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02/04/2020 | FRANCE | N°18DA00910,18DA00914

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 02 avril 2020, 18DA00910,18DA00914


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, à titre principal, de condamner le centre hospitalier universitaire de Rouen à lui verser la somme totale de 2 178 916 euros, assortie des intérêts à compter du 25 avril 2014, et leur capitalisation en réparation de l'ensemble des préjudices subis à la suite de sa prise en charge médicale en 2011, à titre subsidiaire, à ce que cette somme soit mise à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatro

gènes et des infections nosocomiales au titre de la solidarité nationale.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, à titre principal, de condamner le centre hospitalier universitaire de Rouen à lui verser la somme totale de 2 178 916 euros, assortie des intérêts à compter du 25 avril 2014, et leur capitalisation en réparation de l'ensemble des préjudices subis à la suite de sa prise en charge médicale en 2011, à titre subsidiaire, à ce que cette somme soit mise à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales au titre de la solidarité nationale.

Par un jugement n° 1401909 du 28 février 2018, le tribunal administratif de Rouen, a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à verser, au titre de la solidarité nationale, à Mme B... la somme de 331 511 euros, assortie des intérêts au taux légal et capitalisation de ceux-ci et condamné le centre hospitalier universitaire de Rouen à verser à Mme B... la même somme, assortie des mêmes intérêts avec capitalisation de ceux-ci.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 mai 2018, 3 décembre 2018, 10 janvier 2020 et 31 janvier 2020 sous le n° 18DA00910, Mme B..., représentée par Me C... H..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Rouen à lui verser, à titre principal, la somme totale de 2 178 916 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis, avec intérêts au taux légal et capitalisation de ceux-ci et, à titre subsidiaire, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Rouen 80 % de cette somme au titre du partage de responsabilité entre celui-ci et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

3°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier universitaire de Rouen et de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales une somme globale de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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II. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 mai 2018, 31 décembre 2018 et 3 février 2020, sous le n° 18DA00914, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me D... E..., demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter les demandes indemnitaires de Mme B... dirigées contre lui ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement du tribunal administratif de Rouen du 28 février 2018 en tant qu'il l'a condamné à verser à Mme B... une somme totale de 331 511 euros.

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Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,

- et les observations de Me F... A..., représentant Mme B....

Des notes en délibéré présentées pour Mme B... ont été enregistrées le 3 mars 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., alors âgée de dix-neuf ans, présentant des lombalgies persistantes liées à un spondylolisthésis, soit une anomalie de la colonne rachidienne à l'étage lombo-sacré au niveau des vertèbres L5-S1 associées, a subi, le 18 novembre 2011 au centre hospitalier universitaire de Rouen, une intervention chirurgicale consistant en une discectomie avec pose d'une cage intersomatique et d'un matériel d'arthrodèse. A la suite de la survenue de complications neurologiques en post-opératoire, Mme B... a recherché la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Rouen. Mme B... relève appel du jugement du 28 février 2018 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'après avoir jugé que le centre hospitalier universitaire de Rouen avait manqué à son obligation d'information vis-à-vis d'elle, à l'origine d'une perte de chance d'échapper aux séquelles neurologiques dont elle a été atteinte à hauteur de 50 % et qu'en l'absence de faute technique, ces complications procédaient d'un aléa thérapeutique, il a fixé à 663 022 euros le montant total de sa créance, mis à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la moitié de celle-ci, soit la somme de 331 511 euros et à la charge du centre hospitalier universitaire de Rouen l'autre moitié. L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) demande la réformation de ce jugement et sa mise hors de cause. Le centre hospitalier universitaire de Rouen, par la voie de l'appel incident, demande la réformation du jugement sur le montant de l'indemnisation accordée et en ce qu'il a retenu un taux de perte de chance de 50 %.

2. La requête n° 18DA00910 présentée par Mme B... et la requête n° 18DA00914 présentée par l'ONIAM présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Rouen :

3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".

