La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/04/2020 | FRANCE | N°19DA01026

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 02 avril 2020, 19DA01026


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 mars 2019 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par une ordonnance n° 1901813 du 4 avril 2019, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Lille a prononcé un non-lieu, en l'état, sur sa demande.

Procédure

devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 mai 2019, et un mémoire, enregistré le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 mars 2019 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par une ordonnance n° 1901813 du 4 avril 2019, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Lille a prononcé un non-lieu, en l'état, sur sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 mai 2019, et un mémoire, enregistré le 16 juillet 2019, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. A... B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

---------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur la régularité de l'ordonnance :

1. Contrairement à ce que soutient M. B..., il appartient au justiciable, en cas de changement d'adresse, d'en informer le greffe de la juridiction, afin de permettre à ce dernier de lui communiquer les pièces de la procédure contentieuse. Par une ordonnance du 3 mars 2019, postérieure à l'introduction de la demande de M. B... devant le tribunal administratif de Lille, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Lille a mis fin à la mesure de rétention administrative dont faisait l'objet l'intéressé. Il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance que M. B... aurait, à la suite de sa libération du centre de rétention administrative, indiqué au greffe du tribunal administratif une adresse à laquelle il pouvait être joint ou pris toute autre disposition utile de nature à permettre l'acheminement des courriers qui lui étaient destinés.

2. Cependant, le tribunal ne se trouvait pas, du seul fait qu'il ne disposait pas de la nouvelle adresse de M. B..., dans l'impossibilité provisoire de statuer sur la demande dont il était saisi. Cette demande, ayant donné lieu à un mémoire en défense présenté par le préfet du Nord lequel mémoire pouvait régulièrement être communiqué par le greffe du tribunal à la dernière adresse connue de M. B..., était en état d'être jugée. M. B... est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Lille a jugé qu'il n'y avait pas lieu, en l'état, de statuer sur sa demande.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lille.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. Par un arrêté du 26 février 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, le préfet du Nord a donné délégation à M. D... C..., chef de la section de l'éloignement auprès du bureau de la lutte contre l'immigration irrégulière de la direction de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer, notamment, les décisions relatives aux obligations de quitter le territoire français avec ou sans délai de départ volontaire ainsi que les décisions fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée manque en fait et doit, dès lors, être écarté.

5. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. / (...) ". La décision attaquée indique précisément les textes dont elle fait application, fait état de la situation personnelle et familiale de l'intéressé et indique les motifs de droit et de fait fondant cette décision. Elle est par suite suffisamment motivée.

6. M. B..., s'il soutient vivre en France avec son épouse et leurs enfants, ne produit, en dehors d'une attestation qui aurait été rédigée par son épouse, aucune pièce établissant ces allégations. Il indique lui-même être entré en France au cours du mois de décembre 2018, soit trois mois avant l'arrêté en litige, n'apporte aucune précision sur l'intensité des liens personnels qu'il aurait tissés sur le territoire français, et ne démontre pas qu'il y aurait durablement fixé le centre de ses intérêts. Rien ne s'oppose à la reconstitution de la cellule familiale hors de France, et en particulier en Bosnie, où M. B... a toujours vécu jusqu'à son arrivée sur le territoire français. M. B... n'est ainsi pas fondé à soutenir que le préfet du Nord, en l'obligeant à quitter le territoire français, a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, et alors que M. B... n'établit pas que l'hépatite B dont il est atteint ne pourrait pas être soignée dans son pays d'origine, cette autorité n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 6 que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale.

Sur la décision portant refus d'un délai de départ volontaire :

8. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) / (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 / (...) ".

9. M. B... ne se prévaut ni de la possession d'un document d'identité ou de voyage, ni ne justifie d'une résidence effective ou permanente. Il n'invoque aucune circonstance de nature à écarter un risque de fuite de sa part. Par suite, il rentre dans le champ d'application des dispositions ci-dessus reproduites du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet du Nord a ainsi pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, refuser de lui accorder un délai de départ volontaire.

Sur la décision portant fixation du pays de destination :

10. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée, qui manque en fait ainsi qu'il a été dit au point 4, doit être écarté.

11. Si la motivation de fait de la décision fixant le pays de destination ne se confond pas nécessairement avec celle obligeant l'étranger à quitter le territoire, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel est mentionné dans la décision attaquée. Par ailleurs, le préfet du Nord a suffisamment motivé en fait sa décision en mentionnant la nationalité de l'intéressé et en précisant que la décision ne méconnaissait pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision fixant le pays de destination doit être écarté.

12. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision obligeant M. B... à quitter le territoire français doit être écarté.

13. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est assorti d'aucune précision permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

Sur la décision portant interdiction de retour :

14. Le moyen tiré de l'erreur d'appréciant entachant la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français n'est assorti d'aucune précision permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

Sur les frais du procès :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie principalement perdante, la somme que M. B... réclame au titre des frais du procès.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance du 4 avril 2019 du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Lille est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lille et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

N°19DA01026 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01026
Date de la décision : 02/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Droits civils et individuels - Convention européenne des droits de l'homme - Droits garantis par la convention - Droit à un procès équitable (art - 6).

Procédure - Incidents - Non-lieu - Existence - Non-lieu en l'état.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jimmy Robbe
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : CHAFI-SHALAK

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-04-02;19da01026 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award