Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Generali assurances Iard a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner le centre hospitalier de Senlis à lui verser, à titre principal, la somme de 348 439,87 euros correspondant à 70 % de l'indemnité qu'elle a versée à M. C... et à la caisse primaire d'assurance maladie de Creil à la suite de l'accident causé par un véhicule terrestre à moteur dont il a été victime le 10 mai 2000, et, à titre subsidiaire, la somme de 248 885,62 euros correspondant à 50 % de cette indemnité, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la réclamation préalable et capitalisation de ceux-ci.
Par un jugement n° 1002541 du 14 juin 2012, le tribunal administratif d'Amiens a déclaré le centre hospitalier de Senlis responsable du dommage subi par M. C.... Il a limité à la somme de 119 392 euros la recevabilité de la demande de la société Generali assurances Iard, en sa qualité d'assureur subrogé dans les droits de M. C... et de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise, et a fixé le taux de la perte de chance subie par M. C... à 40 %. Il a également, avant dire droit, désigné un expert aux fins de déterminer les éléments de liquidation des préjudices.
Par un jugement n° 1002541 du 18 mai 2018, le tribunal administratif d'Amiens a condamné le centre hospitalier de Senlis à verser à la société Generali assurances Iard la somme de 466 986,28 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 2011 et capitalisation de ceux-ci, mis à la charge de ce centre hospitalier les frais et honoraires d'expertise et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2018, sous le n° 18DA01441, M. A... C..., représenté par Me E... B..., demande à la cour :
1°) de surseoir à statuer dans l'attente du jugement du tribunal de grande instance de Senlis sur la liquidation de ses dommages et intérêts ;
2°) de dire que l'arrêt à intervenir, notamment en ce qu'il procédera à l'évaluation de son préjudice, ne lui sera pas opposable dans le cadre de la procédure actuellement en cours devant le tribunal de grande instance de Senlis l'opposant à la société Generali assurances Iard ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Senlis une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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II. Par une requête et un mémoire récapitulatif, enregistrés les 20 juillet 2018 et 24 juin 2019, sous le n° 18DA01517, la société Generali assurances Iard, représentée par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler le même jugement ;
2°) à titre principal, de surseoir à statuer dans l'attente du jugement du tribunal de grande instance de Senlis qui évaluera l'entier préjudice de M. C... ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier de Senlis à l'indemniser dans la limite de 40 % du préjudice, à concurrence des sommes de 169 391,96 euros et 680 108,71 euros qu'elle a versées respectivement à M. C... et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise avec intérêts au taux légal à compter de sa mise en demeure préalable et capitalisation de ceux-ci ;
4°) à titre plus subsidiaire, de condamner le centre hospitalier de Senlis à l'indemniser à hauteur de 40 % pour les sommes de 515 051,46 euros au titre des dépenses de santé, de 957 104,09 euros au titre de la perte de gains professionnels, de 62 531,55 euros au titre de l'aménagement de son véhicule, de 75 000 euros au titre de l'aménagement de son logement, de 112 521,42 euros au titre de l'assistance par tierce personne temporaire, de 125 306,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, de 300 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, de 50 000 euros au titre du préjudice d'agrément, de 60 000 euros au titre du préjudice sexuel, de 50 769,23 euros au titre des souffrances endurées, de 28 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent, de 28 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ainsi que des sommes relatives au déficit fonctionnel temporaire partiel et de l'assistance par une tierce personne après consolidation ;
5°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Senlis une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,
- et les observations de Me F... D..., représentant la société Generali Assurances Iard.