4. Il résulte de l'instruction, et en particulier des rapports d'expertise judiciaires, que Mme B... présentait un spondylolisthésis de grade I, et souffrait de douleurs lombaires quotidiennes, d'allure mécanique, avec une raideur matinale et de paresthésies, soit des fourmillements du membre inférieur droit apparues en 2009 qui avaient repris de façon plus intenses en août 2011, après avoir cependant disparu pendant le déroulement de sa grossesse. Il ressort tant du rapport de l'expertise ordonnée en mars 2016 que de celle ordonnée en mars 2017 que l'indication chirurgicale est retenue devant un tableau de lombalgies et de sciatalgie évoluant depuis plusieurs années et résistant au traitement médical et que " les indications doivent impérativement rester cliniques et le recours au traitement chirurgical ne doit être envisagé qu'une fois épuisées les ressources des traitements conservateurs ", soit par une rééducation de re-musculation, un apprentissage ergonomique du maintien du verrouillage lombo-sacré, une adaptation professionnelle et de la pratique sportive. Selon le second expert, lorsqu'est retrouvée une souffrance radiculaire, la chirurgie peut être considérée comme l'une des options possibles. Il résulte également des dires de l'expert mandaté par l'ONIAM que seule une compression radiculaire ou médullaire liée à une modification anatomique doit poser l'indication de réduction afin de libérer les racines mais cette intervention doit toujours se faire après un traitement de rééducation bien conduit et une baisse du surpoids. Enfin, il ressort des conclusions du rapport d'un autre praticien, qui a examiné Mme B... à sa demande, que le traitement d'un spondylolisthésis de grade I sur un sujet jeune est d'abord médical et orthopédique à base d'antalgiques, de corset, de gymnastique et de rééducation pendant une période d'un an, le traitement chirurgical étant envisagé en présence d'un échec complet du traitement médical ou lorsque surviennent des troubles neurologiques déficitaires patents. Cette position est corroborée par la littérature médicale, dont il ressort de l'un des articles cités par le premier expert que " dans la majorité des cas, un traitement conservateur reste efficace et suffisant et que le traitement chirurgical ne trouve sa place qu'après l'échec d'un traitement médical ou bien en présence de troubles neurologiques moteurs ". En l'espèce, si Mme B... présentait en août 2011 un tableau de douleurs importantes tant lombaires que radiculaires, résistantes aux antalgiques classiques, irradiant dans la jambe droite et des paresthésies du membre inférieur droit, le chirurgien qui a opéré l'intéressée, a cependant noté en pré-opératoire une absence de déficit moteur ou sensitif, une absence d'anomalie des réflexes rotuliens ou achilléen. Il résulte ainsi de ces éléments qu'au vu de la symptomatologie douloureuse dont souffrait Mme B..., traitée jusqu'ici par des antalgiques de palier I, qui ne présentait pas de déficit moteur ou sensitif, ni de compression médullaire ou radiculaire sur la base des examens cliniques et techniques réalisés, le choix de procéder à une intervention chirurgicale d'emblée sans envisager une autre alternative thérapeutique présente ainsi un caractère fautif. Cette faute, à laquelle s'ajoute également une absence d'information de Mme B..., des risques liés à cette intervention, en particulier quant aux complications neurologiques et de l'existence d'alternatives thérapeutiques médicales à cette intervention, est de nature à entraîner l'entière responsabilité du centre hospitalier universitaire de Rouen et non d'une perte de chance de 50 % d'éviter les conséquences du dommage, comme l'ont estimé à tort les premiers juges.

Sur la mise en oeuvre de la solidarité nationale :

5. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. ".

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4, que l'entière responsabilité du centre hospitalier universitaire de Rouen est engagée. Par suite, l'ONIAM est fondé à soutenir qu'il ne peut être condamné à réparer le préjudice de Mme B... au titre des dispositions précitées.

Sur l'évaluation des préjudices :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

S'agissant des dépenses d'assistance par une tierce personne :

Quant à la période temporaire :

7. Il ressort du second rapport d'expertise que Mme B..., mère de trois enfants, présentant un déficit fonctionnel temporaire total du 25 novembre 2011 au 28 février 2012 puis un déficit fonctionnel temporaire partiel de 50 % du 1er mars 2012 au 29 octobre 2012 puis de 40 % du 30 octobre 2012 au 22 septembre 2015, a eu besoin de l'assistance d'une tierce personne à raison de trois heures par jour entre le 25 novembre 2011 au 22 septembre 2015, date de sa consolidation. Durant cette période, il convient d'exclure 95 jours d'hospitalisation de Mme B... du 25 novembre 2011 au 28 février 2012. En se fondant sur un taux horaire de 13 euros tenant compte des charges patronales correspondant au coût de l'aide non médicalisée du 25 novembre 2011 au 21 septembre 2015, période d'hospitalisation exclue, soit 1 296 jours, à raison de trois heures par jour jusqu'à la date de consolidation de son état de santé, fixée au 22 septembre 2015, sur une base annuelle de 412 jours afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, le coût de l'assistance par une tierce personne pour la période concernée peut être évalué à la somme de 57 064,176 euros. Contrairement à ce que soutient le centre hospitalier universitaire de Rouen, il n'y pas lieu de déduire du montant de la somme due pour ce poste de préjudice l'allocation aux adultes handicapés, que Mme B... a perçue du 1er avril 2012 au 22 septembre 2015 dès lors qu'une telle allocation constitue, conformément aux dispositions de l'article L. 811-1-1 du code de l'action sociale et des familles, une garantie de ressources et n'a pas pour objet de compenser les besoins d'assistance liés au handicap. Il ne résulte pas de l'instruction que Mme B... ait perçu la prestation de compensation du handicap prévue par l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles, par suite il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Rouen la somme de 57 064,17 euros au titre de ce chef de préjudice.

