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11/06/2020 | FRANCE | N°18DA01175

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 11 juin 2020, 18DA01175


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Me A... agissant en tant que G... I.C.E.O a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 août 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par Mme E... C... contre la décision du 27 janvier 2015 de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement, a annulé cette décision et a refusé son licenciement.

Par un juge

ment n° 1600833 du 11 avril 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Me A... agissant en tant que G... I.C.E.O a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 août 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par Mme E... C... contre la décision du 27 janvier 2015 de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement, a annulé cette décision et a refusé son licenciement.

Par un jugement n° 1600833 du 11 avril 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 juin 2018, Me A..., mandataire judiciaire de l'association I.C.E.O, représenté par Me B... F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 28 août 2015 retirant la décision du 27 janvier 2015 de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de Mme E... C... ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... C... était salariée de l'association I.C.E.O, association roubaisienne d'insertion par le travail. Elle exerçait les fonctions de coordinatrice socio-professionnelle et était également déléguée du personnel, suppléante. Cette association a été mise en liquidation judiciaire, par jugement du tribunal de grande instance de Lille du 16 décembre 2014. Le liquidateur judiciaire, Me A..., a alors demandé l'autorisation administrative de licencier les salariés protégés, dont Mme C.... L'inspecteur du travail a autorisé ce licenciement par décision du 27 janvier 2015. Toutefois, sur recours hiérarchique de Mme C..., le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique, a annulé la décision de l'inspecteur du travail et a refusé le licenciement par une décision du 28 août 2015. Me A..., agissant en tant que G... I.C.E.O, relève appel du jugement du tribunal administratif de Lille du 11 avril 2018 qui a rejeté ses conclusions d'annulation de la décision du 28 août 2015.

Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal administratif de Lille qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments développés par Me A..., notamment à l'appui du moyen tiré du défaut de respect du contradictoire au cours de la procédure d'examen du recours hiérarchique, a développé les éléments de fait et de doit qui justifiaient d'écarter chacun des moyens soulevés, en particulier celui précité. Le jugement contesté est ainsi suffisamment motivé.

3. Le tribunal administratif de Lille a implicitement considéré que le ministre pouvait légalement retirer sa décision implicite résultant du silence gardé sur le recours hiérarchique dont il était saisi, au motif de l'illégalité de celle-ci. A supposer que l'irrégularité du jugement soit également soulevée sur ce point, le premier juge n'a donc pas omis de se prononcer sur un moyen opérant dont il était saisi.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Les décisions qui retirent une décision créatrice de droit ne peuvent intervenir en application de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration " qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. / L'administration n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique. ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative compétente pour adopter une décision individuelle entrant dans leur champ de mettre elle-même la personne intéressée en mesure de présenter des observations. Il en va de même, à l'égard du bénéficiaire d'une décision, lorsque l'administration est saisie par un tiers d'un recours gracieux ou hiérarchique contre cette décision. Il en va également de même, en application des dispositions précitées lorsque l'administration envisage de retirer le rejet implicite d'un tel recours. Ainsi, le ministre chargé du travail, saisi d'un recours contre une décision autorisant ou refusant d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé, doit mettre le tiers au profit duquel la décision contestée a créé des droits - à savoir, respectivement, l'employeur ou le salarié protégé - à même de présenter ses observations, notamment par la communication de l'ensemble des éléments sur lesquels le ministre entend fonder sa décision. Il doit à nouveau procéder ainsi avant de retirer une décision implicite rejetant un tel recours.

5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a informé Me A... en tant que G... I.C.E.O qu'il envisageait de retirer la décision implicite de rejet du recours hiérarchique de Mme C..., par un courrier du 10 août 2015 adressé en recommandé avec accusé de réception. Il n'est pas sérieusement contesté que ce courrier a été délivré à un collaborateur de Me A..., le 14 août 2015. Le ministre invitait le liquidateur à faire valoir ses observations dans un délai de huit jours à compter de la réception du courrier. Or, la décision du ministre n'a été prise que le 28 août 2015, soit quatorze jours après réception de ce courrier. En outre, ce courrier du 10 août 2015 du ministre chargé du travail précisait que le motif de retrait était que la lettre convoquant le salarié à l'entretien préalable au licenciement aurait dû mentionner qu'en l'absence d'institution représentative du personnel dans l'entreprise, ce salarié pouvait se faire assister, lors de l'entretien, par un conseiller du salarié. Le mandataire liquidateur judiciaire n'est donc pas fondé à soutenir qu'il n'a pas été mis à même de faire valoir ses observations préalablement à la décision contestée. Au surplus, il avait également été invité, au cours de l'enquête consécutive à l'introduction du recours hiérarchique à faire valoir tous ses arguments et, dans ce cadre, avait notamment été invité à un entretien individuel, le 1er juin 2015 et y avait pris part. Les observations produites par Me A... le 1er septembre 2015, postérieurement à la décision contestée, révèlent de surcroît qu'il s'est borné à faire référence à une circulaire de 1991 et à un arrêt de la cour de Cassation de 2002. Il résulte donc de ces éléments qu'alors que le mandataire liquidateur judiciaire a été mis à même de faire valoir ses observations, il n'a pu, par suite, être privé d'une garantie. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration doit dès lors être écarté.

