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18/06/2020 | FRANCE | N°18DA00369

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 18 juin 2020, 18DA00369


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Paris, qui a transmis leur demande au tribunal administratif d'Amiens, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1503727 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 février 2018, et

par un mémoire, enregistré le 26 décembre 2018, qui n'a pas été communiqué, M. et Mme B..., rep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Paris, qui a transmis leur demande au tribunal administratif d'Amiens, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1503727 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 février 2018, et par un mémoire, enregistré le 26 décembre 2018, qui n'a pas été communiqué, M. et Mme B..., représentés par la SELARL Vauban, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige et le remboursement des sommes correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... sont cogérants de la société holding Ceauxmon, elle-même détentrice de l'intégralité du capital de la société Fonty qui exploite à Belleu (Aisne) un magasin de grande surface à dominante alimentaire sous l'enseigne Intermarché. M. et Mme B... sont, en effet, adhérents au groupement de commerçants indépendants dit " des Mousquetaires ", dénommé aussi " Groupement Intermarché ". Ce groupement, qui est conduit et animé par la société ITM Entreprises, réunit les dirigeants de sociétés qui exploitent chacune un magasin de grande surface sous l'enseigne Intermarché. Cette adhésion implique notamment que chacun des membres, outre la gestion de la société qu'il dirige, exerce bénévolement, en exécution du contrat qui le lie à la société ITM Entreprises, des fonctions au profit des instances du groupement. Dans ce contexte, un désaccord est survenu entre M. B..., qui exerçait les fonctions de président du conseil d'administration de la société ITM Alimentaire Nord, filiale de la société ITM Entreprises, et le groupement en ce qui concerne la stratégie du groupe, ce qui a conduit l'intéressé à quitter ces fonctions. Ce désaccord s'étant avéré grandissant, M. et Mme B... ont nourri le projet de changer d'enseigne et de quitter le groupement. Ils ont, en outre, fait savoir au groupement leur souhait de recevoir une indemnisation. Des discussions ont toutefois abouti à la conclusion, le 18 mai 2010, d'un protocole d'accord transactionnel, aux termes duquel, moyennant la perception d'une indemnité d'un montant de 3 000 000 euros, M. et Mme B... acceptaient de demeurer au sein du groupement, indiquaient s'estimer pleinement indemnisés de leurs préjudices et renonçaient à toute action en justice. M. et Mme B... ont reçu, le jour même, un chèque en paiement de l'indemnité contractuellement prévue, mais se sont abstenus, délibérément, de porter la somme correspondante sur la déclaration de revenus qu'ils ont souscrite au titre de l'année 2010, estimant celle-ci non imposable au motif qu'elle avait, selon eux, la nature de dommages et intérêts.

2. Dans le cadre d'un contrôle sur pièces, l'administration a remis en cause cette approche, estimant quant à elle que l'indemnité perçue était imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Elle a fait connaître sa position aux intéressés par une proposition de rectification qu'elle leur a adressée le 29 novembre 2013. A la suite des observations formulées par M. et Mme B..., le service a, par une décision du 28 mars 2014, admis que l'indemnité en cause avait, pour moitié, la nature de dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice moral subi par les intéressés et qu'elle n'était, dans cette mesure, pas imposable. Compte-tenu de cet ajustement, M. et Mme B... ont été assujettis, au titre de l'année 2010, à une cotisation supplémentaire, en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, qui a été mise en recouvrement le 31 octobre 2014, au moyen d'un avis d'imposition émis sur la base d'un rôle supplémentaire. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 21 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont ainsi été assujettis au titre de l'année 2010.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. D'une part, aux termes de l'article 175 A du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur le revenu et figurant dans la section III " Déclarations des contribuables " : " Le service des impôts peut rectifier les déclarations en se conformant à la procédure prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales. ". En application du premier alinéa de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales : " (...) lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts (...), les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A. ". Aux termes de l'article L. 61 du même livre, figurant dans le I " Procédure de redressement contradictoire " de la section IV " Procédures de rectification " du chapitre premier " Le droit de contrôle de l'administration " : " Après l'établissement du rôle ou l'émission de l'avis de mise en recouvrement, le contribuable conserve le droit de présenter une réclamation conformément à l'article L. 190. ". Enfin, l'article R. 61 A-1 du même livre, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " Le montant de l'impôt exigible à la suite d'une procédure de rectification est calculé : / a) Soit sur la base acceptée par le contribuable si celui-ci a donné son accord dans le délai prescrit ou s'il a présenté dans ce même délai des observations qui ont été reconnues fondées ; / b) Soit sur la base fixée par l'administration à défaut de réponse ou d'accord du contribuable dans le délai prescrit ; / c) Soit sur la base notifiée par l'administration au contribuable après avis de la commission compétente dans le cas où le litige lui a été soumis. / Le montant de l'impôt exigible donne lieu à l'établissement d'un rôle ou à l'émission d'un avis de mise en recouvrement. ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 1658 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable, issue de l'article 55 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 : " Les impôts directs et les taxes y assimilées sont recouvrés en vertu de rôles rendus exécutoires par arrêté du préfet ou d'avis de mise en recouvrement. / (...) ".

