Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société TPF Utilities a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler le marché public d'exploitation des installations de chauffage des bâtiments de la commune de Wallers-Arenberg conclu le 20 mai 2015 entre ladite commune et la société Idex Energies, de condamner la commune de Wallers-Arenberg à lui verser la somme de 117 577,96 euros toutes taxes comprises, en réparation de ses divers préjudices issus de la conclusion irrégulière du marché, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de notification du mémoire en réclamation et de mettre à la charge de la commune de Wallers-Arenberg la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1507464 du 29 mai 2018 le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande et l'a condamnée à verser à la commune de Wallers-Arenberg une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juillet 2018 et 12 novembre 2019, la société TPF Utilities, représentée par la SCP Manuel Gros, Héloïse Hicter et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler le marché public d'exploitation des installations de chauffage des bâtiments de la commune de Wallers-Arenberg conclu le 20 mai 2015 entre cette commune et la société Idex Energies ;
3°) de condamner la commune de Wallers-Arenberg à lui verser la somme de 117 577,96 euros toutes taxes comprises, en réparation de ses divers préjudices issus de la conclusion irrégulière du marché, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de notification du mémoire en réclamation ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Wallers-Arenberg la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public ;
- et les observations de Me A..., représentant la société TPF Utilities et de Me B... représentant la commune de Wallers-Arenberg.
Considérant ce qui suit :
1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 11 février 2015 au Bulletin Officiel des annonces des marchés publics et au Journal Officiel de l'Union européenne, la commune de Wallers-Arenberg (Nord) a engagé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de l'attribution d'un marché d'exploitation et d'entretien des installations de chauffage et production d'eau chaude sanitaire des différents bâtiments gérés par la ville. Par un courrier du 5 mai 2015, la commune de Wallers-Arenberg a notifié à la société TPF Utilities, qui avait candidaté à cet appel d'offres, le rejet de son offre, en l'informant également de ce que le marché avait été attribué à la société Idex Energies. Par un jugement du 29 mai 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de la société TPF Utilities tendant à l'annulation de ce marché et à la condamnation de la commune de Wallers-Arenberg à l'indemniser du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière. La société TPF Utilities relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Contrairement à ce que soutient la société TPF Utilities, celle-ci a été informée par la commune de Wallers-Arenberg, dès le 19 juin 2015, de ce que son offre n'était pas régulière. Les premiers juges n'ont ainsi pas statué ultra petita en relevant l'irrégularité de l'offre de la société TPF Utilities.
3. En écartant comme inopérant le moyen tiré des différents manquements aux règles de passation des marchés au motif que l'offre de la société TPF Utilities était irrégulière, les premiers juges se sont bornés à tenir compte des termes de la lettre du 19 juin 2015 de la commune de Wallers-Arenberg. Par suite, la société TPF Utilities n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges ont soulevé d'office ce moyen sans en avoir préalablement informé les parties.
4. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6 / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".
5. Il ressort des pièces du dossier que le premier mémoire en défense de la commune de Wallers-Arenberg, enregistré au greffe du tribunal administratif de Lille le 7 septembre 2016, a été communiqué à la société TPF Utilities et se bornait à conclure au rejet de la requête. Le second mémoire de la commune de Wallers-Arenberg, enregistré au greffe du tribunal administratif le 8 mai 2018, comportait de nouvelles conclusions, présentées à titre subsidiaire, tendant, au cas où il serait jugé que la passation est affectée d'un vice, à ce que soit prononcée, en fonction de la gravité estimée, soit la poursuite de l'exécution du contrat, éventuellement assortie d'une mesure de régularisation, soit la résiliation du contrat, avec effet différé d'une durée de six mois, à compter de la notification du jugement à intervenir. Ce mémoire n'avait pas à être communiqué à la société TPF Utilities, dès lors qu'il n'a pas servi de fondement au rejet de la requête par les premiers juges. Par suite, la société TPF Utilities n'est pas fondée à soutenir que le tribunal n'a pas respecté le principe du contradictoire et aurait ainsi entaché son jugement d'irrégularité.
Sur la validité du contrat :
6. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Dans ce cadre, le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public dont serait entaché le contrat, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction. Au titre de tels manquements, le concurrent évincé peut contester la décision par laquelle son offre a été écartée comme irrégulière. Un candidat dont l'offre a été à bon droit écartée comme irrégulière ou inacceptable ne saurait en revanche soulever un moyen critiquant l'appréciation des autres offres.
