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27/02/2020 | FRANCE | N°17DA01914

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 27 février 2020, 17DA01914


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Rav Exp a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la communauté de communes Caux-Austreberthe et le cabinet Octant architecture à lui verser la somme de 64 922,26 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires avec capitalisation.

Par un jugement n° 1500092 du 4 août 2017, le tribunal administratif de Rouen a condamné le cabinet Octant architecture à verser à la société Rav Exp la somme de 32 461,13 euros, toutes taxes comprises, assortie des intér

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Rav Exp a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la communauté de communes Caux-Austreberthe et le cabinet Octant architecture à lui verser la somme de 64 922,26 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires avec capitalisation.

Par un jugement n° 1500092 du 4 août 2017, le tribunal administratif de Rouen a condamné le cabinet Octant architecture à verser à la société Rav Exp la somme de 32 461,13 euros, toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2015, avec capitalisation la première fois le 15 janvier 2016.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 2 octobre 2017, le 26 février 2018 et le 22 mai 2018, le cabinet Octant architecture, représenté par Me A... B..., demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer ce jugement et de limiter sa responsabilité à hauteur maximum de 20 % du préjudice ;

3°) de rejeter l'appel en garantie formée par la communauté de communes Caux-Austreberthe ;

4°) de mettre à la charge de la société Rav Exp ou de toute partie succombante, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté de communes Caux-Austreberthe a conclu, le 7 avril 2011, un marché public pour la construction d'un complexe aquatique à Barentin. La maîtrise d'oeuvre était assurée par un groupement constitué par la société Japac, devenue le cabinet Octant architecture et par Soja ingénierie. Le lot n°4 " traitement des façades-enduit " de ce marché a été attribué à la société Rav Exp. Par un mémoire en réclamation adressé le 20 août 2014, cette société a demandé le règlement de la somme de 54 101,89 euros hors taxe au titre de travaux supplémentaires. Cette réclamation a été rejetée, tant par le maître d'oeuvre que par le maître d'ouvrage. La société a alors saisi le tribunal administratif de Rouen, qui, par un jugement du 4 août 2017, a fait partiellement droit à sa demande en condamnant le cabinet Octant architecture à lui verser la somme de 32 461,13 euros toutes taxes comprises avec intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2015, date de la requête et capitalisation à compter du 15 janvier 2016, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Le cabinet Octant relève appel de ce jugement. La société Rav Exp doit être considérée comme demandant, par la voie de l'appel incident, que la condamnation soit portée à la somme de 64 922,26 euros, toutes taxes comprises et, par la voie de l'appel provoqué, que la communauté de communes soit condamnée conjointement avec le cabinet Octant architecture. La communauté de communes, pour sa part, conclut, à défaut de rejet de la requête, à être garantie de toute condamnation par le cabinet Octant architecture.

Sur la recevabilité de l'appel provoqué :

2. L'appel provoqué de la société Rav Exp tend à ce que la communauté de communes Caux-Austreberthe soit condamnée conjointement avec le cabinet Octant architecture à l'indemniser. Ce litige est toutefois sans lien avec l'appel principal du cabinet Octant architecture qui vise à être totalement déchargée de la condamnation prononcée exclusivement à son encontre par le tribunal administratif de Rouen. Par suite, les conclusions à fins d'appel provoqué de la société Rav Exp sont irrecevables et doivent être rejetées pour ce motif.

Sur les conclusions d'appel principal présentées par le cabinet Octant architecture :

3. Il n'est pas sérieusement contesté que la décomposition du prix global et forfaitaire, qui constituait l'une des pièces du marché, indiquait une surface intérieure de 2 068,64 mètres carrés, à enduire à la chaux, et une surface extérieure de 1 053,64 mètres à recouvrir. Or, il résulte de l'instruction et notamment du constat contradictoire effectué le 23 juin 2014, que la surface intérieure recouverte d'enduits à la chaux était en réalité de 4 310 mètres carrés et que la surface recouverte d'enduits monocouches extérieurs était de 995,09 mètres carrés. Il n'est pas non plus sérieusement contesté que cette erreur grossière est imputable au maître d'oeuvre, dont la mission comprenait, non seulement la fourniture de tous les plans et documents nécessaires à la réalisation de l'ouvrage, mais aussi la constitution du dossier de consultation des entreprises. Enfin, cette faute est en lien direct avec le préjudice subi par la société Rav Exp, dès lors que celle-ci a déterminé son offre en fonction de la décomposition du prix global et forfaitaire et a en conséquence effectivement mis en oeuvre une quantité d'enduits largement supérieure à celle pour laquelle elle était rémunérée. Par suite, le cabinet Octant architecture n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen, par le jugement contesté, a retenu sa responsabilité à l'égard de la société Rav Exp.

4. Le cabinet Octant architecture entend néanmoins dégager sa responsabilité, compte tenu de la faute exonératoire de la société Rav Exp. Il soutient d'une part que cette société aurait dû vérifier les surfaces à enduire avant le dépôt de son offre et d'autre part qu'elle n'a pas respecté les procédures prévues pour alerter le maître d'oeuvre en cours d'exécution.

5. Tout d'abord, il résulte de l'instruction que si la visite du site était obligatoire préalablement à la remise d'une offre, cette visite n'aurait pas permis à la société Rav Exp, qui n'a pas respecté cette obligation, d'avoir une estimation des surfaces de peinture, objet du marché puisque le bâtiment n'existait pas et que son édification était l'objet même de ce marché. L'absence de visite ne saurait donc démontrer, comme le prétend le cabinet Octant architecture, une faute de la société Rav Exp.

