Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 mars 2019 par lequel la préfète de la Somme l'a assigné à résidence.
Par un jugement n° 1901126 du 11 avril 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a annulé l'article 3 cet arrêté, obligeant l'intéressé à demeurer dans les locaux où il réside, et rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 avril 2018, la préfète de la Somme demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé l'article 3 de son arrêté du 26 mars 2019 ;
2°) de rejeter dans cette mesure la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif d'Amiens.
---------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, né le 6 mai 1998, est entré sur le territoire français le 17 décembre 2014, selon ses déclarations. Sa demande d'asile déposée le 14 juin 2016 a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 29 novembre 2016, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 12 juillet 2017. Il a fait l'objet, le 1er août 2017, d'un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, confirmé par le tribunal administratif d'Amiens par un jugement du 19 septembre 2017, devenu définitif. Il s'est maintenu sur le territoire français. Par la suite, le préfet de la Somme lui a, par un nouvel arrêté en date du 22 août 2018, refusé une seconde fois la délivrance d'un titre de séjour, a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Cet arrêté a été confirmé par le tribunal administratif d'Amiens par un jugement du 10 octobre 2018, et par la cour administrative d'appel par une ordonnance du 18 mars 2019, devenue définitive. M. A... a été, par l'article 1er de l'arrêté du 26 mars 2019 de la préfète de la Somme, assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, par l'article 2 de cet arrêté, astreint à des obligations de présentation au commissariat d'Amiens, et, par son article 3, obligé de demeurer, entre 8h00 et 11h00, dans les locaux où il réside chaque jour. La préfète de la Somme relève appel du jugement du 11 avril 2019 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens en tant que celui-ci a annulé l'article 3 de son arrêté du 26 mars 2019.
Sur l'exception de non-lieu :
2. La seule circonstance qu'un nouvel arrêté d'assignation à résidence, postérieur à celui en litige du 26 mars 2019, a été édicté par la préfète de la Somme à l'encontre de M. A..., n'a ni pour objet ni pour effet de retirer ou d'abroger cet arrêté du 26 mars 2019. L'édiction de ce second arrêté ne prive pas d'objet la requête d'appel présentée par cette autorité administrative contre le jugement annulant son arrêté du 26 mars 2019. Il suit de là que l'exception de non-lieu, à la supposer soulevée par M. A..., doit être écartée.
Sur le motif d'annulation retenu par le premier juge :
3. Le I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permet à l'autorité administrative de : " prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable ", notamment lorsque cet étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé.
4. L'avant dernier alinéa de l'article L. 561-1 du même code, qui s'applique aux assignations à résidence prononcées en application de l'article L. 561-2 en vertu du dixième alinéa de ce même article, dispose que : " L'autorité administrative peut également, aux fins de préparation du départ de l'étranger, lui désigner, en tenant compte des impératifs de la vie privée et familiale, une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside, dans la limite de trois heures consécutives par période de vingt-quatre heures (...) ". L'article R. 561-2 du même code précise que : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application des articles L. 561-1, L. 561-2, L. 744-9-1 ou L. 571-4 ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5 est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés. / Toutefois, lorsque l'étranger est assigné à résidence en application de l'article L. 561-1 au titre du 5° de cet article ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5, l'autorité administrative peut fixer à quatre au plus le nombre de présentations quotidiennes. La même autorité administrative est compétente pour désigner à l'étranger assigné à résidence, en application de l'article L. 561-1, une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside ".
5. Il ressort de ces dispositions qu'une mesure d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile consiste, pour l'autorité administrative qui la prononce, à déterminer un périmètre que l'étranger ne peut quitter et au sein duquel il est autorisé à circuler et, afin de s'assurer du respect de cette obligation, à lui imposer de se présenter, selon une périodicité déterminée, aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Une telle mesure peut inclure une astreinte à domicile pour une durée limitée.
6. L'arrêté en litige indique que : " M. A... ne peut quitter immédiatement le territoire français mais que son éloignement demeure une perspective raisonnable ". En supposant même que la préfète ait entendu assigner à résidence M. A... sur le fondement des dispositions ci-dessus reproduites du I de l'article L. 561-2, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que cette circonstance ne faisait pas obstacle, dès lors que l'assignation à résidence prononcée par l'article 1er de cet arrêté n'excède pas quarante-cinq jours et qu'elle n'a pas été renouvelée, à ce que cette autorité fasse usage de la faculté, qu'elle tient de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 561-1, également applicable à l'assignation à résidence prononcée sur le fondement du I de l'article L. 561-2, de désigner une plage horaire pendant laquelle M. A... doit demeurer dans les locaux où il réside, dans la limite de trois heures consécutives par période de vingt-quatre heures. La préfète de la Somme est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a retenu le moyen tiré de ce que, l'assignation à résidence ayant été prononcée sur le fondement du I de l'article L. 561-2, la préfète ne pouvait faire usage de cette faculté.
7. Il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant la juridiction administrative.
Sur les autres moyens soulevés par M. A... :
8. Les dispositions de la Charte de l'Union européenne et les principes généraux du droit de l'Union européenne ne trouvent à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit de l'Union européenne. Le moyen tiré de ce que l'astreinte à domicile prévue à l'article 3 de l'arrêté en litige a été décidée en méconnaissance du droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union européenne, ne peut donc en tout état de cause qu'être écarté, dès lors que les conditions dans lesquelles les étrangers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement peuvent être astreints à domicile ne sont pas régies par le droit de l'Union, et en particulier par la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
9. La seule circonstance alléguée que M. A... est scolarisé ne suffit pas, en l'absence d'autres précisions à cet égard, à caractériser une erreur d'appréciation qu'aurait commise la préfète en astreignant l'intéressé à domicile entre 8h00 et 11h00.
10. Il résulte de tout ce qui précède qu'aucun des moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif d'Amiens ou devant la cour n'est fondé. Par voie de conséquence, la préfète de la Somme est fondée à demander l'annulation du jugement du 11 avril 2019 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il annulé l'article 3 de son arrêté du 26 mars 2019 ainsi que le rejet, dans cette mesure, de la demande de première instance de M. A.... Les conclusions présentées en appel par M. A... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées, par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1901126 du 11 avril 2019 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens, en tant qu'il annule l'article 3 de l'arrêté du 26 mars 2019 de la préfète de la Somme, est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif d'Amiens tendant à l'annulation de l'article 3 de l'arrêté mentionné à l'article 1er ci-dessus, et ses conclusions d'appel, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... A... et à Me C... D....
Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Somme.
N°19DA00924 2