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09/06/2020 | FRANCE | N°18DA01370,18DA01371

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 09 juin 2020, 18DA01370,18DA01371


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par requêtes distinctes, la SAS centre médical chirurgical obstétrical Côte d'Opale a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler la décision du 21 décembre 2015 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé Nord-Pas-de-Calais a accordé au centre hospitalier de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer l'autorisation d'exercer l'activité de soins de néonatologie sans soins intensifs sur son site de Rang-du-Fliers et, d'autre part, d'annuler la décision de la même

date lui refusant cette autorisation.

Par deux jugements distincts n° 16015...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par requêtes distinctes, la SAS centre médical chirurgical obstétrical Côte d'Opale a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler la décision du 21 décembre 2015 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé Nord-Pas-de-Calais a accordé au centre hospitalier de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer l'autorisation d'exercer l'activité de soins de néonatologie sans soins intensifs sur son site de Rang-du-Fliers et, d'autre part, d'annuler la décision de la même date lui refusant cette autorisation.

Par deux jugements distincts n° 1601559 et 1601560 du 2 mai 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 juillet 2018 et 20 juin 2019, sous le n° 18DA01370, la SAS centre médical chirurgical obstétrical Côte d'Opale, représentée par Me D... A..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1601560 du tribunal administratif de Lille ;

2°) d'annuler la décision du 21 décembre 2015 portant autorisation de soins délivrée au centre hospitalier de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer ;

3°) de mettre une somme de 7 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le décret n° 2015-1650 du 11 décembre 2015 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,

- et les observations de Me B... C..., représentant la SAS centre médical chirurgical obstétrical Côte d'Opale.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 20 avril 2012, le directeur de l'agence régionale de santé Nord-Pas-de-Calais a ouvert une période de demandes d'autorisation et de renouvellement d'autorisation portant sur des activités de soins et d'équipements matériels lourds. La SAS centre médical chirurgical obstétrical Côte d'Opale et le centre hospitalier de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer ont présenté dans ce cadre une demande d'autorisation afin d'exercer, au sein de leur établissement, l'activité de néonatologie sans soins intensifs. Par deux décisions du 14 janvier 2013, le directeur général de l'agence régionale de santé a refusé d'accorder à la SAS centre médical chirurgical obstétrical Côte d'Opale l'autorisation demandée et a accordé celle-ci au centre hospitalier de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer. Ces décisions ont été annulées par un jugement conjoint du 1er juillet 2015 du tribunal administratif de Lille, devenu définitif. Après avoir procédé à une nouvelle instruction des deux demandes présentées, le directeur général de l'agence régionale de santé Nord-Pas-de-Calais, devenue agence régionale de santé des Hauts de France a, par deux décisions du 21 décembre 2015, accordé l'autorisation demandée au centre hospitalier de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer et refusé celle-ci au centre médical chirurgical obstétrical Côte d'Opale. La SAS centre médical chirurgical obstétrical Côte d'Opale relève appel des jugements du 2 mai 2018 par lesquels le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces décisions.

2. Les requêtes n° 18DA01370 et 18DA01371 présentées par la SAS centre médical chirurgical obstétrical Côte d'Opale présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la légalité de la décision d'autorisation délivrée au centre hospitalier de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer le 21 décembre 2015 :

3. Aux termes de l'article L. 6122-1 du code de la santé publique : " Sont soumis à l'autorisation de l'agence régionale de santé les projets relatifs à la création de tout établissement de santé, la création, la conversion et le regroupement des activités de soins, y compris sous la forme d'alternatives à l'hospitalisation ou d'hospitalisation à domicile, et l'installation des équipements matériels lourds (...) ". Aux termes de l'article L. 6122-9 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) Les demandes d'autorisation ou de renouvellement d'autorisation portant sur des activités de soins ou équipements de même nature sont reçues au cours de périodes déterminées par voie réglementaire. Elles sont examinées sans qu'il soit tenu compte de l'ordre de leur dépôt. / Dans le mois qui précède le début de chaque période, le directeur général de l'agence régionale de santé publie un bilan quantifié de l'offre de soins faisant apparaître les territoires de santé dans lesquels cette offre est insuffisante au regard du schéma d'organisation des soins. (...) ". Aux termes de l'article R. 6122-29 de ce code dans sa rédaction alors en vigueur : " Les demandes mentionnées à l'article R. 6122-28 ne peuvent être reçues que durant des périodes et selon des calendriers déterminés par arrêté du directeur général de l'agence régionale de santé, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de région. (...) ". Aux termes de l'article R. 6122-32 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " Les demandes d'autorisation, (...) ne peuvent, après transmission du directeur général de l'agence régionale de santé, être examinées que si elles sont accompagnées d'un dossier justificatif complet. / Le dossier est réputé complet si, dans le délai d'un mois à compter de sa réception dans une des périodes mentionnées à l'article R. 6122-29, le directeur général de l'agence régionale de santé n'a pas fait connaître au demandeur, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la liste des pièces manquantes ou incomplètes. Dans le cas où un dossier incomplet n'a pas été complété à la date d'expiration de la période de réception applicable, le délai de six mois mentionné au cinquième alinéa de l'article L. 6122-9 ne court pas. L'examen de la demande est reporté à la période suivante, sous réserve que le dossier ait été complété. ".