5. M. et Mme B..., qui ont reçu un avis d'imposition à l'issue de la procédure de rectification contradictoire mise en oeuvre par l'administration soutiennent qu'en application des dispositions précitées de l'article 1658 du code général des impôts, les impositions supplémentaires mises à leur charge auraient dû leur être notifiées par un avis de mise en recouvrement, conformément aux prescriptions définies par les articles L. 256 et R. 256-1 du livre des procédures fiscales.

6. Toutefois, si l'article 55 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 a complété l'article 1658 du code général des impôts en y ajoutant le membre de phrase " ou d'avis de mise en recouvrement ", il ne résulte pas de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires et qui doivent être combinées avec les dispositions citées au point 3, que le législateur aurait ainsi entendu imposer à l'administration, à peine d'irrégularité, d'émettre un avis de mise en recouvrement lorsqu'elle souhaite établir et recouvrer des impositions supplémentaires en matière d'impôt sur le revenu. Par suite, les requérants ne peuvent utilement soutenir que la réception d'un avis d'imposition ne leur aurait pas offert des garanties analogues à celles d'un avis de mise en recouvrement, notamment l'envoi postal par courrier recommandé et la référence à la proposition de rectification.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

7. Aux termes de l'article 92 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. / (...) ". Une indemnité versée en exécution d'un accord transactionnel ne peut être regardée comme ayant le caractère de dommages et intérêts non imposables que si elle a pour objet de compenser un préjudice autre que celui résultant de la perte d'un revenu. Il appartient à l'administration d'apprécier la portée des stipulations auxquelles se sont engagées les parties à un tel accord, et, sans être tenue par la qualification donnée par elles, de donner à ces stipulations, sous le contrôle du juge de l'impôt, la qualification juridique appropriée pour l'application de la loi fiscale.

8. Il ressort du protocole d'accord transactionnel, versé à l'instruction, conclu le 18 mai 2010 entre, d'une part, M. et Mme B... et, d'autre part, la société ITM Entreprises, que, par cette convention, les intéressés ont expressément renoncé à réclamer à la société ITM Entreprises, ou à l'une de ses filiales, toute indemnisation de l'ensemble des préjudices qu'ils estimeraient avoir subis depuis leur adhésion au groupement des Mousquetaires, ainsi qu'à exercer tous droits et actions issus des relations contractuelles de toute nature entretenues avec l'une ou l'autre des sociétés du groupement. Par le même protocole, M. B... s'est obligé à démissionner de tous postes d'administrateur qu'il détiendrait au sein de toute filiale du groupement, et à restituer, le cas échéant, les actions de garantie qui lui avait été remises à titre gracieux pour répondre aux obligations légales de telles fonctions. En outre, par cette transaction, M. et Mme B... ont accepté de renoncer aux effets de la dénonciation de leur relation contractuelle avec la société ITM Entreprises et se sont obligés pour le compte de la société Fonty à poursuivre le contrat d'enseigne conclu le 30 juin 2008. Enfin, cet accord transactionnel constate l'engagement de M. et Mme B... d'adopter un " comportement loyal " tant à l'égard de la société ITM Entreprises et de l'ensemble de ses filiales directes et indirectes que de ses dirigeants, et de s'abstenir de toutes déclarations ou initiatives de nature à porter atteinte à l'honorabilité et à la réputation de ces dernières et de leurs mandataires, dirigeants ou représentants, à quelque titre que ce soit. La société ITM Entreprises s'est, quant à elle, engagée, par la même convention, à renoncer à toute action à l'encontre de M. et Mme B... quant à la dénonciation des relations contractuelles et à verser à ceux-ci une indemnité de 3 000 000 euros " en réparation du préjudice moral et du préjudice d'image " subis par eux.

