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09/03/2020 | FRANCE | N°18DA01149,18DA01251

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 09 mars 2020, 18DA01149,18DA01251


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société CM-CIC Leasing Solutions a demandé au tribunal administratif d'Amiens :

1°) de condamner la commune de Porcheux à lui verser les sommes de 14 634 euros au titre des impayés de loyers dus en application du contrat de location d'un photocopieur conclu le 15 avril 2014, 1 463,40 euros au titre des pénalités contractuelles de retard, 78 048 euros au titre de l'indemnité de résiliation du contrat, et 7 804,80 euros au titre des pénalités contractuelles de résiliation, assorties des inté

rêts à compter du 21 juillet 2015 ;

2°) d'enjoindre à la commune de Porcheux, sou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société CM-CIC Leasing Solutions a demandé au tribunal administratif d'Amiens :

1°) de condamner la commune de Porcheux à lui verser les sommes de 14 634 euros au titre des impayés de loyers dus en application du contrat de location d'un photocopieur conclu le 15 avril 2014, 1 463,40 euros au titre des pénalités contractuelles de retard, 78 048 euros au titre de l'indemnité de résiliation du contrat, et 7 804,80 euros au titre des pénalités contractuelles de résiliation, assorties des intérêts à compter du 21 juillet 2015 ;

2°) d'enjoindre à la commune de Porcheux, sous astreinte, de lui restituer le photocopieur dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Porcheux la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1600071 du 17 avril 2018, le tribunal administratif d'Amiens a condamné la commune de Porcheux à verser à la société CM-CIC Leasing Solutions une somme de 16 097,36 euros toutes taxes comprises et assortie des intérêts au taux de 1,5 % par mois à compter du 21 juillet 2015, mis à la charge de la commune la somme de 1 000 euros à verser à la société sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 5 juin 2018 sous le n° 18DA01149, et d'autres mémoires, enregistrés les 14 octobre, 22 novembre et 30 décembre 2019, la société CM-CIC Leasing Solutions, représentée par la SELARL Cornet, Vincent, Segurel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à ses demandes indemnitaires et qu'il a rejeté sa demande d'injonction de restitution du photocopieur ;

2°) de condamner la commune de Porcheux à lui verser une somme de 78 048 euros au titre de l'indemnité de résiliation et la somme de 7 804,80 euros au titre des pénalités de résiliation ;

3°) de condamner la commune de Porcheux à lui restituer le photocopieur objet du contrat, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Porcheux la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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II. Par une requête, enregistrée le 19 juin 2018 sous le n° 18DA01251, et d'autres mémoires, enregistrés le 26 juillet 2018 et le 15 novembre 2019, la commune de Porcheux, représentée par l'ARRPI Schmitt avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 17 avril 2018 ;

2°) de ramener à 2 020,88 euros la somme due par elle au titre des impayés de loyer ;

3°) de mettre à la charge de la société CM-CIC Leasing Solutions la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller,

- les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la société CM-CIC Leasing Solutions, et de Me A... B..., représentant la commune de Porcheux.

Considérant ce qui suit :

1. Par un contrat conclu le 15 avril 2014, la société GE Capital Equipement Finance a donné en location à la commune de Porcheux un photocopieur de marque Xerox jusqu'au 30 septembre 2019. La société CM-CIC Leasing solutions, venant aux droits de la société GE Capital Equipement Finance, a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner la commune de Porcheux à lui verser la somme de 14 634 euros correspondant à des impayés de loyers, la somme de 1 463,40 euros correspondant à des pénalités contractuelles de retard, la somme de 78 048 euros correspondant à l'indemnité de résiliation du contrat et la somme de 7 804,80 euros correspondant à des pénalités contractuelles de résiliation, ainsi qu'à lui restituer le matériel objet du contrat de location dans le délai de huit jours à compter du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par un jugement du 17 avril 2018, le tribunal a condamné la commune de Porcheux à verser à la société CM-CIC Leasing Solutions une somme de 16 097,36 euros toutes taxes comprises et assortie des intérêts au taux de 1,5 % par mois à compter du 21 juillet 2015, mis à la charge de cette commune la somme de 1 000 euros à verser à la société sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de la demande. La société CM-CIC Leasing Solutions relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à sa demande indemnitaire et a rejeté sa demande d'injonction de restitution du matériel. La commune de Porcheux relève également appel de ce jugement et demande que la somme au versement de laquelle elle a été condamnée au titre des impayés de loyer soit ramenée à 2 020,88 euros.