6. Ensuite, il appartenait à chaque candidat à l'attribution d'un lot, comme le soutient l'appelant, de vérifier et de valider la décomposition du prix global et forfaitaire, avant la remise de son offre, en application de l'article 13.1 du cahier des clauses techniques particulières qui faisait partie des pièces du marché. Or, en vertu de l'article 2.1 du cahier des clauses administratives particulières qui fixait l'ordre de priorité des pièces du marché, le cahier des clauses techniques particulières et les plans d'architecte joints au dossier primaient sur la décomposition du prix global et forfaitaire. Toutefois, il résulte de l'instruction que les seuls plans figurant les cloisons intérieures du bâtiment à construire étaient ceux sur le classement au feu des parois, qui n'avaient pas pour objet premier la réalisation des peintures. Or, il était indiqué de manière manuscrite sur ces plans qu'ils n'avaient pas d'échelle. Si la combinaison des plans de coupe, du tableau des surfaces et des autres plans devait permettre, par recoupement avec les plans de classement au feu des parois, ce que conteste toutefois la société Rav Exp et ne démontre pas le cabinet Octant architecture, de calculer les surfaces à enduire, ces éléments n'établissent pas que la société Rav Exp pouvait aisément vérifier les indications de la décomposition du prix global et forfaitaire. Ainsi, compte tenu de ce qui vient d'être dit, la faute du maître d'oeuvre ne saurait être totalement exonérée par le fait que la société Rav Exp se soit engagée, dans son offre, sur un prix global et forfaitaire.

7. Enfin, aux termes de l'article 15. 4 du cahier des clauses administratives générales " travaux ", applicable au marché en litige : " Le titulaire est tenu d'aviser le maître d'oeuvre, un mois au moins à l'avance, de la date à laquelle le montant des travaux atteindra leur montant contractuel. " et aux termes de l'article 15. 4. 1 du même règlement : " Si le titulaire n'avise pas le maître d'oeuvre dans le délai fixé à l'alinéa précédent, il est tenu d'arrêter les travaux à la date où le montant exécuté atteint le montant contractuel. Les travaux qui sont exécutés au-delà du montant contractuel ne sont pas payés. ". Il résulte de l'instruction que, par courrier du 6 février 2014, la société Rav Exp a alerté le maître d'ouvrage sur la surconsommation d'enduits et a demandé un constat de métrage des surfaces, demande qu'elle avait déjà formulée, d'après ce courrier, lors d'une réunion de chantier. Ce courrier indique également que l'entreprise n'arrêtera pas les travaux et compte sur l'indemnisation de ce surcoût. L'entreprise a donc alerté le maître d'ouvrage, à propos de la surconsommation d'enduit, dès le début de sa prestation principale. Elle n'avait pu se rendre compte auparavant de ce risque puisqu'elle n'était intervenue précédemment sur le chantier que ponctuellement pour des corrections des malfaçons d'autres lots. Si l'entreprise s'est ainsi extraite de l'application stricte des stipulations précitées du cahier des clauses administratives générales " travaux ", elle l'a fait compte tenu du retard du chantier, qui était alors de près de deux ans. Certes, le maître d'oeuvre lui a alors rappelé que le marché était à prix global et forfaitaire, mais il ne lui a toutefois pas précisé les conséquences d'une absence d'arrêt des travaux. Au contraire, la demande de la société Rav Exp a abouti à la réalisation d'un constat contradictoire, le 23 juin 2014, attestant de l'erreur commise dans la décomposition du prix global et forfaitaire. Dans les circonstances de l'espèce, la méconnaissance par la société Rav Exp du cahier des clauses administratives générales avait pour seul objectif de livrer le bâtiment public sans retard supplémentaire et ne saurait donc exonérer totalement le maître d'oeuvre de sa responsabilité.

8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 qu'en limitant la responsabilité du cabinet Octant architecture à cinquante pour cent des préjudices, le tribunal administratif de Rouen s'est livré à une juste appréciation des faits de l'espèce. Par suite, le cabinet Octant architecture n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Rouen a retenu une faute de la société Rav Exp, exonératoire de la responsabilité du cabinet Octant architecture de seulement la moitié des préjudices subis par cette société. Aucune des parties ne conteste l'évaluation du préjudice total de la société Rav Exp, ni les intérêts moratoires et la capitalisation, chacune se bornant à discuter le partage de responsabilité opéré par le jugement contesté. Par suite, ce jugement est confirmé en ce qu'il condamne le cabinet Octant architecture à verser à la société Rav Exp la somme de 32 461,13 euros, toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2015, avec capitalisation la première fois, le 15 janvier 2016.

Sur les conclusions d'appel incident de la société Rav Exp :

9. Les conclusions d'appel incident de la société Rav Exp, dirigées contre le cabinet Octant architecture visent uniquement à obtenir une indemnisation supplémentaire de la part du maître d'oeuvre par modification du partage de responsabilité opéré par le tribunal administratif de Rouen. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 qu'elles ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions de la communauté de communes Caux Austreberthe :

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 et 9 que les conclusions subsidiaires d'appel de la communauté de communes, tendant à être garantie de toute condamnation, doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité, le présent arrêt ne prononçant aucune condamnation de cette intercommunalité.

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Rav Exp, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que réclame le cabinet Octant architecture au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du cabinet Octant architecture une somme de 2 000 euros à verser à la société Rav Exp au titre des mêmes dispositions. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions sur le même fondement de la communauté de communes Caux Austreberthe.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du cabinet Octant architecture est rejetée.

Article 2 : Le cabinet Octant architecture versera à la société Rav Exp une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Rav Exp est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la communauté de communes Caux-Austreberthe sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au cabinet Octant architecture, à la société Rav Exp et à la communauté de communes Caux-Austreberthe.

N°17DA01914 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17DA01914
Date de la décision : 27/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SELARL PATRICE LEMIEGRE, PHILIPPE FOURDRIN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-02-27;17da01914 ?
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