Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'établissement public de santé mentale départemental de l'Aisne à lui verser les sommes de 589,94 euros au titre d'un rappel de salaire, de 58,99 euros au titre des congés payés, de 2 037,57 euros au titre du solde d'indemnité de licenciement et de 37 960 euros en indemnisation de ses préjudices matériel et moral subis en raison de l'illégalité de son licenciement pour insuffisance professionnelle prononcé par une décision du 5 septembre 2016 du directeur de cet établissement.
Par un jugement n° 1603259 du 9 octobre 2018, le tribunal administratif d'Amiens, a estimé que l'établissement public de santé mentale départemental de l'Aisne n'avait commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité en prononçant le licenciement de l'intéressée, a condamné l'établissement à lui verser une somme de 584,94 euros au titre du rappel de rémunération pour la période du 8 au 13 février 2016 et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 décembre 2018, 15 mars 2019, 26 mars 2019 et le 28 octobre 2019, Mme D..., représentée par Me B... C..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) de condamner l'établissement public de santé mentale départemental de l'Aisne à lui verser les sommes demandées en première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'établissement public de santé mentale départemental de l'Aisne une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... a été recrutée en qualité d'ingénieur responsable qualité à compter du 13 mai 2013 par l'établissement public de santé mentale départemental de l'Aisne, par un contrat à durée indéterminée, afin d'exercer les fonctions de responsable de la direction de la qualité et gestion des risques. Par une décision du 5 septembre 2016, le directeur de cet établissement a licencié l'intéressée pour inaptitude professionnelle. Mme D... relève appel du jugement du 9 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens, après avoir condamné l'établissement à lui verser une somme de 584,94 euros au titre du rappel de rémunération pour la période du 8 au 13 février 2016, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. L'établissement public de santé mentale départemental de l'Aisne doit être regardé comme demandant la réformation du même jugement en tant qu'il l'a condamné à verser à Mme D... la somme de 584,94 euros au titre du rappel de rémunération pour la période du 8 au 13 février 2016.
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne la légalité de la décision du 5 septembre 2016 de licenciement :
2. Le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé ou correspondant à son grade et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions. Toutefois, une telle mesure ne saurait être subordonnée à ce que l'insuffisance professionnelle ait été constatée à plusieurs reprises au cours de la carrière de l'agent ni qu'elle ait persisté après qu'il ait été invité à remédier aux insuffisances constatées. Par suite, une évaluation portant sur la manière dont l'agent a exercé ses fonctions durant une période suffisante et révélant son inaptitude à un exercice normal de ses fonctions est de nature à justifier légalement son licenciement.
3. Pour prononcer le licenciement de Mme D..., le directeur de l'établissement public de santé mentale départemental de l'Aisne s'est fondé sur l'insuffisance professionnelle de l'intéressée qui s'est traduite par le manque de préparation de la visite de certification de la Haute autorité de santé qui s'est déroulée du 25 avril au 29 avril 2016, par une absence de communication avec la direction générale, par le refus de rendre des comptes réguliers notamment sur l'avancée des travaux de certification, par des manques de transparence dans l'agenda professionnel et dans l'organisation de ses périodes d'absence, et par l'impossibilité pour la direction générale de consulter les applications informatiques de la Haute autorité de santé, à défaut pour la requérante de lui en avoir fourni les codes d'accès. Il a également été reproché à l'intéressée un comportement inadapté envers ses subordonnés et le personnel de direction et, enfin, la non-restitution par négligence de son ordinateur et de son téléphone portable ainsi que des clés de son bureau à la suite d'une absence prolongée malgré la demande qui lui en avait été faite.
