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18/06/2020 | FRANCE | N°17DA01580

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 18 juin 2020, 17DA01580


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1504531 du 8 juin 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 3 août 2017, le 1er août 2018 et

le 11 novembre 2019, Mme E..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1504531 du 8 juin 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 3 août 2017, le 1er août 2018 et le 11 novembre 2019, Mme E..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... B..., première conseillère,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... était gérante et unique associée de la SARL Le Diamant Noir qui exerçait une activité de vente au détail d'articles de confection féminine et procédait à la clôture de ses exercices comptables le 31 août de chaque année. A la suite d'une vérification de la comptabilité de cette société, portant sur la période du 1er septembre 2009 au 31 août 2010, l'administration fiscale a réintégré dans le revenu imposable de Mme E... au titre des années 2009 et 2010, sur le fondement des dispositions du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, des sommes qu'elle a regardées comme distribuées par la SARL Le Diamant Noir. Mme E... relève appel du jugement du 8 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a, en conséquence, été assujettie au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 26 février 2018, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques des Hauts de France a prononcé le dégrèvement des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles Mme E... a été assujettie au titre des années 2009 et 2010, à concurrence, respectivement, des sommes de 166 euros et de 6 156 euros, en droits et pénalités, résultant de l'abandon de l'application aux bases de ces contributions de la majoration de 25 % prévue par les dispositions du 2° du 7. de l'article 158 du code général des impôts. Les conclusions de la requête de Mme E... relatives à ces impositions et à ces pénalités sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur les impositions restant en litige :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

3. Mme E... ne conteste pas s'être abstenue de formuler, dans le délai de trente jours imparti par les dispositions des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales, des observations sur les rehaussements envisagés par l'administration et portés à sa connaissance par la proposition de rectification du 7 juin 2012, notifiée le 18 juin 2012. En conséquence, il lui appartient, en application des dispositions de l'article R. 194-1 du même livre, d'apporter la preuve du caractère exagéré des impositions dont elle sollicite la décharge.

En ce qui concerne l'existence et le montant des distributions :

S'agissant du principe même des distributions :

4. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / (...) ". L'article 110 du même code dispose, dans son premier alinéa : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. ".

5. Il résulte de l'instruction que les sommes regardées comme distribuées par la SARL Le Diamant Noir sont constituées, d'une part, de recettes non déclarées par cette dernière et dont aucun élément ne permet de supposer qu'elles auraient été mises en réserve ou incorporées au capital de la société et, d'autre part, de frais de restauration et d'acquisition d'un écran de télévision non engagés dans l'intérêt de l'entreprise et de frais de déplacement et de gestion courante non justifiés. Ces charges correspondent toutes, par leur nature, à des sommes désinvesties. Mme E... n'est, par suite, pas fondée à soutenir que, faute de démonstration par l'administration de leur désinvestissement, les sommes correspondantes ne sauraient être regardées comme distribuées.

S'agissant du montant des recettes non déclarées par la SARL Le Diamant Noir :

6. Il résulte de l'instruction qu'en raison des graves irrégularités qui entachaient la comptabilité de la SARL Le Diamant Noir au titre des exercices clos en 2009 et en 2010, du fait notamment de l'absence de justificatifs fiables et complets des ventes réalisées, l'administration a reconstitué les recettes de la SARL Le Diamant Noir en appliquant aux achats revendus un coefficient de marge, corrigé pour tenir compte des réductions de prix pratiquées au cours des périodes de solde et des remises accordées hors périodes de soldes aux clientes les plus fidèles, ainsi que des vols subis par la société.

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction et, notamment, de la proposition de rectification adressée le 6 juin 2012 à la SARL Le Diamant Noir que le relevé de prix contradictoire auquel le vérificateur a procédé le 10 janvier 2012, en présence de Mme E..., portait sur un échantillon de soixante-douze articles et a permis à l'administration de déterminer un coefficient de marge pour chaque marque alors présente en magasin. L'administration a, par ailleurs, appliqué un coefficient moyen pondéré aux articles de marques qui, figurant dans le stock de l'exercice clos en 2010, dont le détail avait été communiqué par la gérante, n'étaient plus présentes en magasin lors du relevé du 10 janvier 2012. Le coefficient de marge brut moyen pondéré de 2,88 TTC/HT appliqué aux achats revendus par la société au cours de l'exercice clos en 2010 a été déterminé à partir de ces constatations.

8. Mme E... soutient, tout d'abord, que cette reconstitution repose sur les prix d'articles vendus seize mois après l'exercice clos en 2010 alors, d'une part, que les collections sont renouvelées au moins deux fois par an et que l'éventail des marques vendues avait durant cette période significativement évolué et, d'autre part, que le relevé de prix réalisé en mars 2011, au cours d'une précédente vérification de comptabilité de la SARL Le Diamant Noir, permettait de disposer de données chronologiquement plus proches de cet exercice. Toutefois, elle ne démontre pas que la prise en compte des prix relevés en 2011 aurait conduit à appliquer aux achats revendus de l'exercice clos en 2010 un coefficient de marge d'un montant inférieur. Si, en particulier, Mme E... fait valoir que le coefficient de 2,55 TTC/HT, retenu pour les articles d'une marque qui représentait plus de 30 % des approvisionnements de la société au cours de l'exercice clos en 2010, a été déterminé sur la base du prix de vente, non significatif, de l'unique article de même marque encore présent en magasin lors du relevé du 10 janvier 2012, elle se borne sur ce point à demander l'application du coefficient général de 2,5 qu'elle avait déclaré au cours de la précédente vérification de comptabilité de la SARL Le Diamant Noir sans contester qu'il s'agissait, comme l'avait relevé le vérificateur à l'issue de ce premier contrôle, d'un coefficient de marge hors taxes, lequel, compte tenu du taux de taxe sur la valeur ajoutée de 19,6 % applicable, aurait conduit pour l'année 2011 à la reconstitution d'un chiffre d'affaires plus élevé que celui retenu par l'administration.

