Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Cambrai a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 240 000 euros assortie des intérêts au taux légal en indemnisation des préjudices résultant de l'engagement non tenu de l'Etat d'implanter un centre administratif devant accueillir des personnels relevant du ministère de la défense dans des locaux à construire sur le site de l'ancien quartier des docks à Cambrai.
Par un jugement n° 1609237 du 16 octobre 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 décembre 2018 et 5 juillet et 2 août 2019, la commune de Cambrai, représentée par la SCP Manuel Gros, Héloïse Hicter et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 3 240 000 euros en indemnisation des préjudices subis ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,
- et les observations de Me A... B..., représentant la commune de Cambrai.
Une note en délibéré présentée pour la commune de Cambrai a été enregistrée le 12 mai 2020.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Cambrai interjette appel du jugement du 16 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 3 240 000 euros assortie des intérêts au taux légal en indemnisation des préjudices résultant de l'engagement non tenu de l'Etat d'implanter un centre administratif devant accueillir des personnels relevant du ministère de la défense dans des locaux à construire sur le site de l'ancien quartier des docks à Cambrai.
Sur la responsabilité de l'Etat :
2. La ministre des armées ne conteste pas le principe de la responsabilité de l'engagement de l'Etat à la suite de l'abandon du projet d'installation d'un centre administratif sur le territoire de la commune de Cambrai. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 2 du jugement attaqué, de confirmer cette responsabilité et de juger, eu égard à la fermeté des engagements de l'Etat, concrétisés par un courrier du ministre de la défense du 16 juillet 2010 intervenant à la suite de nombreux échanges relatifs à la reconversion du site militaire de Cambrai, décidée dès le mois de juillet 2008, et par la signature du contrat de redynamisation devant accompagner la fermeture de la base aérienne 103 de Cambrai-Epinoy signé le 9 février 2011 au nom de l'Etat par le ministre d'Etat, ministre de la défense et des anciens combattants, et le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, lequel comportait l'implantation d'un centre de liquidation des factures, que les démarches entreprises par la commune de Cambrai au cours de l'année 2010 ne sauraient être regardées comme révélant une imprudence de nature à atténuer la responsabilité de l'Etat à son égard.
Sur les préjudices :
3. Si la commune de Cambrai soutient avoir subi un préjudice financier lié à la perte de valeur d'un terrain qu'elle aurait acquis le 5 juillet 2010, elle n'apporte aucun élément permettant l'identification du terrain en cause, et n'établit ni la nécessité, ni la réalité, ni le coût de cette acquisition. Elle ne produit en outre ni la délibération de son conseil municipal de 2013 décidant, selon elle, de l'abandon du projet, ni la délibération de 2018 décidant la vente dudit terrain à une société à un prix inférieur au prix d'acquisition, ni l'acte de vente attestant de cette cession. Dans ces conditions, le préjudice invoqué n'est pas établi et les conclusions tendant à son indemnisation ne peuvent qu'être rejetées.
4. La commune de Cambrai invoque, en deuxième lieu, un préjudice lié au coût du portage foncier constitué par les frais administratifs de toute nature exposés dans le cadre du suivi du projet d'accueil d'un centre administratif relevant du ministère de la défense sur le site de l'ancien quartier des docks. Cependant, elle n'établit pas que ces coûts auraient dépassé ceux résultant du fonctionnement normal de ses services affectés à son développement économique. La seule circonstance que le projet ait finalement été abandonné n'est pas, à elle seule, de nature à ouvrir droit à une indemnisation des frais de portage exposés, en l'absence, notamment, de tout élément établissant l'impossibilité dans laquelle la commune de Cambrai se serait trouvée de poursuivre, parallèlement, d'autres projets de développement économique.
5. Si la méconnaissance par l'Etat d'une promesse de réalisation d'un projet immobilier peut être de nature à engager sa responsabilité, une telle promesse ne peut créer aucun droit à la réalisation du projet. La perte du bénéfice qu'une commune devant accueillir un projet escomptait de l'opération ne saurait, dès lors, constituer un préjudice indemnisable. La commune de Cambrai n'est par suite pas fondée à demander l'indemnisation des pertes fiscales potentielles résultant de l'abandon du projet litigieux.
6. La commune de Cambrai, qui se borne à invoquer des généralités sur l'importance de l'implantation du centre administratif projeté pour son développement économique, scolaire et culturel, n'apporte enfin aucun élément de nature à établir la réalité d'un préjudice moral résultant de l'atteinte portée à son image et à sa réputation par l'abandon du projet litigieux.
7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Cambrai n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de l'abandon par l'Etat du projet d'installation d'un centre administratif relevant du ministère de la défense sur son territoire. Il y a par suite lieu de rejeter sa requête, ensemble les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dont elle est assortie.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Cambrai est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cambrai et à la ministre des armées.
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N°18DA02461