6. Le ministre chargé du travail peut légalement, dans le délai de recours contentieux, rapporter sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement d'un salarié protégé, qui est créatrice de droits au profit de l'employeur, dès lors que ces deux décisions sont illégales. En l'espèce, Mme C... a formé, le 27 mars 2015, un recours hiérarchique contre la décision du 27 janvier 2015 de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement. Une décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par la salariée devant le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social est donc née le 27 juillet 2015. Toutefois, le retrait de cette décision est intervenu le 28 août 2015, soit dans le délai du recours contentieux. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité du retrait de la décision de l'inspecteur du travail, à supposer qu'il soit soulevé, doit être écarté.

7. Aux termes de l'article L. 1232-4 du code du travail : " Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise. / Lorsqu'il n'y a pas d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative. / La lettre de convocation à l'entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition. " et aux termes de l'article L. 2143-6 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un délégué du personnel comme délégué syndical. (...) ". L'article L. 2314-26 du même code, alors applicable dispose, pour sa part: " Les délégués du personnel sont élus pour quatre ans. Leur mandat est renouvelable. Leurs fonctions prennent fin par le décès, la démission, la rupture du contrat de travail ou la perte des conditions requises pour l'éligibilité. Ils conservent leur mandat en cas de changement de catégorie professionnelle. ". Enfin aux termes de l'article L. 2143-8 dudit code : " Les contestations relatives aux conditions de désignation des délégués syndicaux légaux ou conventionnels sont de la seule compétence du juge judiciaire. Le recours n'est recevable que s'il est introduit dans les quinze jours suivants l'accomplissement des formalités prévues au premier alinéa de l'article L. 2143-7. / Passé ce délai, la désignation est purgée de tout vice sans que l'employeur puisse soulever ultérieurement une irrégularité pour priver le délégué désigné du bénéfice des dispositions du présent chapitre. (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que l'association comptait moins de cinquante salariés permanents. Si le délégué syndical désigné le 20 septembre 2011 n'était pas délégué du personnel, il résulte des dispositions précitées que sa désignation ne pouvait plus être contestée et que la durée de son mandat ne pouvait excéder celle des délégués du personnel. Or, les dernières élections professionnelles avaient eu lieu le 15 octobre 2010 au sein de l'association I.C.E.O. Le mandat des délégués du personnel, élus lors de ces élections, avait une durée de quatre ans, en application de l'article L. 2314-26 du code du travail alors applicable, et a donc pris fin le 15 octobre 2014. Ainsi qu'il a été rappelé, l'article L. 2143-6 du même code prévoit expressément que, dans les établissements de moins de cinquante salariés, le délégué syndical n'est désigné que pour la durée de son mandat de délégué du personnel Par suite, en dépit de l'irrégularité de sa désignation, le mandat du délégué syndical prenait nécessairement fin, également le 15 octobre 2014. La circonstance qu'aucun renouvellement des instances représentatives du personnel n'ait eu lieu ni à cette date, ni postérieurement, ne pouvait avoir pour effet de proroger le mandat du délégué syndical au-delà de la durée de celui des délégués du personnel. Par suite, l'association ne disposait plus d'institutions représentatives du personnel, à la date de l'entretien préalable à la demande d'autorisation de licenciement, même si les titulaires d'un mandat, délégués du personnel comme délégué syndical, bénéficiaient encore de la protection liée à leur mandat pendant une durée de six mois après l'expiration de celui-ci. En conséquence, la lettre de convocation à l'entretien préalable aurait dû indiquer que le salarié pouvait se faire assister par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative. L'absence de cette mention a privé Mme C... d'une garantie et constitue ainsi un vice rendant illégale la procédure préalable à la demande d'autorisation de licenciement et entachant par suite d'erreur de droit cette autorisation, délivrée par l'inspecteur du travail le 27 janvier 2015. La circonstance que Mme C... n'ait pas soulevé ce moyen dans son recours hiérarchique est sans incidence sur l'illégalité de cette décision, le ministre du travail devant examiner la légalité de la décision de l'inspecteur du travail dans l'ensemble de ses aspects et la retirer dès lors qu'elle est illégale.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Me A..., agissant en tant que G... I.C.E.O, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 28 août 2015. Par suite sa requête est rejetée, y compris ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Me A... en tant que G... I.C.E.O la somme de 500 euros, à verser à Mme C..., sur ce fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Me A... en tant que G... I.C.E.O est rejetée.

Article 2 : Il est mis à la charge de Me A..., en tant que G... I.C.E.O, la somme de 500 euros à verser à Mme C..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... A... en qualité de G... I.C.E.O, à la ministre du travail et à Mme E... C....

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N° 18DA01175


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01175
Date de la décision : 11/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés. - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. - Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : AVOCATS ASSOCIES GIRAUD - WABANT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-06-11;18da01175 ?
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