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., alors âgé de vingt-neuf ans, agent de piste à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, a été victime, le 10 mai 2000, d'un accident du travail provoqué par un engin de manutention à l'origine d'une fracture ouverte de stade 3 avec un foyer de fracture émietté à la jambe droite, une contusion musculaire et un décollement cutané. Il a été admis au centre hospitalier général intercommunal Robert Ballanger, à Villepinte, pour y subir une ostéosynthèse par fixateur externe avec greffe de peau, puis a été réopéré à plusieurs reprises au centre hospitalier de Senlis, aux droits duquel est venu, à compter du 1er janvier 2012, le groupe hospitalier public Sud de l'Oise. A la suite de complications infectieuses occasionnées par un staphylocoque aureus résistant à la méticilline, M. C... a été amputé du tiers supérieur de sa jambe droite le 2 août 2002, puis a subi une nouvelle amputation dite " transarticulaire " en partie inférieure de la cuisse, le 22 juillet 2004, suivie d'une autre le 16 janvier 2006 au tiers moyen de la cuisse, en raison de difficultés d'appareillage. En application des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, la société Generali assurances Iard, assureur de l'engin de piste, a versé à M. C..., ainsi qu'à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise, dont l'intéressé est l'assuré, plusieurs provisions en indemnisation des conséquences dommageables de cet accident. Par un jugement n° 1002541 du 14 juin 2012, le tribunal administratif d'Amiens, après avoir déclaré le centre hospitalier de Senlis responsable des préjudices subis par M. C... résultant des fautes commises lors de sa prise en charge, a limité à la somme de 119 392 euros la recevabilité de la demande de la société Generali assurances Iard, en sa qualité d'assureur subrogé dans les droits de M. C... et de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise, a fixé le taux de la perte de chance subie par M. C... à 40 % et a, avant dire droit, désigné un expert aux fins de déterminer les éléments de liquidation des préjudices. Par un arrêt du 12 novembre 2013, devenu définitif, la présente cour a réformé ce jugement après avoir jugé que la société Generali assurances Iard justifiait être subrogée dans les droits de M. C... et de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise à hauteur, respectivement, de 119 392 euros et 530 667,36 euros, soit d'une somme totale de 650 059,36 euros, et confirmé l'appréciation des premiers juges en ce qui concerne l'évaluation de la perte de chance de M. C... de ne pas subir d'amputation du fait de la faute commise par le centre hospitalier de Senlis à hauteur de 40 %. M. C... et la société Generali assurances Iard relèvent appel du jugement du 18 mai 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a condamné le centre hospitalier de Senlis à verser à la société Generali assurances Iard la somme de 466 986,28 euros, mis à la charge de ce centre hospitalier les frais et honoraires d'expertise et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
2. La requête enregistrée sous le n° 18DA01441, présentée par M. C..., et la requête enregistrée sous le n° 18DA01517, présentée par la société Generali assurances Iard, sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n° 18DA01441 :
3. La nature et l'étendue de la réparation incombant à une collectivité publique du chef d'un accident dont la responsabilité lui est imputée ne dépendent pas du montant des indemnités effectivement versées par l'assureur à la victime ou de l'évaluation du dommage faite par l'autorité judiciaire dans un litige où ladite collectivité n'est pas partie, mais doivent être déterminées par le juge administratif compte tenu des règles afférentes à la responsabilité des personnes morales de droit public, indépendamment, notamment, des sommes qui ont pu être exposées par l'assureur de la victime. Le jugement litigieux ne préjudiciant ainsi nullement aux droits que M. C..., intervenant en première instance, détient à l'encontre de la société Generali assurances Iard et qu'il est susceptible de faire valoir devant le juge judiciaire, il n'aurait pas eu qualité pour former tierce opposition à ce jugement et n'a, par suite, pas qualité pour interjeter appel du jugement litigieux. Sa requête doit, dès lors, et en tout état de cause, être rejetée.
Sur la requête n° 18DA01517 :
Sur la demande de sursis à statuer :
4. La société Generali assurances Iard demande à la cour de surseoir à statuer dans l'attente du jugement du tribunal de grande instance de Senlis saisi par M. C... d'une demande tendant à la condamnation de la société Generali de l'indemniser de son entier préjudice à la suite de l'accident dont il a été victime. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point précédent, la nature et l'étendue de la réparation incombant à une collectivité publique du chef d'un accident dont la responsabilité lui est imputée ne dépendent pas du montant des indemnités effectivement versées par l'assureur à la victime ou de l'évaluation du dommage faite par l'autorité judiciaire dans un litige où ladite collectivité n'est pas partie, mais doivent être déterminées par le juge administratif compte tenu des règles afférentes à la responsabilité des personnes morales de droit public, indépendamment, notamment, des sommes qui ont pu être exposées par l'assureur de la victime. Il s'ensuit que, le dossier étant en l'état, rien ne fait obstacle à ce que le juge administratif se prononce sur la demande de la société Generali assurances Iard. En conséquence, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande tendant à ce que la cour sursoie à statuer.