Quant à la période après consolidation :

8. Il ressort du même rapport d'expertise que l'intéressée, atteinte d'un déficit fonctionnel permanent de 30 %, a besoin de l'assistance d'une tierce personne à raison de 2 heures par jour plus une heure par jour pour les enfants jusqu'au huitième anniversaire du dernier enfant né le 22 août 2016 à compter du 22 septembre 2015, date de consolidation de son état de santé. En se fondant sur le même taux horaire que celui fixé au point 7 et sur une même base annuelle de 412 jours, il sera fait une juste appréciation du coût de l'assistance par une tierce personne à raison de deux heures par jour pour la période postérieure au 22 septembre 2015 jusqu'à la date de lecture du présent arrêt, et d'une heure par jour supplémentaire du 22 septembre 2015 au 31 décembre 2023 à la somme de 101 917,088 euros. En retenant un taux horaire moyen de 15 euros à compter du 1er janvier 2024 jusqu'au 22 août 2024, date du huitième anniversaire du dernier enfant, il sera fait une juste appréciation de ce coût en l'évaluant à la somme de 3 911,985 euros. Au total, la somme correspondant aux besoins d'assistance par une tierce personne s'élève ainsi à 105 829,073 euros. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 7, il n'y a pas lieu de déduire l'allocation d'adulte handicapé perçue par Mme B.... Par suite, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Rouen la somme de 105 829,07 euros au titre de ce chef de préjudice.

Quant aux besoins futurs :

9. L'expert a estimé le besoin d'assistance par une tierce personne après consolidation et à titre permanent à raison de 2 heures par jour. Par suite, le centre hospitalier universitaire de Rouen devra verser à Mme B..., à compter de la date de lecture du présent arrêt, une rente mensuelle indemnisant l'aide d'une tierce personne pour les gestes de la vie quotidienne à raison de 2 heures par jour au taux horaire de 15 euros, soit 14 heures par semaine, sur une base annuelle de 58 semaines, dont le montant payable à terme échu, fixé à 1 015 euros à cette même date, sera revalorisé par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

S'agissant des préjudices professionnels de Mme B... :

Quant aux pertes de gains professionnels :

10. Il résulte de l'instruction que Mme B..., sans diplôme, a seulement exercé pendant six mois les fonctions d'agent dans le textile dans le cadre d'un contrat aidé, à durée déterminée arrivé à son terme en septembre 2011 et elle est demeurée depuis sans profession. Il résulte de ces éléments et en particulier du caractère temporaire et précaire de son activité et de l'absence de justificatifs quant à une démarche sérieuse de recherche d'emploi, que Mme B... n'établit pas le caractère réel et certain de ce chef de préjudice.

Quant à l'incidence professionnelle :

11. Il ressort du second rapport d'expertise que l'intéressée reste atteinte d'un déficit fonctionnel permanent de 30 % qui ne la rend pas inapte à toute activité professionnelle mais la cantonne à un emploi sédentaire sur un poste aménagé. Compte tenu du jeune âge de l'intéressée à la date des faits dont elle a été victime, les premiers juges ont fait une insuffisante appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 10 000 euros. Il y a lieu de porter cette somme à 30 000 euros et de la mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Rouen.

12. Eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par les dispositions des articles L. 821-1 et L. 821-1-1 du code de la sécurité sociale précitées, l'allocation aux adultes handicapés et le complément de ressources doivent être regardés comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité. Par ailleurs, aucune disposition ne permet à l'organisme qui a versé ces prestations d'en réclamer au bénéficiaire le remboursement si celui-ci revient à meilleure fortune.

13. Il résulte de l'instruction, notamment des attestations de droits délivrées le 8 janvier 2020 par la caisse d'allocations familiales de l'Eure, que Mme B... est bénéficiaire de l'allocation aux adultes handicapés depuis le 1er avril 2012 jusqu'au 31 décembre 2015 et celle-ci a été renouvelée à compter du 31 mars 2016 jusqu'au 31 décembre 2019. Elle perçoit à ce titre une allocation mensuelle qu'il y a lieu de déduire de l'indemnité due au titre de l'incidence professionnelle en application de ce qui a été dit au point précédent. Le montant cumulé de cette aide perçue étant de 58 966,37 euros, soit un montant supérieur à l'indemnité de 30 000 euros à laquelle elle a droit, il n'y a pas lieu de l'indemniser de ce chef de préjudice.

