Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de Lens à lui verser une somme de 44 452,29 euros en indemnisation du préjudice subi à l'issue de sa prise en charge dans cet établissement.
Par un jugement n° 1508623 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a condamné le centre hospitalier de Lens à verser à Mme E... une somme de 16 770,68 euros en indemnisation de ces préjudices, et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois les sommes de 18 605,17 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2017 et capitalisés à compter du 25 novembre 2018 et de 269,04 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2017 et capitalisés à compter du 14 décembre 2018.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 mars 2018 et 31 mai 2019, le centre hospitalier de Lens, représenté par Me F... B..., demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement et d'ordonner le remboursement des sommes versées à Mme E... et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois pour son exécution ;
2°) à titre subsidiaire, de diligenter une nouvelle expertise confiée à un expert en chirurgie orthopédique ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, de fixer à 50 % la perte de chance de Mme E... de se soustraire au dommage réalisé et de limiter le montant de son indemnisation à la somme totale de 6 030,27 euros et celui de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois à la somme de 14 727,75 euros ;
4°) de mettre à la charge de Mme E... les entiers dépens et le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,
- et les observations de Me C... H..., substituant Me F... B..., représentant le centre hospitalier de Lens, et de Me G... D..., représentant Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'une chute à son domicile le 7 mars 2008, Mme A... E... a été admise au service d'accueil des urgences du centre hospitalier de Lens où les examens pratiqués ont mis en évidence une fracture complexe de quatre fragments de l'extrémité supérieure de l'humérus droit. Hospitalisée à compter du 9 mars 2008, elle a été opérée le 12 mars 2008 pour la réalisation d'une réduction et d'une ostéosynthèse par l'emploi d'un " clou Télégraph ". Les suites de l'intervention ont été compliquées par des douleurs, un démontage complet de la fracture et une désorganisation complète de la tête humérale qui a imposé une reprise le 9 avril 2008 pour la mise en place d'une prothèse d'épaule. Mme E... subira le 22 avril 2009, dans une clinique privée, une dernière intervention visant à remplacer la prothèse d'épaule par une prothèse totale d'épaule inversée fonctionnant avec le deltoïde. Estimant fautives les conditions de sa prise en charge par le centre hospitalier de Lens en 2008, elle a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation qui a diligenté une expertise dont le rapport a été remis le 26 janvier 2014. La commission ayant décliné sa compétence, Mme E... a saisi le centre hospitalier de Lens d'une demande indemnitaire en date du 9 mars 2015, laquelle a été implicitement rejetée. Le centre hospitalier de Lens interjette appel du jugement du tribunal administratif de Lille du 29 décembre 2017 par lequel sa responsabilité a été retenue à l'égard de Mme E.... Celle-ci et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois interjettent appel incident en tant que le jugement attaqué n'a pas intégralement fait droit à leurs prétentions indemnitaires.
Sur la responsabilité du centre hospitalier de Lens :
2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".
3. Mme E... a été admise au centre hospitalier de Lens pour le traitement d'une fracture complexe de quatre fragments de l'extrémité supérieure de l'humérus droit. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'avis technique en date du 23 février 2018 rédigé par le médecin-expert nommé par l'assureur du centre hospitalier de Lens et non contesté par Mme E..., que ce type de " fracture céphalotubérositaire à 4 fragments [est] de très mauvais pronostic avec un fort taux de nécrose post traumatique ". Le choix de procéder à une ostéosynthèse par enclouage, qui, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, n'est pas fautif, expose en outre le chirurgien à des difficultés techniques particulièrement importantes. Ces difficultés sont relevées tant par l'expert que par le médecin-conseil représentant le centre hospitalier de Lens lors de l'expertise qui, dans un avis technique en date du 31 mars 2015, relève que les " fractures comminutives de l'extrémité supérieure de l'humérus peuvent se révéler excessivement difficiles à ostéosynthéser de façon satisfaisante, et il existe des déplacements secondaires dans un nombre de cas non négligeable ". L'expert nommé par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation se borne pourtant à constater, pour estimer " non conformes " les " modalités de réalisation " de l'ostéosynthèse pratiquée le 12 mars 2008, que les difficultés techniques en cause ont " abouti à un montage de mauvaise qualité ne fixant pas la fracture " et que le " montage opératoire n'était pas satisfaisant ", sans caractériser les raisons pour lesquelles il a estimé que le geste technique du chirurgien avait été réalisé en méconnaissance des règles de l'art. A l'inverse, il ressort des avis documentés et non contestés produits par le centre hospitalier que les déplacements secondaires après des ostéosynthèses sont " fréquents et tout à fait connus sans pour autant être considérés comme fautifs ", et que " les ostéosynthèses des fractures céphalotubérositaires à quatre fragments [présentent] un résultat satisfaisant dans 50 % des cas " ainsi qu'un " fort taux de nécrose post-traumatique (supérieur à 50 % avec des taux publiés à 74 %) ".
4. Il résulte de ce qui précède qu'à défaut de tout élément relatif à la nature, aux caractéristiques et aux conditions de réalisation de la faute qu'aurait commise le centre hospitalier de Lens dans la prise en charge de Mme E... le 12 mars 2008, et alors que le geste chirurgical en cause présente des difficultés techniques importantes, connues et redoutées, et que deux médecins-conseil, tous deux chirurgiens-orthopédistes, ont estimé par des avis précis et non contestés, qu'aucune faute ne pouvait être retenue s'agissant d'un simple échec thérapeutique, la responsabilité du centre hospitalier de Lens n'est pas susceptible d'être engagée à l'encontre de Mme E....
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de prescrire une nouvelle expertise, que le centre hospitalier de Lens est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille l'a condamné à indemniser les préjudices subis par Mme E... à la suite de l'intervention du 12 mars 2008. Il y a par suite lieu d'annuler le jugement attaqué et de rejeter les conclusions de première instance et d'appel formulées par Mme E... et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier de Lens aux conclusions de celle-ci.
Sur les conclusions tendant à ce que soit ordonné le remboursement des sommes versées à Mme E... et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois en exécution du jugement du 29 décembre 2017 :
6. L'annulation, par le présent arrêt, du jugement attaqué implique la restitution par Mme E... et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois des sommes versées par le centre hospitalier de Lens en exécution dudit jugement. Il appartiendra au centre hospitalier de Lens d'émettre, le cas échéant, un titre de recettes en vue d'obtenir le remboursement des sommes en cause. Par suite, eu égard à cette faculté d'émettre un titre, ses conclusions tendant à ce que soit ordonné à Mme E... et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois un tel remboursement ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
7. La caisse primaire d'assurance-maladie de l'Artois ne peut prétendre à une augmentation du montant de l'indemnité forfaitaire de gestion dès lors que ses conclusions tendant à la majoration des sommes qui lui sont dues au titre des prestations versées sont rejetées.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Lens les sommes que Mme E... et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme E... la somme demandée au titre des frais exposés par le centre hospitalier de Lens et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1508623 du tribunal administratif de Lille du 29 décembre 2017 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de première instance et d'appel de Mme E... et de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions du centre hospitalier de Lens est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Lens, à Mme A... E... et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois.
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N°18DA00523