Sur la régularité du jugement attaqué :
5. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ".
6. Le rapporteur public, qui a pour mission d'exposer les questions que présente à juger le recours sur lequel il conclut et de faire connaître, en toute indépendance, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l'espèce et les règles de droit applicables ainsi que son opinion sur les solutions qu'appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction à laquelle il appartient, prononce ses conclusions après la clôture de l'instruction à laquelle il a été procédé contradictoirement. L'exercice de cette fonction n'est pas soumis au principe du caractère contradictoire de la procédure applicable à l'instruction. Il suit de là que, pas plus que la note du rapporteur ou le projet de décision, les conclusions du rapporteur public -qui peuvent d'ailleurs ne pas être écrites- n'ont à faire l'objet d'une communication préalable aux parties.
7. Il ne résulte ni des dispositions précitées, ni du principe du contradictoire, que le texte même des conclusions du rapporteur public devrait faire l'objet d'une communication aux parties avant ou après l'audience. En outre, la société Generali assurances Iard, dont le mandataire a assisté à l'audience publique, a été en mesure, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de son argumentation écrite, d'envisager, si elle l'estimait utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement du fait de la méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté.
8. En deuxième lieu, si la société Generali assurances Iard soutient que les premiers juges n'ont pas tenu compte de la pièce n° 26 annexée à son mémoire enregistré le 18 décembre 2017 en jugeant que sa demande n'était justifiée qu'à hauteur de 119 392 euros au titre des provisions versées à M. C..., cette erreur, à la supposer établie, est en tout état de cause sans incidence sur la régularité du jugement.
9. Par ailleurs, le relevé de débours de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise en date du 4 mai 2018, joint à la quittance subrogative pour le montant des sommes versées par elle, a été produit le 7 mai 2018, soit postérieurement à la clôture de l'instruction fixée au 26 mars 2018. En décidant de ne pas rouvrir l'instruction à la suite de la communication de cette pièce, qui n'était nécessaire ni à la liquidation des préjudices tels qu'évalués par les premiers juges, ni à la détermination du montant pour lequel la société Generali assurances Iard justifiait être subrogée dans les droits de la caisse, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité.
10. Enfin, il résulte des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif d'Amiens, qui a rappelé les besoins en assistance par une tierce personne retenus par l'expert et évalués à dix heures hebdomadaires, précisé le nombre de jours pour la période du 28 juin 2000 à la date de consolidation fixée au 4 septembre 2017 après avoir exclu les périodes d'hospitalisation et indiqué le taux journalier de 18,75 euros de cette aide par application du SMIC brut moyen augmenté, a suffisamment exposé la méthode et les raisons pour lesquelles il a évalué à la somme totale de 91 893,75 euros le besoin en assistance par une tierce personne de M. C.... Il en est de même en ce qui concerne l'évaluation du déficit fonctionnel temporaire dès lors que les premiers juges ont pris en compte les hospitalisations de M. C... en lien avec la faute entre le 28 juin 2000 et le 30 janvier 2015, date de la dernière cure d'éventration de l'intéressé, exclu les journées d'hospitalisation liées aux complications infectieuses liées aux éventrations et fixé le nombre de jours d'hospitalisation à prendre en compte à 950. Par suite, la société Generali assurances Iard n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé et ainsi entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
Sur la responsabilité du groupe hospitalier public Sud de l'Oise et la perte de chance d'éviter l'amputation :
11. Il n'est pas contesté que la responsabilité du groupe hospitalier public Sud de l'Oise est engagée en raison de la faute commise du fait de l'insuffisance des prélèvements bactérioliogiques réalisés dans un contexte infectieux important justifiant l'identification du germe responsable à l'effet d'adapter le traitement médical du patient. Il en est de même du taux de 40 % retenu au titre de la perte de chance pour M. C... d'éviter l'amputation ainsi que de l'absence de lien de causalité entre la faute commise et les complications infectieuses des deux éventrations lombaires subies par l'intéressé. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, de confirmer le principe et l'étendue de la responsabilité du centre hospitalier de Senlis à l'égard de la société Generali assurances Iard.