Sur la jonction :

2. Les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement :

3. Les premiers juges ont, aux points 7 à 10 du jugement attaqué, suffisamment exposé les motifs pour lesquels ils ont estimé que l'application de l'article 11.3 des conditions générales du contrat, prévoyant une indemnité de résiliation assortie d'une pénalité de résiliation au bénéfice de la société CM-CIC Leasing Solutions, aurait conduit la commune à verser une somme manifestement disproportionnée au montant du préjudice subi par le cocontractant du fait de cette résiliation. La société CM-CIC Leasing Solutions n'est ainsi pas fondée à soutenir que ce jugement serait, sur ce point, insuffisamment motivé.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les impayés de loyer :

4. Il résulte de l'instruction que le photocopieur a été livré et mis à la disposition de la commune de Porcheux le 15 avril 2014, par les soins de la société Xeroboutique 91, auprès de laquelle la société GE Capital Equipement Finance l'avait précédemment acquis. La commune soutient que cet appareil a cessé de fonctionner dès le 23 février 2015. A l'appui de cette allégation, elle verse pour la première fois au dossier, en appel, une lettre du 14 avril 2015 que son maire a adressée à la société Xeroboutique 91, ainsi que la lettre du 16 avril 2015 qui lui a été adressée en réponse par cette société, confirmant ce dysfonctionnement, lequel n'est d'ailleurs pas contesté par la société CM-CIC Leasing Solutions. La commune de Porcheux verse en outre aux débats, également pour la première fois en appel, la lettre du 23 avril 2015 que son maire a adressée à la société GE Capital Equipement Finance, ainsi que la preuve que cette lettre a été reçue par cette dernière le 27 avril 2015. Cette lettre du 23 avril 2015, dont l'objet est intitulé " résiliation du contrat ", indique que le photocopieur " a été hors service depuis plus de deux mois, remettant en cause le bon fonctionnement de notre administration ", que " la société Xeroboutique 91 a été dans l'impossibilité de résoudre les problèmes rencontrés ", et que la commune a dû faire appel à un autre fournisseur. Cette lettre invite expressément la société GE Capital Equipement Finance à lui adresser le montant des indemnités de résiliation relatives à ce contrat et l'informe de ce que la commune lui fera parvenir 5 % de ce montant. Ainsi, et alors d'ailleurs qu'elle signifie à la société GE Capital Equipement Finance la " volonté [du maire] de résilier le contrat ", cette lettre ne peut être regardée, eu égard à son objet et ses termes, que comme une lettre de résiliation. Le contrat conclu le 15 avril 2014 doit ainsi être regardé comme ayant été résilié, à l'initiative de la commune de Porcheux, à compter de la réception de cette lettre, soit le 27 avril 2015. La société CM-CIC Leasing Solutions ne conteste pas le motif d'intérêt général fondant, selon la commune, cette résiliation.

5. Il résulte de l'instruction que la commune n'a versé à la société aucun loyer entre le 1er janvier 2015 et le 30 avril 2015. Tout mois commencé est dû en entier selon l'article 4.4 des conditions générales du contrat. Ce dernier prévoit un loyer trimestriel de 4 878 euros toutes charges compris, soit un loyer mensuel de 1 626 euros. La commune de Porcheux aurait donc dû verser cette somme pour les mois de janvier, février, mars et avril, soit un total de 6 504 euros, auquel il convient d'ajouter, ainsi que le reconnaît d'ailleurs la commune, la pénalité de retard de 10 % prévue au même article 4.4 précité. La commune de Porcheux ne devait ainsi, au titre des loyers impayés, qu'une somme de 7 154,40 euros. Elle établit également avoir versé à tort à la société le loyer trimestriel pour la période couvrant les mois d'octobre à décembre 2015, ce que ne conteste d'ailleurs pas la société, et est ainsi fondée à demander que cette somme versée à tort, soit 4 878 euros, soit déduite du montant dû par elle au titre des loyers impayés.

6. Il résulte de ce qui précède que la commune de Porcheux est fondée à soutenir qu'elle n'est tenue de verser à la société CM-CIC Leasing Solutions, au titre des impayés de loyer, qu'une somme de 2 276,40 euros, assortie des intérêts au taux de 1,5 % par mois à compter du 21 juillet 2015, et que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamnée à verser à cette société une somme excédant ce montant.

En ce qui concerne les sommes dues à raison de la résiliation du contrat :

S'agissant de l'article 11.3 des conditions générales du contrat :

7. En vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, l'étendue et les modalités de l'indemnisation due par la personne publique à son cocontractant en cas d'annulation ou de résiliation pour un motif d'intérêt général du contrat peuvent être déterminées par les stipulations du contrat, sous réserve qu'il n'en résulte pas, au détriment de la personne publique, une disproportion manifeste entre l'indemnité ainsi fixée et le montant du préjudice résultant, pour le titulaire du contrat, des dépenses qu'il a exposées et du gain dont il a été privé.

