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02/04/2020 | FRANCE | N°18DA01111

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 02 avril 2020, 18DA01111


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 17 avril 2015 par laquelle le directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) " Résidence du Chemin vert " de Trélon a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 12 septembre 2014 et l'a placée à compter de cette date en congé de maladie ordinaire, et d'enjoindre à cette autorité de reconnaître cette imputabilité.

Par un jugement n° 1505058

du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Lille a fait droit à ces demandes.

Par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 17 avril 2015 par laquelle le directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) " Résidence du Chemin vert " de Trélon a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 12 septembre 2014 et l'a placée à compter de cette date en congé de maladie ordinaire, et d'enjoindre à cette autorité de reconnaître cette imputabilité.

Par un jugement n° 1505058 du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Lille a fait droit à ces demandes.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 31 mai et 10 décembre 2018, l'EHPAD " Résidence du Chemin vert ", représenté par Me C... E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., substituant Me E..., représentant l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " Résidence du Chemin vert ".

Considérant ce qui suit :

1. L'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " Résidence du Chemin vert " interjette régulièrement appel du jugement du 29 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 17 avril 2015 refusant de reconnaître l'imputabilité au service du syndrome d'épuisement professionnel de Mme B..., infirmière diplômée d'Etat exerçant ses fonctions au sein de l'établissement depuis le 1er juillet 2002, déclaré le 12 septembre 2014.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...). / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales ".

3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

4. En l'espèce, si la réalité du syndrome d'épuisement professionnel dont souffre Mme B... n'est pas contestée, il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, que cette maladie présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec les conditions de travail de l'intéressée. Si Mme B... invoque une surcharge de travail liée au fait qu'elle assure seule la prise en charge des résidents, d'une part, telle a été la situation entre son arrivée dans cet établissement le 1er juillet 2002 et le 1er septembre 2011, date à partir de laquelle une nouvelle organisation du temps de travail a été mise en place pour les infirmières qui ont pu travailler en poste de douze heures journalières suivi de deux à trois jours de repos, et, d'autre part, à compter de cette date, une réorganisation des plannings a permis aux infirmières d'exercer plusieurs jours par mois leur activité en binôme. Il n'est ainsi pas contesté par l'intéressée qu'en 2014, sur soixante-sept jours travaillés entre les mois de janvier et septembre, Mme B... a travaillé vingt-six jours en binôme. Par suite, et alors qu'il est constant qu'il ne lui ait été pas demandé d'effectuer des heures supplémentaires, l'intimée n'établit pas que cette charge de travail, qui existe pour l'ensemble des autres infirmières, présenterait un caractère excessif au regard de ses attributions.

5. Si Mme B... invoque également le surcroît de travail imposé par la mise en place au sein de l'établissement d'un accueil de jour, elle ne conteste pas les affirmations, au demeurant établies par les documents produits par l'établissement, selon lesquelles, d'une part, ces accueils génèrent une activité professionnelle réduite, deux résidents ayant été accueillis aux mois de janvier et de février 2014 et trois aux mois de mars et avril de la même année, et, d'autre part, ces résidents sont principalement pris en charge par les assistants de soins en gérontologie, n'ayant pas besoin à titre principal de soins infirmiers.

6. Mme B... n'établit pas plus l'imputabilité au service du syndrome d'épuisement professionnel dont elle souffre en reprenant point par point les éléments contenus dans le rapport de sa cadre de santé en date du 24 octobre 2014, qui pour la plupart ne portent que sur des événements ponctuels et sur la conception que se fait Mme B... de son activité professionnelle. Si celle-ci soutient que, contrairement à ce que laisse à penser ledit rapport, l'ensemble des tâches qu'elle accomplit est nécessaire, elle n'établit ni même n'allègue, en tout état de cause, qu'il lui aurait été demandé d'assumer des fonctions plus lourdes que celles de ses autres collègues.

7. Enfin, les rapports des expertises psychologiques de Mme B..., demandés par la direction de l'établissement, en date des 24 octobre 2014 et 10 mars 2015, ont été établis, pour le premier, exclusivement sur le fondement des déclarations de l'intéressée et, pour le second, sur le fondement de ces déclarations sans qu'à aucun moment ne soit évoquées en regard les observations pourtant circonstanciées adressées par la direction de l'établissement à l'expert. Ces rapports mettent au demeurant en avant la personnalité perfectionniste de l'intéressée, qui reconnaît elle-même exercer une surveillance pointilleuse du travail de ses collègues et intervenir lorsqu'elle estime que leurs tâches n'ont pas été réalisées à la hauteur de ses exigences personnelles. Ces rapports ne permettent pas, à eux seuls, d'établir que l'état dépressif d'épuisement de Mme B... serait en lien direct avec un contexte professionnel ou des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause.

8. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la reconnaissance d'un lien direct entre l'exercice des fonctions ou les conditions de travail de Mme B... et le syndrome d'épuisement professionnel dont elle souffre pour annuler la décision du 17 avril 2015 refusant la reconnaissance d'un tel lien. La demande de première instance étant exclusivement fondée sur l'erreur d'appréciation commise par l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " Résidence du Chemin vert ", celui-ci est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision litigieuse et lui a enjoint de reconnaître l'imputabilité au service de l'épuisement professionnel de Mme B.... Par suite, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " Résidence du Chemin vert " est fondé à demander l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Lille.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " Résidence du Chemin vert ", qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée au même titre par l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " Résidence du Chemin vert ".

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1505058 du 29 mars 2018 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " Résidence du Chemin vert " et les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par Mme B... sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " Résidence du Chemin vert " et à Mme A... B....

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N°18DA01111


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01111
Date de la décision : 02/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : HANUS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-04-02;18da01111 ?
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