Sur les préjudices patrimoniaux :
En ce qui concerne les dépenses de santé :
12. En premier lieu, la société Generali assurances Iard demande à ce que les sommes de 310 807,52 euros, de 13 413,38 euros, de 20 932,01 euros et de 592,14 euros, allouées par les premiers juges respectivement au titre des frais d'hospitalisation, des frais médicaux et pharmaceutiques, des frais de transport et d'appareillage soient portées, respectivement, afin de tenir compte des frais d'hospitalisation exposés au cours de la période du 27 octobre 2007 au 30 janvier 2015, aux sommes de 427 595,49 euros, de 36 924,52 euros, de 13 020,77 euros et de 20 325,68 euros.
13. S'agissant des frais d'hospitalisation, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise déposé le 4 septembre 2017, que les deux éventrations lombaires subies par M. C... en 2011 sont la conséquence directe des prélèvements des crêtes iliaques effectués en avril 2001 et en février 2002 afin de réaliser une greffe osseuse sur le tibia de la victime. Il y a par suite lieu de tenir compte des conséquences dommageables de ces éventrations et de fixer au 6 juin 2012, date de la fin de l'hospitalisation de la seconde cure d'éventration subie par M. C..., la date jusqu'à laquelle la responsabilité du groupe hospitalier public Sud de l'Oise est engagée. Il résulte du relevé de débours en date du 4 mai 2018 produit par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise que le montant des frais d'hospitalisation à compter du 28 juin 2000, date à compter de laquelle l'ostéite a été mise en évidence, jusqu'au 6 juin 2012 s'élève à la somme totale de 375 466,90 euros, soit 150 186,76 euros après application du taux de perte de chance de 40 %. La société Generali assurances Iard est ainsi fondée à demander le remboursement de cette somme de 150 186,76 euros.
14. S'agissant des frais médicaux et pharmaceutiques, de transport et d'appareillage, le dernier relevé des débours de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise établi le 4 mai 2018 ne mentionne qu'une somme globale concernant la période de l'année 2000 à 2017 sans autre précision et sans justification. Il y a ainsi lieu de confirmer les sommes de 13 413,38 euros, de 20 932,01 euros et de 592,14 euros allouées par les premiers juges à la société Generali assurances Iard en remboursement de ces frais pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie, soit une somme totale de 34 937,53 euros, soit 13 975,01 euros après application du taux de perte de chance de 40 % retenu précédemment.
15. En second lieu, la société Generali assurances Iard demande le remboursement des sommes de 3 129 euros au titre du forfait télévisuel et de 14 685 euros au titre des frais de séjour demeurées à la charge de M. C.... Toutefois, elle ne produit aucun justificatif de nature à démontrer qu'il aurait conservé à sa charge ces dépenses. Elle ne peut ainsi prétendre à un remboursement à ce titre.
En ce qui concerne les dépenses d'assistance par une tierce personne :
S'agissant de la période avant consolidation :
16. Il ressort du même rapport d'expertise que M. C..., qui habite chez ses parents, a eu besoin de l'assistance d'une tierce personne à raison de dix heures par semaine entre le 28 juin 2000 et le 4 septembre 2017, date de sa consolidation. De cette période, il convient d'exclure les périodes d'hospitalisation de M. C....
17. En se fondant sur un taux horaire de 13 euros, tenant compte des charges patronales et correspondant au coût de l'aide non médicalisée que nécessitait l'état de santé de M. C... du 28 juin 2000 au 4 septembre 2017 (soit 6 277 jours), périodes d'hospitalisation exclues (soit 1 043 jours), soit, au total, 5 234 jours, ou 747 semaines à raison de dix heures par semaine jusqu'à la date de consolidation de son état de santé, fixée au 4 septembre 2017, sur une base annuelle de 412 jours, le coût de l'assistance par une tierce personne pour la période concernée peut être évalué à la somme de 109 712,86 euros, soit 43 885,14 euros après application du taux de perte de chance de 40 % retenu précédemment.