4. Il résulte des dispositions précitées des articles R. 6122-29 et R 6122-32 du code de la santé publique que le directeur de l'agence régionale de santé ne pouvait demander au centre hospitalier de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer, à la suite de l'annulation contentieuse de la décision du 14 janvier 2013, de compléter le dossier déposé entre le 15 mai et le 15 juillet 2012 afin de produire les éléments financiers manquants dès lors que la période de dépôt des demandes fixée par l'arrêté du 20 avril 2012 était expirée et qu'une nouvelle période de dépôt n'avait pas été ouverte. Dans ces conditions, et ainsi que le soutient la SAS centre médical chirurgical obstétrical Côte d'Opale, le directeur de l'agence régionale de santé a commis une erreur de droit en examinant au titre de la période de dépôt ouverte entre le 15 mai et le 15 juillet 2012 la demande du centre hospitalier de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer alors que celle-ci était incomplète et qu'aucune régularisation n'était possible après la fin de la période durant laquelle il devait être déposé. Par suite, la décision du 21 décembre 2015 en litige, prise sur la base de ce dossier, est entachée d'illégalité. La SAS centre médical chirurgical obstétrical Côte d'Opale est ainsi fondée à en demander son annulation.

5. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement et d'examiner les autres moyens de la requête, que la SAS centre médical chirurgical obstétrical Côte d'Opale est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 décembre 2015 en litige.

Sur les conséquences de l'illégalité de la décision du 21 décembre 2015 :

6. L'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif, après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause, de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation, ou, lorsqu'il a décidé de surseoir à statuer sur cette question, dans sa décision relative aux effets de cette annulation, que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de sa décision prononçant l'annulation contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine.

7. Compte tenu des effets manifestement excessifs de l'annulation rétroactive de la décision du 21 décembre 2015, qui aurait pour effet de remettre en cause les conditions, notamment financières, dans lesquelles les soins ont été prodigués depuis cette date, et de compromettre, à l'avenir, l'exigence de permanence des soins érigée en mission de service public par l'article L. 6112-1 du code de la santé publique, et alors que la disparition de l'offre proposée par le centre hospitalier de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer ne pourrait pas être immédiatement compensée par une offre d'ores et déjà existante dans des établissements de santé situés à proximité et autorisés à pratiquer des soins dans la spécialité autorisée par cette décision, et compte tenu tant de la nature du moyen d'annulation retenu que de ce qu'aucun des autres moyens soulevés ne peut être accueilli, il y a lieu, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision, de n'en prononcer l'annulation qu'à compter du 1er février 2021 et de réputer définitifs ses effets antérieurs à cette annulation.

Sur la légalité de la décision de refus d'autorisation de la SAS centre médical chirurgical obstétrical Côte d'Opale du 21 décembre 2015 :

8. Il résulte de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment des termes de la décision attaquée selon lesquels après un examen comparatif des mérites respectifs des deux demandes d'autorisation d'exercer l'activité de soins de néonatologie sans soins intensifs, la priorité est donnée à la demande du centre hospitalier de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer sur celle de la SAS centre médical chirurgical obstétrical Côte d'Opale, que la décision refusant d'autoriser cette dernière à exercer l'activité de soins demandée est étroitement liée à celle autorisant le centre hospitalier de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer à exercer cette activité, laquelle a été annulée au point 4 du présent arrêt. Il y a lieu donc lieu d'annuler, par voie de conséquence, la décision du 21 décembre 2015 refusant d'autoriser la SAS centre médical chirurgical obstétrical Côte d'Opale à exercer l'activité de soins de néonatologie sans soins intensifs sur son site.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Si la SAS centre médical chirurgical obstétrical Côte d'Opale demande à ce qu'il soit enjoint à l'agence régionale de santé de lui délivrer l'autorisation d'exercer l'activité de néonatologie sans soins intensifs, il résulte de l'instruction que le schéma régional d'organisation des soins existant lors du dépôt de sa demande n'est plus en vigueur à la date du présent arrêt. Il ressort du nouveau schéma adopté pour la période de 2018 à 2023, que celui-ci a modifié les contours géographiques des territoires de santé et, par suite, le centre hospitalier de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer et celui relevant de la SAS centre médical chirurgical obstétrical Côte d'Opale ne figurent plus dans le même territoire dès lors qu'à celui du Littoral auquel ces deux établissements appartenaient ont été substitués deux territoires distincts, celui du Montreuillois et celui du Boulonnais. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par la SAS centre médical chirurgical obstétrical Côte d'Opale.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SAS centre médical chirurgical obstétrical Côte d'Opale et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Les jugements n° 1601559 et 1601560 du 2 mai 2018 du tribunal administratif de Lille sont annulés.

Article 2 : La décision du 21 décembre 2015 du directeur général de l'agence régionale de santé Nord-Pas-de-Calais autorisant le centre hospitalier de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer à exercer l'activité de soins de néonatologie sans soins intensifs est annulée. Toutefois, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision, l'annulation de cette décision ne prendra effet que le 1er février 2021, ses effets antérieurs étant par ailleurs réputés définitifs.

Article 3 : La décision du 21 décembre 2015 du directeur général de l'agence régionale de santé Nord-Pas-de-Calais refusant d'autoriser la SAS centre médical chirurgical obstétrical Côte d'Opale à exercer l'activité de soins de néonatologie sans soins intensifs est annulée.

Article 4 : L'Etat versera à la SAS centre médical obstétrical Côte d'Opale pour les deux instances susvisées la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes de la SAS centre médical chirurgical obstétrical Côte d'Opale est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS centre médical chirurgical obstétrical Côte d'Opale et au ministre des solidarités et de la santé.

Copie sera adressée à l'agence régionale de santé des Hauts-de-France et au centre hospitalier de l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer.

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N°18DA01370,18DA01371


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01370,18DA01371
Date de la décision : 09/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

61-07-01-02 Santé publique. Établissements privés de santé. Autorisations de création, d'extension ou d'installation d'équipements matériels lourds. Procédure d'autorisation.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS CORMIER BADIN ; CABINET D'AVOCATS CORMIER BADIN ; CABINET D'AVOCATS CORMIER BADIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-06-09;18da01370.18da01371 ?
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