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27/02/2020 | FRANCE | N°18DA02552

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 27 février 2020, 18DA02552


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 10 février 2016 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice l'a radié des cadres de l'administration pénitentiaire.

Par un jugement n° 1600980 du 13 octobre 2018 le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 décembre 2018 et 5 juillet 2019, M. G... C..., représenté par Me J..., d

emande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 10 février 2016 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice l'a radié des cadres de l'administration pénitentiaire.

Par un jugement n° 1600980 du 13 octobre 2018 le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 décembre 2018 et 5 juillet 2019, M. G... C..., représenté par Me J..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 10 février 2016 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice l'a radié des cadres de l'administration pénitentiaire ;

3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de le réintégrer et de reconstituer sa carrière.

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur ;

- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1.M. C..., surveillant pénitentiaire, a exercé ses fonctions au sein de la maison d'arrêt de Beauvais à compter du 14 janvier 2008. A la suite de son absence du service, sans justification, depuis le 16 septembre 2015, le chef d'établissement lui a enjoint, par courrier du 30 septembre 2015, notifié le 6 octobre 2015, de faire parvenir à l'administration un justificatif de son absence, dans les plus brefs délais. En l'absence de réponse de l'intéressé, le chef d'établissement a ensuite mis en demeure M. C... de réintégrer son poste, en l'informant du risque qu'il encourait d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable, en l'absence de justification de ses absences depuis le 16 septembre 2015, par lettres recommandées avec avis de réception des 9 octobre 2015 et 9 novembre 2015, notifiées respectivement les 26 octobre 2015 et 19 novembre 2015 à l'intéressé. Le garde des sceaux, ministre de la justice, a encore mis en demeure M. C... de rejoindre son poste ou de faire connaître le motif de son absence dans un délai de deux jours, en l'informant de nouveau de la radiation des cadres encourue sans procédure disciplinaire préalable, par une lettre du 24 décembre 2015, notifiée le 7 janvier 2016. Par arrêté du 10 février 2016 le garde des Sceaux, ministre de la justice a radié M. C... des cadres de l'administration pénitentiaire à compter de la date de la notification de l'arrêté. M. C... relève appel du jugement du 13 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article 1er du décret n°2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement :" A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité ...1° Les secrétaires généraux des ministères, les directeurs d'administration centrale, les chefs des services à compétence nationale mentionnés au premier alinéa de l'article 2 du décret du 9 mai 1997 susvisé et les chefs des services que le décret d'organisation du ministère rattache directement au ministre ou au secrétaire d'Etat .... Le changement de ministre ou de secrétaire d'Etat ne met pas fin à cette délégation, ... ".

3. Tout d'abord, pour écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué, le tribunal administratif s'est appuyé sur un arrêté de subdélégation de signature du 4 septembre 2015 qui a, implicitement mais nécessairementété abrogé par un arrêté intervenu ultérieurement. Toutefois, contrairement à ce que soutient M. C..., l'arrêté de subdélégation que l'administration a entendu lui opposer n'est pas l'arrêté de subdélégation de signature daté du 1er février 2016, dès lors que tout arrêté de délégation de signature est un acte réglementaire, qui entre en vigueur le lendemain de sa publication au Journal Officiel de la République française en application des dispositions citées au point 2. Or, cet arrêté de délégation de signature, publié au Journal Officiel de de la République française le 10 février 2016, est donc entré en vigueur le 11 février 2016, soit à une date postérieure à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été signé, le 10 février 2016. L'arrêté de subdélégation de signature à prendre en compte est donc celui encore vigueur à cette date, il s'agit de l'arrêté portant délégation de signature du 7 décembre 2015, publié au Journal Officiel de la République française du 18 décembre 2015, qui est entré en vigueur le 19 décembre 2015. Par son article 4, la directrice de l'administration pénitentiaire, Mme I... A..., a délégué sa signature, notamment, à Mme B... H..., attachée principale d'administration, adjointe à la chef de bureau de la gestion des personnels et de l'encadrement, à l'effet de signer, au nom de la garde des sceaux, ministre de la justice, les bons de commandes et les états de frais, et dans la limite de leurs attributions, tous actes, arrêtés et décisions, à l'exclusion des décrets. Le fait, souligné par M. C..., que cet arrêté mentionne " la " garde des sceaux et non " le " garde des sceaux, n'a strictement aucune incidence sur la légalité de cet arrêté dès lors que le changement de ministre de la justice, intervenu par décret du 27 janvier 2016, Mme F... ayant été remplacée par M. E... à cette date, est strictement sans aucun effet juridique sur la délégation de signature permanente dont bénéficiait Mme A..., en sa qualité de directrice d'administration centrale, nommée en cette qualité par décret du 5 août 2013, publié au Journal Officiel de la République française du 6 août 2013, en application de l'article 1er du décret n°2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, et par voie de conséquence, sur la subdélégation de signature qu'elle a consentie aux agents placés sous son autorité, au nombre desquels Mme H..., par l'arrêté précité du 7 décembre 2015.