S'agissant de la période après consolidation :
18. Il ressort du même rapport d'expertise que l'intéressé, atteint d'un déficit fonctionnel permanent de 68 %, a besoin de l'assistance d'une tierce personne à raison de dix heures par semaine, cette aide pouvant diminuer à six heures par semaine si l'intéressé bénéficie d'un logement adapté.
19. En se fondant sur un taux horaire moyen de rémunération, tenant compte des charges patronales, fixé à 13 euros, et en retenant une base annuelle de 412 jours, soit 58 semaines, incluant les congés payés, il sera fait une juste appréciation du coût de l'assistance par une tierce personne pour la période postérieure au 4 septembre 2017, date de consolidation de son état de santé, à raison de dix heures par semaine, jusqu'à la date de lecture du présent arrêt, en le fixant à la somme totale de 21 134,88 euros, soit 8 453,95 euros après application du taux de perte de chance de 40 % retenu précédemment.
S'agissant des besoins futurs :
20. Ainsi qu'il a été dit, l'expert a estimé le besoin d'assistance par une tierce personne à titre permanent à dix heures par semaine, cette aide pouvant diminuer à six heures par semaine si l'intéressé bénéficie d'un logement adapté. La société Generali assurances Iard ne justifiant pas avoir versé à M. C... une somme au titre de l'aménagement de son logement, il y a eu lieu de retenir un besoin permanent de dix heures par semaine, soit pour 58 semaines (412 jours), un coût annuel de 7 540 euros. Dans les circonstances particulières de l'espèce et en l'absence de toute contestation sur ce point du groupe hospitalier public Sud de l'Oise, il sera fait une juste appréciation du capital représentatif de ces besoins d'assistance, sur la base du barème 2018 de capitalisation des rentes de victimes diffusé par la revue La Gazette du Palais, qui fixe à 28,426 le point de rente viagère pour un homme de 49 ans, en l'évaluant à 214 332,04 euros. Après application du taux de perte de chance de 40 % retenu, la société Generali assurances Iard est fondée à demander le remboursement d'une somme de 85 732,816 euros.
En ce qui concerne les préjudices professionnels :
S'agissant du préjudice passé :
21. M. C..., qui exerçait les fonctions d'agent de piste à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, est, selon l'expert, inapte à cette profession. La société Generali assurances Iard fait valoir, dans le dernier état de ses écritures, que M. C... évalue sa perte de gains professionnels à la somme de 85 683,76 euros. Elle produit le relevé de débours de la caisse primaire d'assurance maladie faisant apparaître que le salaire annuel net de M. C... était en moyenne, avant l'accident, de 20 125 euros. La perte de gains professionnels de M. C... pour la période du 28 juin 2000 au 4 septembre 2017, date de consolidation de son état de santé, peut ainsi être évaluée à la somme de 346 150 euros. Toutefois, il résulte de l'instruction que du 28 juin 2000 au 23 novembre 2008, M. C... a perçu des indemnités journalières versées par la caisse primaire d'assurance maladie pour un montant total de 172 764 euros, puis une rente au titre de son accident de travail dont les arrérages sur la période arrêtée au 30 avril 2018, ainsi que cela ressort du dernier relevé de débours de la caisse, s'élèvent à la somme de 184 936,51 euros. Il a ainsi perçu une somme totale de 357 700,51 euros et n'a, en conséquence, pas subi de perte de gains professionnels. Le montant total du poste de préjudice en cause pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise s'élève donc à la somme de 346 150 euros, soit 138 460 euros après application du coefficient de 40 %, dont la société Generali assurances Iard est fondée à demander le remboursement.
S'agissant du préjudice futur :
22. Il ressort du rapport d'expertise que M. C... reste atteint d'un déficit fonctionnel permanent de 68 %. Cependant, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise déposé le 4 septembre 2017, que M. C... aurait la possibilité de travailler sur un poste adapté sédentaire. Il en résulte que l'intéressé n'est pas inapte définitivement à toute activité professionnelle. Par suite, la société Generali assurances Iard n'est pas fondée à demander le remboursement de la somme de 513 718,92 euros correspondant à la somme capitalisée des arrérages à échoir de la rente perçue au titre de son accident de travail, et n'est pas fondée à se plaindre de ce que le jugement attaqué a mis à la charge du groupe hospitalier public Sud de l'Oise, à ce titre, une somme de 296 761,60 euros.