8. Aux termes de l'article 11 des conditions générales du contrat : " 11.1. Le contrat peut être résilié de plein droit par le bailleur sans adresser de mise en demeure ou accomplir de formalité judiciaire, en cas d'inexécution d'une seule des conditions de la location, notamment en cas de non-paiement d'un seul loyer / (...) / 11.2. La résiliation entraîne l'obligation pour le locataire de restituer immédiatement le matériel en un lieu désigné par le bailleur aux conditions prévues aux articles 5.1 et 13. / (...) / 11.3. Le bailleur se réserve également la faculté d'exiger, outre le paiement des loyers impayés et de toutes sommes dues jusqu'à la date de restitution effective du matériel, le paiement : (...) en cas de location : / a) en réparation du préjudice subi, d'une indemnité de résiliation égale au montant total des loyers hors taxes postérieurs à la résiliation ; et / b) pour assurer la bonne exécution du contrat, d'une pénalité égale à 10% de l'indemnité de résiliation ". Il ressort de la lettre même de ces stipulations qu'elles ne trouvent à s'appliquer que lorsque le contrat est résilié par le bailleur, en cas de méconnaissance par le locataire de ses obligations contractuelles, et non en cas de résiliation décidée par la collectivité publique, laquelle tient des règles générales applicables aux contrats administratifs, et même en l'absence de clause contractuelle le prévoyant, le pouvoir de résilier unilatéralement un contrat pour des motifs d'intérêt général, sous réserve des droits à indemnité du co-contractant. Il ne résulte pas de l'instruction que la commune intention des parties aurait été de rendre ces stipulations également applicables à une résiliation par l'administration pour motif d'intérêt général. Dès lors, ainsi qu'il a été dit, que la résiliation du contrat en litige a été prononcée par la commune de Porcheux pour un motif d'intérêt général, la société CM-CIC Leasing Solutions n'est pas fondée à réclamer la condamnation de cette commune à lui verser une indemnité et une pénalité de résiliation sur le fondement des stipulations contractuelles ci-dessus reproduites.

S'agissant des règles générales applicables, dans le silence du contrat, à l'indemnisation du cocontractant en cas de résiliation du contrat pour un motif d'intérêt général :

9. La demande indemnitaire présentée par la société CM-CIC Leasing Solutions devant les premiers juges, fondée sur la responsabilité pour faute encourue par la commune en application des stipulations de l'article 11.3 des conditions générales du contrat, procède d'une cause juridique distincte de celle dont procède la responsabilité contractuelle sans faute fondée sur les règles générales applicables, dans le silence du contrat, à l'indemnisation du cocontractant en cas de résiliation du contrat pour un motif d'intérêt général. Le moyen tiré de la mise en jeu de cette responsabilité contractuelle sans faute, qui n'est pas d'ordre public, revêt ainsi le caractère d'une demande nouvelle en appel.

10. La commune de Porcheux est ainsi fondée à soutenir que la demande nouvelle présentée par la société CM-CIC Leasing Solutions est irrecevable.

En ce qui concerne la restitution du photocopieur :

11. Ainsi qu'il a été dit au point 8, les stipulations de l'article 11.2 des conditions générales du contrat, en vertu desquelles la résiliation entraîne l'obligation pour le locataire de restituer immédiatement le matériel en un lieu désigné par le bailleur aux conditions prévues aux articles 5.1 et 13, ne trouvent pas à s'appliquer en cas de résiliation décidée par la collectivité publique. La circonstance que la société requérante n'aurait pas indiqué à l'administration un lieu où restituer le matériel est, dès lors sans, incidence sur l'obligation pesant sur la commune de procéder à cette restitution.

12. Le contrat en litige n'a pas pour objet l'exécution même du service public. La commune de Porcheux ayant, depuis la résiliation, recouru à un autre prestataire, il n'existe aucun motif d'intérêt général s'opposant à la restitution à la société CM-CIC Leasing Solutions du matériel. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre à la commune de Porcheux de procéder sans délai à cette restitution. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

13. Il résulte de ce qui précède que la société CM-CIC Leasing Solutions est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Porcheux de lui restituer le photocopieur.

Sur les frais du procès :

14. Il n'apparaît pas inéquitable, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles dans la présente instance et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La commune de Porcheux est condamnée à verser à la société CM-CIC Leasing Solutions une somme de 2 276,40 euros au titre des impayés de loyer. Cette somme portera intérêts au taux de 1,5 % par mois, à compter du 21 juillet 2015.

Article 2 : Il est enjoint à la commune de Porcheux de restituer sans délai à la société CM-CIC Leasing Solutions le photocopieur objet du contrat.

Article 3 : Le jugement du 17 avril 2018 du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2 ci-dessus.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société CM-CIC Leasing Solutions et à la commune de Porcheux.

Nos18DA01149,18DA01251 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Résiliation.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant.

Procédure - Voies de recours - Appel - Moyens recevables en appel - Ne présentent pas ce caractère - Cause juridique distincte.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Jimmy Robbe
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : AARPI SCHMITT AVOCATS ; AARPI SCHMITT AVOCATS ; CABINET D'AVOCATS CORNET-VINCENT-SEGUREL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 09/03/2020
Date de l'import : 18/04/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18DA01149,18DA01251
Numéro NOR : CETATEXT000041792431 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-03-09;18da01149.18da01251 ?
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