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09/03/2020 | FRANCE | N°19DA02427

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 09 mars 2020, 19DA02427


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 6 février 2019 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1902113 du 3 octobre 2019, le tribunal adminis

tratif de Rouen a annulé l'arrêté du 6 février 2019.

Procédure devant la cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 6 février 2019 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1902113 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 6 février 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 octobre 2019, et un mémoire, enregistré le 31 janvier 2020, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. A... B....

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Christian Boulanger, président de chambre,

- et les observations de Me C... D..., représentant M. A... B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant tunisien né le 1er avril 1986, est entré en France le 7 octobre 2010, sous couvert d'un visa de long séjour étudiant. Il a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étudiant jusqu'au 29 septembre 2012. Sa demande de renouvellement de titre de séjour a été rejetée le 30 juillet 2014 par le préfet de la Seine-Maritime qui a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français. L'intimé a ensuite sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 6 février 2019, l'autorité préfectorale a rejeté cette demande et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français et d'une interdiction de revenir sur ce même territoire pour une durée d'un an. Le préfet relève appel du jugement du 3 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 6 février 2019.

2. M. A... B... réside en France depuis presque neuf ans à la date de l'arrêté attaqué. Toutefois, son séjour s'est déroulé sous couvert d'un titre de séjour étudiant, qui ne lui donnait pas vocation à s'installer en France, puis à compter de 2014, de manière irrégulière. Il a fait l'objet, le 31 juillet 2014, d'une obligation de quitter le territoire français à laquelle il n'a pas déféré. Il ressort des pièces du dossier que M. A... B... n'a pas obtenu le master 1 en musicologie pour lequel il a étudié en France entre 2010 et 2014. En dehors d'un poste d'enseignant à temps partiel dans un lycée, les emplois qu'il a occupés à temps partiel entre 2010 et 2014 en qualité d'agent de service, d'équipier en pizzéria ou de livreur préparateur de commande étaient sans aucun rapport avec sa formation initiale, tout comme le poste de chef d'équipe logistique - chauffeur livreur pour lequel il dispose d'une promesse d'embauche. Il est marié depuis 2012 à une compatriote tunisienne qui réside également en France de manière irrégulière. Deux filles sont nées en France de cette union le 20 août 2013 et le 24 mars 2015. Si ces enfants sont scolarisées en France, il n'est pas établi qu'elles ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Tunisie, en raison notamment de leur jeune âge. M. A... B... n'établit pas qu'il serait isolé en cas de retour en Tunisie où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans et où réside encore au moins son père. Dès lors, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France de l'intéressé, et en dépit des efforts d'intégration qu'il a fournis et des témoignages de proches, de parents d'élèves et d'élus versés au dossier, l'autorité préfectorale n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise. Par suite, la décision de refus d'un titre de séjour n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a retenu ce motif pour annuler son arrêté du 6 février 2019.

3. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... B... devant la juridiction administrative.

Sur la décision de refus d'un titre de séjour :

4. Eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. Par un arrêté du 23 novembre 2018, régulièrement publié, M. Yvan Cordier, secrétaire général de la préfecture de la Seine-Maritime, a reçu délégation à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exclusion de certaines mesures limitativement énumérées. Au nombre de ces exceptions, ne figurent pas les actes et décisions concernant le séjour et l'éloignement des étrangers. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée manque en fait et doit être écarté.

5. Au regard des motifs analysés au point 2 et qui sont repris par M. A... B... à l'appui de ce nouveau moyen, ce dernier ne démontre pas pouvoir se prévaloir de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels propres à justifier une admission exceptionnelle sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Pour les motifs mentionnés au point 2, M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Maritime aurait méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. M. A... B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions, dépourvues de valeur réglementaire, de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Ainsi qu'il a été dit au point 2, il n'est pas établi que les enfants de l'intéressé ne pourraient pas être scolarisées en Tunisie ni s'y intégrer. Il n'est pas davantage démontré que la cellule familiale ne pourrait pas se recomposer dans ce pays, la décision en litige n'ayant ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants de leurs parents, Mme A... B... résidant également en France de manière irrégulière. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime n'aurait pas porté une attention suffisante à l'intérêt supérieur des enfants du requérant avant de l'obliger à quitter le territoire français. Par suite, il n'a pas méconnu les stipulations du 1) de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour en litige est entaché d'illégalité.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Compte tenu de ce qui a été dit au point 9, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.

11. L'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

12. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 2, les moyens tirés, d'une part, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, d'autre part, de l'erreur manifeste commise par l'autorité préfectorale dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de M. A... B... doivent être écartés.

13. Il résulte de ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité.

Sur la décision fixant le pays de destination :

14. Compte tenu de ce qui a été dit au point 13, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

15. Les motivations en fait de la décision fixant le pays de destination et de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne se confondent pas nécessairement. En revanche, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté attaqué précise la nationalité de M. A... B... et énonce que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée fixant le pays de destination de l'éloignement manque en fait et doit être écarté.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

16. Compte tenu de ce qui a été dit au point 8, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.

17. Après avoir cité les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Maritime souligne que M. A... B... a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, qu'il se maintient irrégulièrement en France depuis quatre ans, qu'il ne dispose pas d'un contrat de travail, que son épouse est également en France en situation irrégulière et qu'il ne représente pas une menace à l'ordre public. Par suite, le préfet a suffisamment motivé sa décision en fait et en droit.

18. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 2, le moyen tiré de l'erreur manifeste commise par l'autorité préfectorale dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de M. A... B... doit être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 6 février 2019. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. A... B... à fin d'injonction et au titre des frais liés au litige doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 3 octobre 2019 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande de première instance et les conclusions d'appel de M. A... B... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. E... A... B... et à Me C... D....

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02427
Date de la décision : 09/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Christian Boulanger
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-03-09;19da02427 ?
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