9. Pour estimer que cette indemnité procurait à M. et Mme B... une source de profit imposable, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 92 du code général des impôts et qu'elle aurait dû, en tant que telle, figurer sur la déclaration de revenus souscrite par les intéressés au titre de l'année 2010, l'administration a fait valoir, dans la proposition de rectification qu'elle leur a adressée le 29 novembre 2013, que la somme ainsi perçue par eux trouvait son origine dans les relations contractuelles qu'ils avaient instaurées avec la société ITM Entreprises en adhérant au groupement, que cette somme rémunérait le service qu'ils avaient rendu à cette société en renonçant à transférer leur point de vente à une enseigne concurrente, à exercer tous droits et actions à l'encontre de la société ITM Entreprises et à contribuer à tout dénigrement envers le groupement des Mousquetaires. Pour contester ces éléments, qui constituent un faisceau d'indices permettant à l'administration d'apporter la preuve qui lui incombe, quant au caractère imposable de la somme en cause, et d'engager valablement la discussion sur ce point, M. et Mme B... ne peuvent utilement se limiter à invoquer la qualification juridique de dommages et intérêts donnée à l'indemnité par les parties au protocole d'accord transactionnel, celle-ci ne s'imposant ni à l'administration, ni au juge de l'impôt. Dans ces conditions, et alors même que, comme il a été dit au point précédent, les stipulations du protocole d'accord transactionnel prévoyaient aussi l'engagement de la société ITM Entreprises à renoncer à toute action à l'encontre de M. et Mme B..., l'indemnité en cause avait notamment pour contrepartie plusieurs renonciations de ces derniers à faire valoir des droits qu'ils tenaient notamment de leur adhésion au groupement, ainsi que l'engagement pris par les intéressés de poursuivre cette relation contractuelle et de maintenir leur point de vente sous l'enseigne Intermarché. En conséquence, c'est à bon droit que l'indemnité que M. et Mme B... ont perçue en exécution de ce protocole d'accord transactionnel, a été regardée par l'administration comme ayant notamment pour objet de rémunérer ces renonciations et cet engagement et, par suite, comme constituant, à due concurrence de la somme imposée à ce titre, une source de revenus imposable entre leurs mains sur le fondement des dispositions précitées de l'article 92 du code général des impôts, alors même qu'elle n'aurait pas présenté un caractère habituel.

10. A la suite des observations formulées par M. et Mme B... sur la proposition de rectification qui leur a été adressée, l'administration a admis, dans la réponse qu'elle a apportée le 28 mars 2014 à ces observations, qu'une partie de l'indemnité en cause avait pour objet de réparer le préjudice moral et le préjudice d'image subis par M. et Mme B... et qu'elle avait, dans cette mesure, la nature de dommages et intérêts non imposables. Il ressort des termes mêmes de cette réponse aux observations des contribuables que, pour retenir que la part non imposable correspondait à la moitié du montant de l'indemnité, l'administration s'est fondée sur une appréciation tenant compte, dans leur ensemble, de la situation personnelle de M. et Mme B..., des fonctions exercées par M. B... au sein du groupement et à l'extérieur de celui-ci, ainsi que du contexte dans lequel les dissensions ayant justifié la conclusion du protocole d'accord transactionnel étaient apparues entre celui-ci et les instances dirigeantes du groupement. Dès lors, le moyen tiré par M. et Mme B... de ce que la fixation de la part imposable de l'indemnité en cause serait purement arbitraire et n'aurait pas été justifiée par l'administration, manque en fait.

11. Les prévisions énoncées au paragraphe n° 260 de la doctrine BOI-BNC-CHAMP-10-10-20-40, dans sa version publiée au 11 juillet 2014, et aux paragraphes no 70 et suivants de la doctrine BOI-BNC-CHAMP-10-10-20-30, dans sa version publiée le 9 décembre 2012, ne comportent aucune interprétation formelle de la loi fiscale qui soit différente de celle dont le présent arrêt fait application. Dès lors, M. et Mme B... ne sont, en tout état de cause, pas fondés à s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande. Les conclusions qu'ils présentent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B..., au ministre de l'action et des comptes publics et au directeur des vérifications nationales et internationales.

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N°18DA00369

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00369
Date de la décision : 18/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices non commerciaux - Personnes - profits - activités imposables.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices non commerciaux - Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL VAUBAN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-06-18;18da00369 ?
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