4. Ensuite, le décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, cité au point 2, prévoit l'octroi d'une délégation de signature de plein droit aux agents assurant les principales fonctions d'encadrement d'un ministère, dont les directeurs d'administration centrale, résultant de l'acte de nomination dans leurs fonctions. Liée à l'exercice des fonctions du délégataire, la délégation n'est pas affectée par un changement de ministre ou de secrétaire d'Etat, comme le précisent expressément les dispositions de l'avant-dernier alinéa de l'article 1er du décret précité du 27 juillet 2005, le ministre pouvant en outre mettre fin, par acte publié au Journal Officiel de la République française, à tout ou partie de la délégation dont dispose un agent, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce. Du point de vue matériel, la décision en litige entre dans le champ d'application des compétences du bureau de la gestion des personnels et de l'encadrement, dont Mme H... est chef adjointe, fixées par l'article 25 de l'arrêté du 30 juin 2015 fixant l'organisation en bureaux de la direction de l'administration pénitentiaire, publié au Journal Officiel de la République française du 21 juillet 2015.

5. Pour le reste, du point de vue matériel, l'arrêté de radiation des cadres pour abandon de poste en litige entre dans le champ d'application des compétences du bureau de la gestion des personnels et de l'encadrement, dont Mme H... est chef adjointe, résultant de l'article 25 de l'arrêté du 30 juin 2015 fixant l'organisation en bureaux de la direction de l'administration pénitentiaire, publié au Journal Officiel de la République française du 21 juillet 2015.

6. Il résulte de ce qui précède, alors même que le premier juge s'est mépris sur l'arrêté qui fonde la subdélégation, que le moyen tenant à l'incompétence de la signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.

7. Aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, alors en vigueur, désormais repris à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) " et aux termes de l'article 3 de cette même loi, repris à l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

8. L'arrêté de radiation des cadres de l'administration pénitentiaire est une décision individuelle défavorable, qui doit, dès lors, être motivée en application de l'article 3 de la même loi, en vigueur à la date d'édiction de l'arrêté attaqué. L'arrêté attaqué vise les textes dont il est fait application et se fonde sur l'absence irrégulière de M. C... du service, depuis le 16 septembre 2015, sur le fait qu'il a été mis en demeure de reprendre ses fonctions, par lettres recommandées du 9 octobre 2015 et 9 novembre 2015 du chef d'établissement, qui lui ont été remises, contre signature, les 26 octobre 2015 et 19 novembre 2015, puis par lettre recommandée du 24 décembre 2015 du garde des sceaux, ministre de la justice, qui lui a été remise, cette fois encore contre signature, le 7 janvier 2015, et sur la circonstance que M. C... n'a justifié d'aucun motif matériel ou médical de son absence depuis le 16 septembre 2015. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige serait entaché d'insuffisance de motivation

9. La modification manuscrite de la date figurant sur la première page de l'arrêté attaqué, au 10 février 2016, laquelle correspond à la date clairement indiquée à la seconde page de cet arrêté, ou figure la signature de Mme H..., constitue la rectification d'une simple erreur matérielle, qui est sans incidence sur la légalité de cet arrêté attaqué.

