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09/06/2020 | FRANCE | N°19DA01418

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (quater), 09 juin 2020, 19DA01418


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 26 juin 2017 par lequel le préfet de l'Eure a refusé d'accorder à son épouse le bénéfice du regroupement familial et d'enjoindre au préfet de lui accorder ce bénéfice dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1702647 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la co

ur :

Par une requête, enregistrée le 20 juin 2019, M. A..., représenté par Me C... F..., ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 26 juin 2017 par lequel le préfet de l'Eure a refusé d'accorder à son épouse le bénéfice du regroupement familial et d'enjoindre au préfet de lui accorder ce bénéfice dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1702647 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juin 2019, M. A..., représenté par Me C... F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Eure du 26 juin 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet d'accorder le bénéfice du regroupement familial à sa femme dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, d'examiner à nouveau sa situation, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État, sous réserve que son avocat renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle, une somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Aurélien Gloux-Saliou, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Titulaire d'une carte de résident, M. E... A..., de nationalité tunisienne, a présenté le 20 mai 2016 une demande de regroupement familial sur place au bénéfice de sa femme, Mme B... D.... Par un arrêté du 26 juin 2017, le préfet de l'Eure a rejeté cette demande. M. A... interjette appel du jugement du 4 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Si M. A... soutient que les premiers juges ont, de manière erronée, considéré que la demande de regroupement familial avait été présentée après que Mme D... eut fait l'objet d'un refus de titre de séjour et d'une mesure d'éloignement, alors qu'elle avait en réalité précédé ces décisions, une telle erreur relève du bien-fondé et non de la régularité du jugement. M. A... n'est donc pas fondé à demander l'annulation du jugement contesté pour irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans " et aux termes de l'article L. 411-6 du même code : " Peut être exclu du regroupement familial : / (...) 3° Un membre de la famille résidant en France ". En outre, aux termes de l'article R. 411-6 du même code : " Le bénéfice du regroupement familial ne peut être refusé à un ou plusieurs membres de la famille résidant sur le territoire français dans le cas où l'étranger qui réside régulièrement en France dans les conditions prévues aux articles R. 411-1 et R. 411-2 contracte mariage avec une personne de nationalité étrangère régulièrement autorisée à séjourner sur le territoire national sous couvert d'une carte de séjour temporaire d'une durée de validité d'un an. Le bénéfice du droit au regroupement familial est alors accordé sans recours à la procédure d'introduction. Peuvent en bénéficier le conjoint et, le cas échéant, les enfants de moins de dix-huit ans de celui-ci résidant en France, sauf si l'un des motifs de refus ou d'exclusion mentionnés aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-5 leur est opposé ".

4. Il résulte des dispositions citées ci-dessus qu'un ressortissant étranger séjournant régulièrement en France depuis plus de dix-huit mois ne peut en principe demander à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint que si celui-ci se trouve hors du territoire national. Il en va autrement lorsque le ressortissant étranger s'est marié avec une autre personne de nationalité étrangère séjournant régulièrement en France en vertu d'une carte de séjour temporaire valable un an, auquel cas le regroupement familial peut être accordé sans procédure d'introduction.

5. En premier lieu, M. A..., qui a épousé Mme D... en Tunisie le 29 décembre 2013, a présenté le 20 mai 2016 une demande de regroupement familial sur place au bénéfice de sa femme, alors que celle-ci séjournait en France en vertu d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant " valable du 5 août 2015 au 5 août 2016. Le préfet de l'Eure n'a statué expressément sur cette demande que le 26 juin 2017 pour la rejeter. Il ressort cependant des pièces du dossier que Mme D..., après avoir demandé le renouvellement de son titre de séjour à l'expiration de son visa, s'est vu opposer le 16 janvier 2017 par le préfet de l'Eure un refus assorti d'une obligation de quitter le territoire français à destination de la Tunisie, au motif qu'elle avait échoué à tous ses examens et ne justifiait pas avoir été assidue dans ses études. En se prononçant d'abord sur le droit au séjour de Mme D..., au regard duquel la demande de regroupement familial sur place présentée par M. A... devait notamment être appréciée, le préfet de l'Eure n'a pas entaché son rejet de cette demande d'un détournement de pouvoir.

6. En second lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté litigieux que le préfet de l'Eure a examiné la situation des intéressés dans son ensemble, y compris le droit au respect de leur vie privée et familiale, sans s'estimer lié par la seule circonstance que Mme D... ne séjournait plus régulièrement sur le territoire français. Le préfet n'a donc pas commis d'erreur de droit, contrairement à ce que soutient M. A....

7. En vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale.

8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A... et Mme D..., qui s'étaient mariés en Tunisie le 29 décembre 2013, ont débuté leur vie commune en août 2015, lorsque Mme D... est entrée en France sous le couvert d'un visa de long séjour, et qu'un enfant est né de cette union le 4 avril 2017. À la date de l'arrêté refusant le bénéfice du regroupement familial, le couple menait donc une vie commune depuis un peu moins de deux ans et leur enfant, encore en bas âge, n'était pas scolarisé. M. A... n'établit ni même n'allègue qu'à cette même date, Mme D... jouissait d'une quelconque intégration professionnelle et sociale dans la société française, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle n'était pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où elle avait vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans. Enfin, la procédure de regroupement familial de droit commun demeure ouverte aux intéressés en cas de retour de Mme D... en Tunisie. Dans ces conditions, en refusant d'accorder le bénéfice du regroupement familial sur place, le préfet de l'Eure n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... et de Mme D... au respect de leur vie privée et familiale et, partant, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation des intéressés.

9. Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

10. En raison de son très jeune âge et de la faculté ouverte à ses parents de solliciter le bénéfice d'un regroupement familial de droit commun, le préfet de l'Eure n'a pas non plus méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant de M. A... et de Mme D..., protégé à l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Eure du 26 juin 2017. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., au ministre de l'intérieur et à Me C... F....

Copie en sera adressée au préfet de l'Eure.

N°19DA01418 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (quater)
Numéro d'arrêt : 19DA01418
Date de la décision : 09/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: M. Aurélien Gloux-Saliou
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-06-09;19da01418 ?
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