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04/06/2020 | FRANCE | N°20DA00080

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 04 juin 2020, 20DA00080


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 novembre 2019 par lequel la préfète d'Eure-et-Loir l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 1904457 du 19 décembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a re

jeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 novembre 2019 par lequel la préfète d'Eure-et-Loir l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 1904457 du 19 décembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2020, M. A..., représenté par Me B... C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté du 21 novembre 2019 ;

3°) d'enjoindre à la préfète compétente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard, dans l'attente du réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant surinamais né le 24 mars 1976, serait selon ses déclarations entré en France en 2014. Par un jugement du tribunal correctionnel de Créteil, du 16 janvier 2019, il a été condamné à une peine de trois ans d'emprisonnement pour détention, offre ou cession et importation non autorisée de stupéfiants, trafic et participation à association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement et transport non autorisé de stupéfiants. Par un arrêté du 21 novembre 2019, la préfète d'Eure-et-Loir l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. M. A... a été retenu au centre de rétention d'Oissel. M. A... relève appel du jugement du 21 novembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient le requérant, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a suffisamment répondu au moyen tiré de ce que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en se référant aux motifs déjà énoncés dans le cadre de l'examen du même moyen soulevé à l'encontre de la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / (...) / 7° Si le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...)".

4. La décision contestée vise le 1° et le 7° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle indique aussi que M. A... déclare être entré en France en 2014 sans l'établir et que son comportement constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'ordre public après avoir rappelé qu'il a été condamné à une peine de trois ans d'emprisonnement pour détention, offre ou cession et importation non autorisée de stupéfiants, trafic et participation à association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement et transport non autorisé de stupéfiant. Dès lors, la décision comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

5. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier et des motifs de la décision en litige que la préfète d'Eure-et-Loir n'aurait pas procédé à un examen sérieux et complet de la situation de M. A....

6. M. A... a été entendu par les services de police judiciaire le 21 octobre 2019. Il ressort du procès-verbal qu'il a été mis à même de présenter ses observations quant à l'hypothèse d'une mesure d'éloignement pouvant être prise à son encontre. Il a pu être entendu sur son identité, les raisons de son départ de son pays d'origine, sur les conditions de son séjour en France, sur sa situation administrative ainsi que sur sa situation familiale et personnelle. Si le procès-verbal indique qu'il a déclaré avoir deux enfants aux Pays-Bas et cinq enfants au Suriname, alors qu'il soutient désormais avoir un enfant en Guyane et six enfants aux Pays-Bas, ces éléments ne sont pas susceptibles d'avoir eu une influence sur le sens de la décision prise dès lors qu'aucune pièce du dossier ne permet d'attester de l'existence de ces enfants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit à être entendu tel qu'il est consacré notamment par le droit de l'Union européenne doit être écarté.

7. Si M. A... était incarcéré le jour de la notification de la mesure d'éloignement, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète aurait pris cette décision dans le seul but de faire obstacle à l'exercice d'un recours devant le tribunal administratif. Au demeurant, M. A... a pu saisir le tribunal administratif d'un recours contentieux contre cette décision. Par suite, le moyen tiré du détournement de procédure doit être écarté.

8. M. A... fait valoir qu'il vit en France depuis 2016 avec une compatriote titulaire d'une carte de résident laquelle exerce un emploi et atteste vivre en concubinage avec elle, que son frère réside régulièrement en France et qu'il a un enfant en Guyane et six enfants aux Pays-Bas. Toutefois, il n'établit pas la réalité des liens qu'il entretiendrait avec ses enfants, dont il ne justifie d'ailleurs aucunement l'existence. Il n'établit pas non plus être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de trente-huit ans. Dans ces conditions, en prenant la décision contestée, la préfète d'Eure-et-Loir n'a pas porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquelles elle a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 8 que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'illégalité.

Sur la décision fixant le pays de destination :

10. La décision contestée énonce les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui a été dit au point 9 que M. A... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans :

12. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

13. La décision contestée vise le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que le comportement de M. A..., dont le séjour en France a débuté en 2014, constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'ordre public. En application des dispositions précitées, ce seul motif peut fonder, dans les circonstances de l'espèce, la durée de trois ans d'interdiction de retour sur le territoire français, sans que la préfète ne soit tenue de se prononcer sur chacun des critères prévus par le III de l'article L. 511-1. Par suite la décision est suffisamment motivée. Le moyen doit dès lors être écarté.

14. Si M. A... allègue être le père de sept enfants, il ne l'établit pas plus en appel qu'en première instance. La réalité de la relation qu'il prétend entretenir avec une compatriote, titulaire d'une carte de résident n'est pas davantage justifiée par l'unique courrier peu circonstancié de cette dernière, sa demande de naturalisation ou encore une facture de téléphone mobile. L'intéressé a d'ailleurs été incapable de donner l'adresse de cette dernière lors de son audition par les forces de l'ordre. Dans ces conditions, la préfète de l'Eure-et-Loir n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en lui interdisant un retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et n'a pas, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au ministre de l'intérieur et à Me B... C....

Copie en sera adressée pour information à la préfète d'Eure-et-Loir.

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N°20DA00080

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00080
Date de la décision : 04/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Paul Louis Albertini
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-06-04;20da00080 ?
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