S'agissant de l'exactitude matérielle et de la qualification des faits :
4. En premier lieu, en ce qui concerne les insuffisances liées au manque de préparation de la visite de certification, et contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort de l'examen de la fiche de bilan de travaux de Mme D... pour la période de mai 2013 à juillet 2014 que celle-ci, qui a été embauchée pour assurer les fonctions de chef de projet de la qualité et de la gestion des risques à compter du 13 mai 2013, prévoyait notamment comme objectif assigné à Mme D... la préparation de la " démarche de certification V2014 " de l'établissement par la Haute autorité de santé, comprenant notamment l'identification d'une stratégie de préparation de cette démarche. En outre, il ressort des objectifs fixés au titre des années 2015 et 2016 par les entretiens d'évaluation de l'intéressée que Mme D... devait en priorité piloter la démarche de certification. L'établissement public de santé mentale départemental de l'Aisne fait valoir qu'à la suite de la visite de certification, la Haute autorité de santé a, par une lettre du 26 juillet 2016, précisé que l'établissement accumulait de nombreuses zones de risques et qu'à ce stade, le processus décisionnel pourrait conduire à une non-certification de l'établissement. Elle souligne en particulier un déficit général de son système de management de la qualité et de la gestion des risques, bien qu'il n'ait pas été observé pendant la visite de situation mettant directement en jeu la sécurité des patients de manière grave et immédiate, et relève des difficultés majeures d'ordre structurel et organisationnel, à savoir, une absence d'identification exhaustive des risques, une absence de déclinaison opérationnelle de la stratégie au sein des services, des difficultés dans la mise en oeuvre effective des procédures par les professionnels et un déficit de structuration de l'évaluation des différents processus. Elle précise également qu'il a été constaté un " réamorçage de la dynamique " à l'initiative du directeur de l'établissement et du directeur des soins, à la suite du départ de Mme D.... Il résulte de ces éléments que Mme D..., qui, comme cela a été dit, avait comme objectif principal la préparation de cette campagne de certification et l'élaboration de la stratégie de préparation de celle-ci en sa qualité de responsable de la qualité et gestion des risques, quand bien-même cet objectif ne figurait pas dans son contrat de travail, n'a pas rempli les objectifs qui lui avaient été assignés. Si Mme D..., qui n'apporte en dehors de quelques courriels, aucun élément de nature à établir la consistance du travail qu'elle aurait réalisé en vue de cette certification, fait valoir qu'elle a dû faire face à plusieurs difficultés liées à un climat social compliqué avec des réorganisations, un personnel médical peu impliqué et des changements successifs à la direction générale, elle n'établit pas que ces réorganisations auraient été de nature à l'empêcher de respecter l'objectif qui lui avait été fixé. En outre, si l'intéressée fait valoir que sa secrétaire a exercé ses fonctions à mi-temps à compter du mois de septembre 2015, puis a été absente à compter du 1er février 2016, cet agent a été remplacé dès le 8 février 2016, les difficultés alléguées n'ayant par suite été que temporaires. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la matérialité du manquement reproché doit être regardée comme établie.
5. En deuxième lieu, en ce qui concerne l'absence de communication de Mme D... avec la direction générale de l'établissement et le refus de rendre des comptes réguliers notamment sur la préparation de la visite de certification, si l'évaluation de Mme D... réalisée en 2015 était satisfaisante, il ressort cependant de celle-ci qu'il lui avait été demandé d'améliorer la communication notamment avec la direction des soins de l'établissement. Ensuite, si Mme D... a initialement en 2013 et en 2015 informé par courriel sa direction sur les mesures prises pour permettre l'avancement de la préparation de la visite de certification et sur l'état d'avancement de celle-ci, elle a cependant fait preuve d'un manque de disponibilité certain en reportant tardivement des rendez-vous ou des réunions programmées et en ayant de nombreux jours d'absence pour des motifs tenant à son organisation personnelle. Toutefois, il n'est pas établi que Mme D... aurait refusé, malgré des demandes formelles qui lui auraient été faites de la part de la direction, de transmettre des points d'étape réguliers sur la préparation de la visite de certification. La matérialité de ce motif n'est ainsi que partiellement établie.
6. En troisième lieu, en ce qui concerne le comportement inadapté de Mme D... envers ses subordonnés et le personnel de direction et le manque de transparence de son agenda professionnel, l'établissement fait valoir que le médecin du travail avait alerté la direction sur les difficultés rencontrées par la secrétaire de Mme D... dans le cadre de leurs relations. Ce médecin, qui a préconisé un changement d'affectation de cette secrétaire, a par ailleurs relevé le comportement inadapté de Mme D... à son égard, qui exigeait d'elle le respect de l'organisation des congés pour assurer la continuité du service, alors qu'elle-même était fréquemment absente et prenait des libertés dans l'organisation de son emploi du temps. Cependant, ce fait doit être regardé comme constituant une difficulté relationnelle et non comme révélant par lui-même une insuffisante compétence managériale susceptible de compromettre le bon fonctionnement du service. Enfin, le grief tenant au manque de transparence quant à la tenue de l'agenda professionnel de l'intéressée n'est pas établi.
7. En quatrième lieu, en ce qui concerne le manque d'organisation des périodes d'absence et l'impossibilité pour la direction générale de consulter les applications informatiques de la Haute autorité de santé à défaut pour Mme D... de lui en avoir fourni les codes d'accès préalablement à la visite de certification, il ressort des pièces du dossier, en particulier des courriels produits par Mme D..., que celle-ci informait de ses absences, soit sa secrétaire, à charge pour elle d'en informer les personnes concernées, soit celles-ci directement. En outre, si la direction de l'établissement public de santé mentale départemental de l'Aisne a demandé à plusieurs reprises à Mme D... de lui communiquer les codes d'accès aux applications informatiques nécessaires pour la préparation de la visite de certification, celle-ci l'a fait par un courriel du 15 février 2016 antérieur à la visite de certification. En tout état de cause, ces griefs se rattachent à celui plus général tenant au manque de préparation de l'établissement à la visite de certification de la Haute autorité de santé qui, lui, est fondé.
8. Enfin, en ce qui concerne la non-restitution de l'ordinateur et du téléphone portable, ce fait révèle plutôt une négligence fautive de Mme D... et ne saurait être regardé comme démontrant en tant que tel une insuffisance professionnelle de l'intéressée.
9. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que seuls sont établis les motifs tirés du manque de préparation de l'établissement à la visite de certification de la Haute autorité de santé et, partiellement, celui en découlant tiré de l'absence de communication avec la direction s'agissant des mesures prises pour la préparation de cette visite et de leur état d'avancement.
S'agissant de l'appréciation des faits :
10. Les manquements retenus précédemment ont révélé une incapacité de Mme D... à assurer dans des conditions satisfaisantes la mission principale pour laquelle elle avait été engagée, à savoir la préparation de la démarche de certification de l'établissement conduite par la Haute autorité de santé. Ces manquements ont en outre conduit à l'accumulation par l'établissement public de santé mentale départemental de l'Aisne de nombreuses zones de risques et de vulnérabilité, un déficit général au niveau du système de management de la qualité et une absence de progression depuis la dernière campagne de certification menée en 2010. Ils étaient ainsi de nature à entraîner des conséquences importantes quant à la démarche de certification de l'établissement dès lors qu'ils pouvaient conduire à la non-certification de celui-ci par la Haute autorité de santé et, ainsi, porter atteinte à l'objectif d'amélioration continue des conditions de prise en charge des patients par une meilleure identification des risques et la mise en oeuvre de meilleures pratiques. Dans ces conditions, la décision du directeur de l'établissement public de santé mentale départemental de l'Aisne du 5 septembre 2016 prononçant le licenciement de Mme D... pour insuffisance professionnelle n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
11. Il résulte de ce qui précède que la décision du 5 septembre 2016 prononçant le licenciement de Mme D... pour insuffisance professionnelle n'étant pas entachée d'illégalité, les conclusions indemnitaires présentées par l'intéressée, fondées sur l'illégalité de cette décision, ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les autres conclusions :
En ce qui concerne l'indemnité de congés payés :
12. Mme D..., qui se borne à demander une somme de 58,99 euros au titre des congés payés au titre de l'année 2016, n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle aurait été dans l'incapacité de bénéficier effectivement de ces congés, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges au point 9 du jugement attaqué. Elle ne peut ainsi prétendre au versement de cette somme.
En ce qui concerne l'indemnité de licenciement :
13. Aux termes de l'article 49 du décret n° 91-155 du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 : " La rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est la dernière rémunération nette des cotisations de sécurité sociale et, le cas échéant, des cotisations d'un régime de prévoyance complémentaire effectivement perçue au cours du mois civil précédant le licenciement. Elle ne comprend ni les prestations familiales, ni le supplément familial de traitement, ni les indemnités pour travaux supplémentaires ou autres indemnités accessoires. / Le montant de la rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement d'un agent employé à temps partiel est égal au montant de la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait été employé à temps complet, telle qu'elle est définie à l'alinéa précédent. / Lorsque le dernier traitement de l'agent est réduit de moitié en raison d'un congé de maladie ou de grave maladie, le traitement servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est sa dernière rémunération à plein traitement telle qu'elle est définie au premier alinéa du présent article. Il en est de même lorsque le licenciement intervient après un congé non rémunéré ". Aux termes de l'article 50 du même décret : " L'indemnité de licenciement est égale à la moitié de la rémunération de base définie à l'article précédent pour chacune des douze premières années de services, au tiers de la même rémunération pour chacune des années suivantes, sans pouvoir excéder douze fois la rémunération de base. Elle est réduite de moitié en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle (...) ".
14. L'établissement public de santé mentale départemental de l'Aisne a versé à Mme D... une indemnité de licenciement d'un montant de 2 451,73 euros. Celle-ci demande à ce titre le versement d'une somme complémentaire de 2 158,46 euros. Il résulte cependant de l'instruction qu'elle a perçu avant son arrêt de travail au mois de février 2016 une rémunération nette d'un montant de 3 073, 46 euros. En appliquant la règle fixée par l'article 50 du décret et en divisant par deux ce montant, Mme D... aurait dû percevoir, compte tenu de ses trois années de présence, une somme de 2 305,09 euros. Par suite, les conclusions de la requérante, qui a perçu à ce titre, ainsi qu'il vient d'être dit, une somme de 2 451,73 euros, ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions incidentes de l'établissement public de santé mentale départemental de l'Aisne :
15. Si l'établissement public de santé mentale départemental de l'Aisne demande la réformation du jugement en tant qu'il met à sa charge la somme de 589,94 euros au titre du rappel de rémunération pour la période du 8 au 13 février 2016, il n'assortit ces conclusions d'aucun moyen permettant d'en apprécier le bien-fondé.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. L'établissement public de santé mentale départemental de l'Aisne n'est pas davantage fondé à demander, par la voie de l'appel incident, la réformation de ce jugement en tant qu'il met à sa charge la somme de 589,94 euros au titre du rappel de rémunération pour la période du 8 au 13 février 2016. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions présentées par Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme D... le versement à l'établissement public de santé mentale départemental de l'Aisne d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident de l'établissement public de santé mentale départemental de l'Aisne et celles présentées par lui au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et à l'établissement public de santé mentale départemental de l'Aisne.
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N°18DA02504
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N°"Numéro"