre 2014, la directrice du centre hospitalier d'Hirson a rejeté sa demande. M. A... interjette appel du jugement du 23 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens, après avoir annulé cette décision, a rejeté ses conclusions tendant au paiement des jours épargnés et à l'indemnisation du préjudice subi. Par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier d'Hirson demande l'annulation du jugement en tant qu'il a annulé la décision du 4 décembre 2014.
Sur la légalité de la décision du 4 décembre 2014 :
2. Contrairement à ce que soutient M. A..., le droit régissant les modalités d'alimentation d'un compte épargne-temps est celui applicable à la date à laquelle les droits sont acquis, et non le droit en vigueur à la date de la demande d'utilisation de ces droits.
3. Aux termes de l'article R. 6152-704 du code de la santé publique, devenu, avec la même rédaction, R. 6152-804 en application du décret n° 2010-1218 du 14 octobre 2010 portant dispositions particulières relatives aux médecins, odontologistes et pharmaciens recrutés par contrat sur des emplois présentant une difficulté particulière à être pourvus : " Le compte épargne-temps peut être alimenté dans la limite de 30 jours par an par : 1° Le report des congés annuels, sans que le nombre de jours de congés pris dans l'année puisse être inférieur à 20 ; / 2° Le report de tout ou partie des jours de réduction du temps de travail dans les conditions prévues à l'article R. 6152-701 ; / 3° Le report des jours de récupération des périodes de temps de travail additionnel, des astreintes et des déplacements lorsqu'ils n'ont pas fait l'objet d'une indemnisation (...) ".
4. Il ne résulte ni de ces dispositions, ni d'aucune disposition alors applicable, que l'alimentation du compte épargne-temps d'un praticien hospitalier par les jours de congés annuels, les jours de réductions du temps de travail ou les jours de récupération non pris au cours d'une année donnée ait été conditionnée à une demande expresse du praticien hospitalier en ce sens. Le centre hospitalier d'Hirson n'invoque en outre aucune circulaire, instruction, ou même pratique administrative, de quelque niveau que ce soit, qui aurait, durant les années litigieuses, soit 2007 à 2012, contraint les praticiens hospitaliers à formuler une telle demande, le seul document produit portant sur la procédure applicable à compter de la réforme opérée par le décret du 6 décembre 2012 modifiant certaines dispositions relatives au compte épargne-temps et aux congés annuels dans la fonction publique hospitalière et le décret du 27 décembre 2012 modifiant certaines dispositions relatives au compte épargne-temps et aux congés annuels des personnels médicaux, pharmaceutiques et odontologiques des établissements publics de santé. En outre, la circonstance selon laquelle M. A... a demandé, par un courrier du 27 février 2007, l'alimentation de son compte par les jours épargnés au cours de l'année 2006 n'est pas, à elle seule, de nature à établir l'existence d'une telle formalité.
5. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier d'Hirson n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 4 décembre 2014 au motif qu'elle ne pouvait légalement fonder le refus d'indemnisation des jours de congés épargnés sur le compte épargne-temps de M. A... en invoquant l'absence de demande d'alimentation de son compte entre les années 2007 et 2012.
Sur le paiement des congés non pris :
6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 6152-703 du code de la santé publique alors en vigueur : le compte épargne-temps " (...) permet à son titulaire d'accumuler des droits à congés rémunérés. Il est ouvert à la demande des praticiens concernés qui sont informés annuellement, par le directeur de l'établissement, des droits épargnés ". Aux termes de l'article R. 6152-704, alors en vigueur, du même code : " Le compte épargne-temps peut être alimenté dans la limite de 30 jours par an par : 1° Le report des congés annuels, sans que le nombre de jours de congés pris dans l'année puisse être inférieur à 20 ; / 2° Le report de tout ou partie des jours de réduction du temps de travail dans les conditions prévues à l'article R. 6152-801 (...) ". Aux termes de l'article R. 6152-705, alors en vigueur, du même code : " Le compte épargne-temps est ouvert pour une durée de dix ans (...). Les droits à congés acquis par le praticien au titre du compte épargne-temps sont, au choix de celui-ci : - soit exercés en une seule fois et en totalité à compter de l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article ; - soit exercés progressivement ; dans ce cas, les droits acquis au titre du compte épargne-temps au cours d'une année doivent être soldés avant l'expiration d'un délai de dix ans à compter de leur année d'acquisition. En cas de cessation définitive de fonctions, l'intéressé est tenu au préalable de solder son compte épargne-temps. A défaut, il perd ses droits ".
7. Il résulte de ces dispositions qu'un praticien hospitalier qui a accumulé des jours sur son compte épargne-temps et qui n'est pas radié des cadres peut jouir des droits ainsi acquis au titre de son activité passée, non par l'indemnisation des jours qu'il a épargnés, mais par leur utilisation sous forme de congés à prendre.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2 du décret susvisé du 14 mai 2008 : " I. -Par dérogation aux dispositions de l'article R. 6152-705 du code de la santé publique, les praticiens régis par les dispositions des sections 1 à 6 du chapitre II du titre V du livre Ier de la sixième partie de ce code peuvent opter pour l'indemnisation des jours qu'ils ont accumulés sur leur compte épargne-temps avant le 31 décembre 2007, dans la limite de la moitié des jours non soldés à cette date. Ils doivent demander le bénéfice de cette indemnisation au plus tard le 30 juin 2008. Le montant de cette indemnisation est fixé forfaitairement, par jour accumulé, par arrêté des ministres chargés de la santé et du budget. II. - Par dérogation aux dispositions de l'article 4 du décret du 18 novembre 2002 susvisé, les praticiens régis par le décret du 6 mai 1995 susvisé peuvent opter pour l'indemnisation des jours qu'ils ont accumulés sur leur compte épargne-temps avant le 31 décembre 2007, dans la limite de la moitié des jours non soldés à cette date. Ils doivent demander le bénéfice de cette indemnisation au plus tard le 30 juin 2008 (...) ".