9. Par ailleurs, les prétendues incohérences alléguées par la requérante, tenant à la mention, sur le relevé du 10 janvier 2012, de factures d'achat portant une date postérieure à ce relevé, ne peuvent être regardées comme établies, dès lors que seul le millésime de la date d'acquisition portée sur ce relevé diffère par rapport à la date d'acquisition d'autres articles figurant sur le même relevé avec la même référence de facturation, ce qui révèle, en l'absence d'élément supplémentaire, une simple erreur matérielle dépourvue d'incidence sur le calcul du chiffre d'affaires. La présence de l'un des articles offerts à la vente le 10 janvier 2012, bien qu'acquis par la SARL Le Diamant Noir plusieurs années auparavant, dans l'échantillon examiné par le vérificateur, ne traduit pas davantage une incohérence viciant la méthode de reconstitution mise en oeuvre par l'administration. Enfin, Mme E... ne produit aucun justificatif, en particulier aucune facture, de nature à démontrer que les " prix d'achat sur étiquettes " relevés par le vérificateur, qui a ainsi mentionné avec suffisamment de précision l'origine des données recueillies, ne correspondraient pas à la réalité des prix d'acquisition ou que leur prise en compte aurait conduit l'administration à déduire deux fois le montant de la remise pratiquée systématiquement par l'un des fournisseurs de la SARL Le Diamant Noir.

10. En deuxième lieu, d'une part, la requérante ne fournit aucun élément permettant d'établir qu'en ventilant pour chaque exercice vérifié le chiffre d'affaires brut de la société entre les périodes de soldes et les périodes d'ouverture hors soldes au prorata du nombre de jours concernés, ce qui conduit à retenir un ratio de 110/361 pour déterminer la part du chiffre d'affaires réalisé en période de soldes, l'administration aurait mis en oeuvre une méthode radicalement viciée. En particulier, elle ne rapporte pas la preuve de ce qu'en période de soldes, le chiffre d'affaires de la SARL Le Diamant Noir serait le double de celui réalisé durant les autres périodes de l'année. D'autre part, Mme E..., pour soutenir que le taux de 40 % appliqué par l'administration à la part de son chiffre d'affaires brut retenu pour les périodes de soldes des deux exercices vérifiés rendrait insuffisamment compte de l'impact des réductions pratiquées, se borne à se fonder sur ses propres déclarations, faites au cours de la première vérification de comptabilité de la SARL Le Diamant Noir, sans apporter de justifications suffisantes à l'appui de ses allégations.

11. En troisième lieu, Mme E... n'établit pas que la somme de 2 000 euros retenue par l'administration en valeur d'achats hors taxes constituerait une évaluation insuffisante des vols subis au cours de chaque exercice, ou que des pertes, imputées pour l'exercice clos en 2009 aux dégradations commises par des rongeurs, conformément à ses déclarations, et retenues pour la détermination du chiffre d'affaires de cet exercice à hauteur de 5 000 euros hors taxes, auraient dû être également déduites pour la détermination du chiffre d'affaires de l'exercice clos en 2010.

12. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 6 à 11, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la méthode mise en oeuvre par l'administration pour reconstituer le chiffre d'affaires de la SARL Le Diamant Noir serait radicalement viciée dans son principe, excessivement sommaire ou insuffisamment précise sur certains points ou pour certains montants.

En ce qui concerne l'appréhension des sommes distribuées :

13. Pour estimer que Mme E... avait appréhendé les distributions effectuées par la SARL Le Diamant Noir, l'administration s'est fondée sur ce que l'intéressée était la gérante et l'unique associée de cette société. Or, Mme E... n'apporte ni argument ni justification de nature à démontrer qu'en dépit de ces éléments, elle ne pouvait être regardée comme ayant appréhendé ces distributions.

En ce qui concerne les années d'imposition :

14. Les revenus visés par les dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts sont, en application de ces dispositions, réputés distribués à la date de clôture de l'exercice au terme duquel leur existence a été constatée, sauf si le contribuable ou l'administration apportent des éléments de nature à établir que la distribution a été, en fait, soit postérieure, soit antérieure à cette date.

15. D'une part, il résulte de l'instruction et, notamment, de la proposition de rectification en date du 7 juin 2012, adressée à Mme E..., que les frais effectivement supportés par la SARL Le Diamant Noir mais considérés par l'administration comme non engagés dans l'intérêt de l'entreprise ont été regardés comme appréhendés par Mme E... durant l'année au cours de laquelle ils ont été exposés. D'autre part, la requérante n'apporte aucun élément de nature à établir que les produits non déclarés et les frais non justifiés réintégrés dans le résultat imposable de la SARL Le Diamant Noir auraient à tort été regardés par l'administration comme distribués à la date de clôture de l'exercice, soit le 31 août 2010, et, par suite, n'auraient pu être intégralement réintégrés dans ses bases d'imposition de l'année 2010. Il s'ensuit que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait procédé à une imputation erronée des distributions sur ses revenus imposables au titre des années 2009 et 2010.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions et pénalités restant en litige.

Sur les frais liés au litige :

17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à Mme E... d'une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme E... à concurrence du dégrèvement de cotisations supplémentaires de contributions sociales prononcé, en droits et pénalités, par le directeur régional des finances publiques des Hauts de France au titre des années 2009 et 2010.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme E... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

2

No 17DA01580


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17DA01580
Date de la décision : 18/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DELATTRE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-06-18;17da01580 ?
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