En ce qui concerne les frais de logement et de véhicule adaptés :
23. Il ressort du rapport d'expertise que l'état de santé de M. C... nécessite un aménagement de son domicile consistant en une rampe d'accès, une surface complémentaire de 28 m2 pour ses déplacements en fauteuil roulant, une adaptation de la largeur des portes et la réalisation d'une salle d'eau avec douche à l'italienne. En outre, il ressort du même rapport qu'un véhicule adapté avec conduite au volant est indispensable pour que M. C... puisse sortir et se déplacer.
24. Si la société Generali assurances Iard demande le remboursement à hauteur de 40 % de la somme de 75 000 euros au titre de l'aménagement du logement de la victime, elle n'apporte aucun élément de nature à justifier le montant ainsi demandé.
25. La société requérante demande également le remboursement de la somme de 62 531,55 euros au titre de l'aménagement du véhicule de M. C.... Au vu des dires de l'expert, il y a lieu de retenir un besoin d'adaptation du véhicule automobile consistant en l'installation d'une boîte de vitesse automatique, en l'inversion des pédales et en l'installation d'une caméra de recul. Il résulte de l'instruction, et notamment des devis produits que le montant de ces adaptations peut être évalué à la somme globale de 4 500 euros. Compte tenu du renouvellement du véhicule prévisible tous les sept ans depuis l'année 2000 et de l'espérance de vie de M. C..., il y a lieu d'accorder une somme globale de 31 500 euros, soit 12 600 euros après application du taux de perte de chance. La société Generali assurances Iard est ainsi fondée à demander le remboursement de cette somme au titre de ce chef de préjudice.
Sur les préjudices extrapatrimoniaux :
En ce qui concerne les préjudices temporaires :
S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
26. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise déposé le 4 septembre 2017, que M. C... a subi, au cours de la période allant du 28 juin 2000 au 6 juin 2012 (soit 4 361 jours), un déficit fonctionnel temporaire total durant les périodes d'hospitalisation évaluées à 877 jours, et partiel, à hauteur de 75 %, hors de ces périodes, soit 3 484 jours. En retenant un montant quotidien de 13 euros, correspondant à un montant mensuel de 400 euros, il y a par suite lieu d'allouer au titre du déficit temporaire total une somme de 11 401 euros et au titre du déficit temporaire partiel une somme de 33 969 euros, soit une somme totale de 45 370 euros et, dès lors, de porter après application du coefficient de 40 %, à 18 148 euros la somme de 12 666 euros allouée par les premiers juges au titre de ce chef de préjudice.
S'agissant des souffrances endurées :
27. Les souffrances éprouvées par M. C..., qui a subi un écrasement de la jambe puis une amputation suivie de très nombreuses opérations, ont été estimées par le rapport d'expertise à 5,5 sur une échelle de 7. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 30 000 euros. Après application du taux de perte de chance de 40 % retenu précédemment, la compagnie d'assurances est fondée à obtenir le remboursement de la somme de 12 000 euros au titre des souffrances endurées par M. C....
S'agissant du préjudice esthétique temporaire :
28. Ce préjudice en lien avec la faute commise du centre hospitalier de Senlis a été estimé par le rapport d'expertise à 3,5 sur une échelle de 7. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en le fixant à la somme de 6 000 euros. Compte tenu du taux de perte de chance, la société Generali assurances Iard est fondée à demander le remboursement d'une somme de 2 400 euros à ce titre.
En ce qui concerne les préjudices permanents :
S'agissant du déficit fonctionnel permanent :
29. Il ressort du rapport d'expertise que M. C... conserve, depuis la consolidation de son état de santé intervenue le 4 septembre 2017, un déficit fonctionnel permanent de 68 %. Les premiers juges ont procédé à une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 190 000 euros. Compte tenu du taux de perte de chance retenu, la société Generali assurances Iard est fondée à demander le remboursement d'une somme de 76 000 euros à ce titre.
