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02/04/2020 | FRANCE | N°19DA01110

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 02 avril 2020, 19DA01110


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 27 août 2018 par laquelle le préfet du Nord lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé son pays de destination et d'enjoindre au préfet du Nord, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titr

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 27 août 2018 par laquelle le préfet du Nord lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé son pays de destination et d'enjoindre au préfet du Nord, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour dans le même délai, sous une même astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler dans l'attente de ce réexamen.

Par un jugement n° 1808139 du 28 février 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 mai 2019, et un mémoire enregistré le 8 novembre 2019 M. E..., représenté par Me D... C... puis par Me A... G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 27 août 2018 du préfet du Nord ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de l'admettre provisoirement au séjour dans les 15 jours de l'arrêt à intervenir et de procéder au réexamen de sa situation, sous une même astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 31 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant togolais né le 7 juin 1976 à Lomé, a déclaré être entré en France le 30 août 2016. Il a sollicité, le 7 juin 2017, la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté en date du 27 août 2018, le préfet du Nord lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. M. E... relève appel du jugement du 28 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

2. La décision attaquée énonce l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquels elle est fondée, de manière suffisamment circonstanciée pour mettre utilement M. E... en mesure d'en discuter les motifs. Par suite, alors même que ces motifs ne détaillent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle de l'intéressé, cette décision est suffisamment motivée.

3. L'appelant soutient que le préfet ne démontre pas que l'avis des trois médecins composant le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Office français de l'immigration et de l'intégration) a été rendu aux termes d'une délibération collégiale. Dès lors que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration émet l'avis suivant ", cette mention fait foi de son caractère collégial jusqu'à preuve du contraire. En l'espèce, cette preuve n'est pas rapportée par l'appelant.

4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans son avis émis le 22 octobre 2017, a estimé que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, d'une part, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, il peut y bénéficier d'un traitement approprié et, d'autre part, son état de santé pouvait permettre au requérant de voyager sans risque vers son pays d'origine.

6. Pour contester l'appréciation qu'a porté le préfet sur sa situation personnelle, à la suite de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et des éléments médicaux communiqués par l'intéressé, M. E... verse au dossier trois certificats médicaux, dont deux sont postérieurs à la décision attaquée, qui ne font état d'aucun élément de nature à remettre en cause l'existence d'un traitement approprié au Togo auquel il pourrait effectivement avoir accès. S'il soutient que le système de santé au Togo ne lui permet pas de pouvoir bénéficier d'un traitement approprié au regard de ses coûts excessifs, il n'apporte pas d'éléments probants à l'appui de cette allégation. Bien qu'il produise un certificat médical sur les causes du décès de son frère diabétique, d'ailleurs postérieur à la décision en litige, et que sa mère est atteinte de la même pathologie que lui, il n'est pas établi que cette maladie serait la seule cause du décès de son frère et des amputations qu'a subies sa mère. En outre, il n'allègue ni n'établit que son état de santé se serait dégradé entre la date à laquelle le collège des médecins a rendu son avis et celle de la décision en litige. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 11°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'erreur manifeste d'appréciation de son état de santé et de ce que le préfet n'aurait pas examiné sérieusement son état de santé doivent être écartés.

7. L'appelant fait valoir qu'il était en France depuis plus de deux ans à la date de la décision en litige et qu'il a pu stabiliser sa situation personnelle et médicale en se reconstruisant un cercle social. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il n'établit pas disposer de liens particuliers, d'ordre privé ou familial, sur le territoire français, alors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où réside encore sa mère et où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 40 ans. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, il n'établit pas qu'un retour au Togo serait de nature à provoquer par lui-même une dégradation de son état de santé. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et méconnaîtrait ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de l'intéressé.

8. Si l'appelant soutient, au contraire de ce qu'il a déclaré au préfet en demandant l'octroi d'un titre de séjour, ne pas être marié avec Mme F..., de nationalité togolaise, il n'établit pas que le préfet se serait fondé, en mentionnant que son épouse se trouve dans son pays d'origine, sur une situation matrimoniale inexacte.

9. Il résulte de ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un titre de séjour serait illégale.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Il résulte de ce qui a été dit au point 9, que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision de refus de séjour doit être écarté.

11. La décision en litige comporte les considérations de fait et de droit qui en constitue le fondement. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'elle est insuffisamment motivée doit être écarté.

12. Aux termes du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

13. Il résulte de ce qui est énoncé au point 6 que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celui tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de l'état de santé de l'intéressé ne peuvent qu'être écartés. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de l'intéressé.

14. Pour les mêmes raisons que celles qui sont exposées au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

15. Il résulte de ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

16. Il résulte de ce qui a été dit au point 9, que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision de refus de séjour doit être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 28 février 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 aout 2018 du préfet du Nord. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., au ministre de l'intérieur et à Me G....

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01110
Date de la décision : 02/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre Bouchut
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : HERDEWYN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-04-02;19da01110 ?
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