Quant aux frais divers :

14. Mme B... demande le remboursement des frais d'honoraires de son médecin conseil qui l'a assistée dans les opérations d'expertise pour un montant de 12 429,40 euros. L'intéressée ne justifiant pas du caractère élevé de ces honoraires par les seules mentions d'un examen ou d'un réexamen des pièces du dossier par ce médecin, il sera fait une juste évaluation de ce chef de préjudice en portant la somme de 2 000 euros allouée à l'intéressée par les premiers juges à 5 800 euros.

Quant aux frais de véhicule adapté :

15. Il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressée ait besoin d'un véhicule aménagé. En outre, Mme B... ne dispose pas du permis de conduire. Par suite, ce chef de préjudice ne présentant pas un caractère certain, Mme B... ne peut prétendre à aucune indemnisation à ce titre.

Quant aux frais de logement adapté :

16. Il résulte de l'instruction qu'au moment des opérations d'expertise, Mme B... habitait dans un logement adapté. Si l'intéressée précise dans le dernier état de ses écritures qu'elle a déménagé et demande à ce que ce poste de préjudice soit réservé, il n'appartient pas au juge administratif de donner acte de réserves quant à des préjudices futurs éventuels.

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :

S'agissant des préjudices temporaires :

Quant au déficit fonctionnel temporaire :

17. Mme B... a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 25 novembre 2011 au 28 février 2012, soit 95 jours puis un déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % du 1er mars 2012 au 29 octobre 2012, soit 242 jours puis un déficit fonctionnel temporaire partiel à 40 % du 30 octobre 2012 au 21 septembre 2015, veille de la date de consolidation de son état de santé. Les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante évaluation du préjudice subi en le fixant à la somme totale de 8 299 euros.

Quant aux souffrances endurées :

18. Les douleurs éprouvées par Mme B... ont été estimées par le dernier rapport d'expertise à 5,5 sur une échelle de 7. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en l'évaluant à la somme de 20 000 euros.

Quant au préjudice esthétique temporaire :

19. Mme B... a subi un préjudice esthétique temporaire qui a été estimé par le dernier rapport d'expertise à 4 sur une échelle de 7. Compte tenu des déplacements effectués par Mme B... en fauteuil roulant, puis en déambulateur, puis avec des cannes, il y a lieu d'évaluer ce chef de préjudice à la somme de 3 000 euros.

S'agissant des préjudices permanents :

Quant au déficit fonctionnel permanent :

20. Il ressort du dernier rapport d'expertise, que Mme B... conserve, depuis la consolidation de son état de santé intervenue le 22 septembre 2015, un déficit fonctionnel permanent de 30 %. Mme B... étant âgée de 24 ans à la date de consolidation de son état de santé, les premiers juges ont fait une insuffisante appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 60 000 euros. Il y a lieu de porter cette somme à 70 000 euros.

Quant au préjudice esthétique permanent :

21. Ce préjudice a été estimé par le dernier rapport d'expertise à 3 sur une échelle de 7 compte tenu d'un steppage à droite à la marche. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en allouant à Mme B... une somme de 3 500 euros.

Quant au préjudice d'agrément :

22. Le dernier expert retient ce chef de préjudice après avoir précisé que Mme B... était une jeune femme très sportive qui pratiquait le football en club. Par suite, les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 5 000 euros.

Quant au préjudice sexuel :

23. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en l'évaluant à la somme de 5 000 euros.

24. Il résulte de tout ce qui précède que la somme de 331 511 euros que le centre hospitalier universitaire de Rouen a été condamné à verser à Mme B..., par le jugement attaqué, est ramenée à la somme de 283 492,249 euros à laquelle s'ajoute une rente mensuelle de 1 015 euros pour les besoins futurs de tierce personne.

Sur les frais liés à l'instance :

25. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Rouen le versement à Mme B... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est mis hors de cause.

Article 2 : La somme de 331 511 euros que le centre hospitalier universitaire de Rouen a été condamné à verser à Mme B... par l'article 2 du jugement du 28 février 2018 du tribunal administratif de Rouen est ramenée à 283 492,249 euros à laquelle s'ajoute une rente mensuelle de 1 015 euros pour les besoins futurs de tierce personne.

Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Rouen versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le jugement n° 1401909 du 28 février 2018 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... B..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au centre hospitalier universitaire de Rouen, et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure.

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N°18DA00910,18DA00914


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00910,18DA00914
Date de la décision : 02/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : CABINET ANDRE - PORTAILLER ; CABINET ANDRE - PORTAILLER ; UGGC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-04-02;18da00910.18da00914 ?
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