S'agissant du préjudice esthétique permanent :
30. Ce préjudice en lien avec la faute commise du centre hospitalier de Senlis a été estimé par le rapport d'expertise à 3,5 sur une échelle de 7. Il sera fait une juste appréciation du préjudice esthétique permanent subi par M. C..., amputé des deux-tiers de la jambe droite, en l'évaluant à la somme de 7 500 euros. Compte tenu du taux de perte de chance, la société Generali assurances Iard est fondée à demander le remboursement d'une somme de 3 000 euros à ce titre.
S'agissant du préjudice d'agrément :
31. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise remis le 4 septembre 2017, que M. C... est un ancien militaire de carrière sportif et avait un projet handisport qu'il n'arrive plus à envisager. Il pratiquait également la pétanque et avait des activités de loisirs notamment de jardinage et de bricolage. Il y a lieu, dans ces conditions, de porter la somme de 5 000 euros allouée par les premiers juges à 20 000 euros. Compte tenu du taux de perte de chance, la société Generali assurances Iard est fondée à demander le remboursement d'une somme de 8 000 euros à ce titre.
S'agissant du préjudice sexuel :
32. Il sera fait une juste appréciation du préjudice sexuel de M. C... en l'évaluant à la somme de 5 000 euros. Compte tenu du taux de perte de chance retenu, la société Generali assurances Iard est fondée à demander le remboursement d'une somme de 2 000 euros à ce titre.
33. Il résulte de ce qui précède que l'indemnité que le groupe hospitalier public Sud de l'Oise a été condamné par le jugement attaqué à verser à la société Generali assurances Iard au titre des préjudices de M. C..., d'un montant total de 343 059,75 euros, doit être portée à la somme totale de 680 549,78 euros, soit 272 219,91 euros après application du taux de perte de chance de 40 % retenu précédemment. Toutefois, la société requérante ne justifiant être subrogée dans les droits de la victime qu'à hauteur de la somme de 169 391,96 euros, son indemnisation doit, par suite, être limitée à cette somme. La somme totale de 868 985,69 euros, soit 347 594,28 euros après application du taux de perte de chance de 40 %, que le groupe hospitalier public Sud de l'Oise a été condamné à verser à la société Generali assurances Iard par le jugement attaqué au titre des débours de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise, doit quant à elle être portée à la somme de 1 053 316 euros, soit 421 326,40 euros après application du taux de perte de chance de 40 % retenu.
34. Il résulte de tout ce qui précède que la société Générali assurances Iard est seulement fondée à demander que la somme totale de 466 986,28 euros que le groupe hospitalier public Sud de l'Oise a été condamné à lui verser par le jugement attaqué soit portée à la somme de 590 718,36 euros.
Sur les intérêts et la capitalisation de ces intérêts :
35. La société Generali assurances Iard a droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme de 590 718,36 euros à compter du 1er juin 2010, date de réception par le centre hospitalier de Senlis de sa demande de réparation, justifiée pour la première fois en appel, et non à compter de la date d'enregistrement de sa requête.
36. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts ayant été demandée par la société Generali assurances Iard à la date du 17 septembre 2010, date d'enregistrement de sa requête, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 1er juin 2011, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les frais liés à l'instance :
37. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Generali assurances Iard, qui n'a pas la qualité de partie perdante, au titre des frais exposés par le groupe hospitalier public Sud de l'Oise. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du groupe hospitalier public Sud de l'Oise le versement à la société Generali assurances Iard d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C..., enregistrée sous le n° 18DA01441, est rejetée.
Article 2 : La somme de 466 986,28 euros que le groupe hospitalier public Sud de l'Oise a été condamné à verser à la société Generali assurances Iard par l'article 2 du jugement attaqué est portée à la somme de 590 718,36 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2010, date de réception par le centre hospitalier de Senlis de sa demande de réparation. Les intérêts seront capitalisés à compter du 1er juin 2011, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 3 : Le groupe hospitalier public Sud de l'Oise versera à la société Generali assurances Iard une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le jugement n° 1002541 du 18 mai 2018 du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à la société Generali assurances Iard, au groupe hospitalier public sud de l'Oise et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise.
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N°18DA01441,18DA01517