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18/02/2020 | FRANCE | N°19DA02256

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 18 février 2020, 19DA02256


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 juillet 2019 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a ordonné son transfert aux autorités espagnoles.

Par un jugement n° 1902975 du 16 septembre 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 24 juillet 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 septembre 2019, le préfet de la Seine-Maritim

e demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. A....

Vu les...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 juillet 2019 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a ordonné son transfert aux autorités espagnoles.

Par un jugement n° 1902975 du 16 septembre 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 24 juillet 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 septembre 2019, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Christian Boulanger, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant mauritanien né le 14 janvier 2000, a déposé une demande d'asile en France le 18 février 2019. La consultation d'Eurodac a fait apparaître l'existence d'une prise d'empreintes en Espagne. Ce pays, consulté par la France, a implicitement accepté de le prendre en charge le 21 avril 2019. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 24 juillet 2019 ordonnant le transfert de l'intéressé vers l'Espagne.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Rouen :

2. Aux termes de l'article 4 - Droit à l'information - du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n°603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement ". L'article 5 de ce règlement dispose que : " Entretien individuel : / 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 / (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national / (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre le 18 février 2019 l'information sur les règlements communautaires, à savoir les brochures A " j'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et B " je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " en langue soninke, qu'il a déclaré comprendre. M. A... soutient qu'étant illettré, il n'a pu lire ni comprendre ces documents d'information. Toutefois, il a déclaré lors de l'entretien individuel, au cours duquel il était assisté d'un interprète, avoir compris la procédure engagée à son encontre. Il n'a pas indiqué qu'il n'était pas en mesure de comprendre les brochures qui lui ont été remises à cette date et sur lesquelles il a apposé sa signature, quand bien même celle-ci aurait revêtu la forme d'un symbole. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'administration ne se serait pas assurée de la compréhension par l'intéressé des informations fournies conformément à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013, en méconnaissance des dispositions de l'article 5 du même article, doit être écarté. Par suite, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif a retenu ce motif pour annuler son arrêté du 26 juin 2019.

4. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant la juridiction administrative.

Sur les autres moyens soulevés devant la juridiction administrative :

5. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

6. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

7. L'arrêté en litige vise le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et précise que M. A... a été identifié comme ayant franchi irrégulièrement la frontière espagnole le 29 novembre 2018 et que les autorités de ce pays, saisies par la France le 21 février 2019 en application de l'article 13 de ce règlement, ont implicitement accepté de le prendre en charge le 21 avril 2019. Dès lors, l'arrêté en litige énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde avec une précision suffisante pour permettre à M. A... de comprendre les motifs de la décision et, le cas échéant, d'exercer utilement son recours. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté doit être écarté.

8. Pour les motifs mentionnés à l'article 3, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

9. D'une part, les dispositions du paragraphe 4 de l'article 4 de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 qui se bornent à prévoir que l'autorité compétente pour traiter les cas en vertu du règlement n° 604/2013 du même jour doit disposer des connaissances appropriées ou recevoir la formation nécessaire pour remplir ses obligations, n'appellent aucune mesure de transposition en droit interne. L'intimé n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment celles de l'article R. 742-1, seraient incompatibles avec les objectifs de cette directive.

10. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, notamment des éléments versés aux débats par le préfet, que M. A... a bénéficié de l'entretien individuel prévu par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dans les locaux de la préfecture des Hauts-de-Seine, le 18 février 2019. En l'absence de tout élément de nature à faire naître un doute sérieux sur ce point, il n'est pas établi que l'agent de la préfecture qui a mené cet entretien n'aurait pas été mandaté à cet effet par le préfet de la Seine-Maritime après avoir bénéficié d'une formation appropriée et ne serait, par suite, pas une " personne qualifiée en vertu du droit national " au sens des dispositions citées au point précédent. L'intimé ne précise d'ailleurs pas en quoi l'agent de la préfecture n'aurait pas mené cet entretien conformément aux exigences prévues par le règlement du 26 juin 2013, ni en quoi la procédure de détermination de l'Etat responsable aurait été faussée en l'espèce compte tenu des conditions dans lesquelles cet entretien s'est déroulé. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'entretien s'est déroulé de façon irrégulière en l'absence de formation suffisante de l'agent qui l'a interrogé ne peut qu'être écarté.

11. Le préfet a versé au dossier l'accusé de réception émis, dans le cadre du réseau Dublin et, par le point d'accès national espagnol à réception de la demande présentée par les autorités françaises le 21 février 2019. Ce document établit l'existence et la date de la demande et permet, en conséquence, de déterminer le point de départ du délai au terme duquel la demande de reprise est tenue pour implicitement acceptée.

12. Il ne résulte ni de la motivation de l'arrêté en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A... avant de prendre la décision contestée. Dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation particulière de l'intéressé doit être écarté.

13. Aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 de ce règlement, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

14. M. A... est célibataire et sans enfant à charge. Il résidait en France depuis quelques semaines à la date de l'arrêté attaqué. Il n'établit pas la réalité des problèmes de santé dont il se prévaut. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Maritime aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 24 juillet 2019. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. A... à fin d'injonction et au titre des frais liés au litige doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 16 septembre 2019 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande de M. A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....

N°19DA02256 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02256
Date de la décision : 18/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Christian Boulanger
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-02-18;19da02256 ?
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