10. M. C... soutient aussi que l'absence de mention des voies de recours et en particulier d'un recours gracieux contre l'arrêté attaqué constitue une violation du droit à un recours effectif. Toutefois, l'absence ou l'erreur dans la mention des voies et délais de recours, lorsqu'elle est établie, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, que M. C... a pu contester, au demeurant, devant la juridiction administrative. Il suit de là que le moyen tiré de ce que l'absence des mentions en question a violé le droit à un recours effectif doit être écarté.

11. Si l'article R. 421-5 du code de justice administrative prévoit que les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision, la formation d'un recours juridictionnel tendant à l'annulation d'une décision administrative établit que l'auteur du recours a eu connaissance de cette décision, au plus tard, à la date à laquelle il a formé le recours. La saisine du tribunal administratif par le destinataire de la décision attaquée suffit ainsi à révéler, sans autre formalité, la connaissance acquise de l'existence de cette décision et du délai dont disposait le requérant pour la contester. Dans ce cas, les moyens qui ne sont pas d'ordre public soulevés plus de deux mois après la date de saisine du tribunal et ressortissant d'une cause juridique différente de celle dont relevaient les moyens invoqués dans ce délai de recours ont le caractère d'une prétention nouvelle, tardivement présentée et, par suite, irrecevable.

12. M. C... a saisi le tribunal administratif d'Amiens le 1er avril 2016, de sorte que le délai de recours contentieux, qui a, en tout état de cause, commencé à courir au plus tard, en application de la théorie de la connaissance acquise rappelée au point 11, à la date de saisine du juge administratif par le requérant, a expiré le 2 juin 2016. Or ce n'est que dans un mémoire complémentaire, enregistré le 12 février 2018, que M. C... a soulevé pour la première fois des moyens de légalité interne qui se rattachaient donc à une cause juridique distincte de celle des moyens qu'il avait soulevés jusqu'alors. Ces moyens de légalité interne soulevés après l'expiration du délai de recours contentieux, étaient donc irrecevables comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges et, pour le même motif, les moyens de légalité interne soulevés pour la première fois devant la cour, qui se rattachent encore à une cause juridique distincte de celle à laquelle se rattachent les moyens soulevés en première instance dans le délai de recours contentieux, sont également irrecevables. Par suite, la garde des sceaux, ministre de la justice, est fondée à soutenir que les moyens tirés de ce que l'arrêté en cause est entaché d'inexactitude matérielle des faits, d'erreur quant à la qualification juridique des faits et d'erreur d'appréciation en ce que la sanction serait disproportionnée, qui relèvent d'une cause juridique distincte de celle du moyen soulevé dans le délai de recours contentieux, sont irrecevables. Enfin, en tout état de cause, aucun texte n'impose à l'administration ou au juge de notifier au requérant le délai dans lequel il lui est possible de développer des moyens de légalité externe et interne, et contrairement à ce qui est soutenu, le droit à un recours effectif n'a pas été méconnu dès lors que M. C... a précisément pu exercer un recours contentieux recevable, dans le délai de recours contentieux.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement du 13 octobre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Les conclusions qu'il présente à fin d'injonction et au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... C..., à la garde des sceaux, ministre de la justice et à Me D... J....

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N°18DA02552


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA02552
Date de la décision : 27/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-04 Fonctionnaires et agents publics. - Cessation de fonctions. - Abandon de poste.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SCHMIDT-SARELS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-02-27;18da02552 ?
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