9. Il résulte de ces dispositions qu'un praticien hospitalier peut, par dérogation au principe résultant des dispositions précitées de l'article R. 6152-705 du code de la santé publique précité, bénéficier de l'indemnisation des jours accumulés sur son compte épargne-temps au titre de son activité passée, dans la limite de la moitié de ceux épargnés avant le 31 décembre 2007 seulement, et à la condition qu'il en fasse la demande avant le 30 juin 2008. Aucune disposition du décret du 14 mai 2008 ne prévoit, dans ce cadre dérogatoire, une jouissance différée de cette indemnisation. Or, il ne résulte pas de l'instruction que M. A..., pour bénéficier de l'indemnisation des jours épargnés au titre de l'année 2007, ait formulé une telle demande avant le 30 juin 2008. Sa demande d'indemnisation ne peut, par suite, être accueillie au titre de ces jours.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 6152-805 du code de la santé publique dans sa rédaction issue du décret susvisé du 14 octobre 2010 : " Le compte épargne-temps est ouvert pour une durée de dix ans. (...) Les droits à congés acquis par le praticien au titre du compte épargne-temps sont, au choix de celui-ci : / - soit exercés en une seule fois et en totalité à compter de l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article ; / - soit exercés progressivement ; dans ce cas, les droits acquis au titre du compte épargne-temps au cours d'une année sont soldés avant l'expiration d'un délai de dix ans à compter de leur année d'acquisition. / En cas de cessation définitive de fonctions, l'intéressé est tenu au préalable de solder son compte épargne-temps. A défaut, il perd ses droits ". Aux termes de l'article R. 6152-807-2 du code de la santé publique, tel qu'issu du décret du 27 décembre 2012 : " (...) le praticien opte, (...) : 1° Pour une indemnisation (...) ; 2° Pour un maintien sur le compte épargne-temps (...) / L'option du praticien intervient au plus tard le 31 mars de l'année suivante et est irrévocable (...) ". Aux termes de l'article 19 du décret susvisé du 27 décembre 2012 : " Pour les jours inscrits sur le compte épargne-temps au 31 décembre 2012 (...) le praticien opte, dans les proportions qu'il souhaite : 1° Pour une indemnisation dans les conditions de l'article R. 6152-807-3 du même code dans sa rédaction issue du présent décret (...) ". Aux termes de l'article 21 du même décret : " En l'absence d'exercice, par le titulaire du compte, de l'option mentionnée à l'article 19 du présent décret avant le premier jour du sixième mois suivant la publication du présent décret, les jours excédant le seuil mentionné à l'article R. 6152-807-1 du code de la santé publique dans sa rédaction issue du présent décret sont maintenus sur le compte épargne-temps du praticien et ne pourront être utilisés que sous forme de congés ".
11. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que les jours épargnés par M. A... au titre des années 2007 à 2012 sur son compte épargne-temps ne pouvaient donner lieu à indemnisation mais devaient être soldés sous la forme de prise de congés. D'autre part, et contrairement à ce que soutient M. A..., les dispositions transitoires figurant aux articles 19 à 21 précités du décret du 27 décembre 2012 régissent les modalités d'exercice des droits cumulés sur le compte épargne-temps préalablement à son entrée en vigueur, lesquelles ne relèvent par suite pas des dispositions nouvelles issues de ce décret. Il résulte de ces dispositions transitoires que si elles ouvrent la possibilité d'obtenir le paiement des jours ainsi cumulés, c'est sous réserve d'une demande présentée par le titulaire du compte avant le 1er juin 2013. Il ne résulte pas de l'instruction que M. A... ait présenté une demande en ce sens à son employeur avant cette date.
12. Par ailleurs, la circonstance que, seul praticien hospitalier biologiste en exercice au centre hospitalier d'Hirson, il aurait en tout état de cause été dans l'impossibilité de solder son compter épargne-temps avant son départ à la retraite, outre qu'elle n'est pas établie, est sans incidence sur l'impossibilité d'en obtenir le paiement. Il en va de même de la circonstance que le centre hospitalier aurait accepté de rémunérer les jours figurant sur le compte épargne-temps de M. A... au titre de l'année 2006. M. A... n'est, par suite, pas fondé à demander le paiement des jours figurant sur son compte épargne-temps épargnés au cours des années 2007 à 2102 à la date de son départ à la retraite.
Sur la demande indemnitaire :
13. Aux termes des dispositions de l'article R. 6152-703 du code de la santé publique, devenu l'article R. 6152-803, précité alors applicable, le compte épargne-temps " (...) permet à son titulaire d'accumuler des droits à congés rémunérés. Il est ouvert à la demande des praticiens concernés qui sont informés annuellement, par le directeur de l'établissement, des droits épargnés ". Si M. A... soutient qu'en méconnaissance de ces dispositions, le centre hospitalier d'Hirson ne l'a pas informé, annuellement, du nombre des droits à congés épargnés, cette circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur la possibilité dont il disposait d'utiliser les jours épargnés, cette possibilité ne donnant au demeurant lieu à aucune obligation d'information particulière s'imposant à l'administration au cours des années litigieuses.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes indemnitaires, et que le centre hospitalier d'Hirson n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal a annulé la décision du 4 décembre 2014.
Sur les frais liés à l'instance :
15. Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le requérant ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du centre hospitalier d'Hirson présentées au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : L'appel incident et les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le centre hospitalier d'Hirson sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au centre hospitalier d'Hirson.
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N°18DA02594