7. Aux termes du 1° du I de l'article 35 du code des marchés publics, " (...) Une offre irrégulière est une offre qui, tout en apportant une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation. ". Aux termes du III de l'article 53 de ce code : " Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées. Les autres offres sont classées par ordre décroissant. L'offre la mieux classée est retenue. ". Il résulte de ces dispositions, qui s'appliquent aux procédures formalisées et à la procédure adaptée, que le pouvoir adjudicateur est tenu de rejeter notamment les offres irrégulières. Toutefois, la circonstance qu'invoque la société TPF Utilities que son offre ait été examinée et classée, ne fait pas obstacle à ce que le pouvoir adjudicateur se prévale de l'irrégularité de cette offre devant le juge du contrat.
8. Aux termes de l'article 2.3 du même règlement de consultation : " Les candidats n'ont pas à apporter de complément au cahier des clauses techniques particulières (CCTP) ". L'article 2.2.3 du règlement de consultation du marché en litige précise "Variantes Les candidats doivent présenter une proposition entièrement conforme au dossier de consultation (solution de base), il leur est formellement interdit d'apporter des modifications à ce dossier de consultation, sous peine de nullité de la proposition. Mais ils peuvent également présenter une ou deux propositions supplémentaires (variantes dérogeant aux dispositions techniques prévues au dossier de consultation). L'article 6.16.3 du cahier des clauses techniques particulières du marché auquel le règlement de consultation renvoie stipule que " l'âge moyen des chaudières pondéré par leur puissance (ou âge moyen en kW installé) est à la date de la signature du contrat de : 19,7 ans à compter du début du marché, cet âge devra évoluer pour atteindre : 15 ans à l'issue des 5 années du contrat (...) / il est rappelé que l'âge moyen pondéré à atteindre en fin de contrat est contractuel quel que soit le niveau du compte P3 à la charge de l'exploitant qui en résultera " .
9. Si la société TPF Utilities fait valoir que l'âge moyen des chaudières, de quinze ans d'ici cinq ans, ne constitue qu'un âge moyen maximum à ne pas dépasser, il ne s'agit pas d'une limite en deçà de laquelle les candidats ne peuvent descendre. Il résulte toutefois des stipulations contractuelles précitées que l'âge moyen de quinze ans des chaudières, qui doit être atteint à l'issue des cinq années d'exécution du contrat doit être regardé comme une obligation qui s'impose aux candidats. En effet la pertinence de la politique de renouvellement des installations et matériels, poursuivie par la commune de Wallers-Arenberg, doit s'apprécier au regard de ses contraintes financières et techniques, afin de disposer d'une offre qui soit financièrement et techniquement acceptable, ce qui implique un équilibre entre le renouvellement des installations et le coût de cette opération. Or, la société TPF Utilities a présenté une offre prévoyant un âge moyen des chaudières de 12,9 ans à l'issue de la période d'exécution du contrat en contrariété avec le respect de la condition tenant à l'âge moyen des chaudières de quinze ans à l'issue d'une période de cinq ans. Dès lors, l'offre présentée par la société TPF Utilities doit être regardée comme irrégulière. La circonstance que d'autres candidats auraient proposé des âges moyens de chaudières également inférieurs à quinze ans, et n'auraient de la même manière pas vu leur offre jugée irrégulière, est sans incidence sur ce point. Par suite, les moyens qu'invoque la société TPF Utilities tirés de l'erreur de droit, d'appréciation sur l'offre du candidat retenu, de fixation de critères d'attribution irréguliers, d'absence de pondération de certains critères, d'ajout de sous-critères supplémentaires non indiqués dans le règlement de consultation, d'absence de transparence dans l'appréciation du critère de la valeur technique, de retrait de points injustifié à l'encontre du contrat, doivent être écartés comme inopérants.
Sur les conclusions indemnitaires :
10. Compte tenu de de ce qui a été dit précédemment, la société TPF Utilities, qui ne justifie pas de la perte d'une chance sérieuse d'obtenir le marché en litige, n'est pas fondée à invoquer son éviction irrégulière de la procédure d'attribution du marché. Par suite, elle n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de la commune de Wallers-Arenberg.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société TPF Utilities n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 29 mai 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Wallers-Arenberg, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société TPF Utilities le versement à la commune de Wallers-Arenberg d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société TPF Utilities est rejetée.
Article 2 : La société TPF Utilities versera à la commune de Wallers-Arenberg une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société TPF Utilities, à la commune de Wallers-Arenberg et à la société Idex Energies.
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N° 18DA01574