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13/02/2020 | FRANCE | N°17DA02422

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 13 février 2020, 17DA02422


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de condamner la commune d'Ambleteuse à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation des préjudices résultant selon lui des désordres résultant de la présence, sous sa propriété située à Ambleteuse (Pas-de-Calais), d'une canalisation d'eau pluviale non entretenue, d'autre part, d'enjoindre à la commune d'Ambleteuse de procéder aux travaux, exposés dans le procès-verbal d'accord dressé le 22 janvier 2013, de nature à faire

cesser les désordres causés par cet ouvrage.

Par un jugement n°1408905 du 24 oc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de condamner la commune d'Ambleteuse à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation des préjudices résultant selon lui des désordres résultant de la présence, sous sa propriété située à Ambleteuse (Pas-de-Calais), d'une canalisation d'eau pluviale non entretenue, d'autre part, d'enjoindre à la commune d'Ambleteuse de procéder aux travaux, exposés dans le procès-verbal d'accord dressé le 22 janvier 2013, de nature à faire cesser les désordres causés par cet ouvrage.

Par un jugement n°1408905 du 24 octobre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 décembre 2017 et le 18 avril 2018 M. A..., représenté par la SCP Wable- Trunecek-Tachon-Aubron, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune d'Ambleteuse à lui verser une somme de 15 000 euros, en réparation du préjudice moral causé par les désordres persistants qu'il subit et par la résistance abusive de la commune ;

3°) d'enjoindre à la commune d'Ambleteuse de procéder aux travaux nécessaires pour remédier à ces nuisances, tels qu'ils sont mentionnés au procès-verbal dressé le 22 janvier 2013, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ou, à défaut, de condamner la commune d'Ambleteuse à lui verser une somme de 10 156,80 euros pour lui permettre de les réaliser ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Ambleteuse une somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Christophe Binand, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., pour la commune d'Ambleteuse.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a constaté, le 24 septembre 2012, l'apparition, dans son jardin, à l'issue d'un épisode de fortes pluies, d'un trou au niveau d'une canalisation d'écoulement des eaux pluviales appartenant à la commune d'Ambleteuse (Pas-de-Calais). Une réunion d'expertise contradictoire s'est tenue le 22 janvier 2013, à l'initiative de la compagnie d'assurances de M. A..., en présence de représentants de la commune d'Ambleteuse. M. A... a, par la suite, demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune d'Ambleteuse à lui verser une somme de 15 000 euros afin de lui permettre d'entreprendre les travaux de nature à faire cesser les désordres résultant, selon lui, du fonctionnement défectueux, dans l'enceinte de sa propriété, d'une canalisation d'écoulement des eaux pluviales issues de la voie publique ou d'enjoindre à la commune de procéder aux travaux, qui avaient été arrêtés au mois de janvier 2013, de nature à y remédier. En outre, M. A... a demandé que la commune soit condamnée à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral causé par la persistance de cette situation. L'intéressé, qui relève appel du jugement du 24 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande, présente à nouveau des conclusions tendant à la condamnation de la commune d'Ambleteuse à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, d'enjoindre à la commune d'Ambleteuse de procéder aux travaux convenus en 2013 pour remédier à ces nuisances, par la suppression de la canalisation en cause, ou, à défaut, de condamner la commune à lui verser une somme, ramenée à 10 156,80 euros, afin de lui permettre de faire procéder à la réalisation desdits travaux.

Sur le moyen tiré de l'emprise irrégulière :

2. Au soutien de ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune d'Ambleteuse de déplacer la canalisation implantée sous sa propriété, M. A... a fait valoir, pour la première fois en appel, dans son mémoire enregistré le 18 avril 2018, que l'ouvrage en cause avait été implanté irrégulièrement au regard des dispositions de l'article L. 152-1 du code rural et de la pêche maritime qui établissent une servitude d'écoulement des eaux pluviales grevant certains terrains privés non bâtis. Ce moyen relève d'une cause juridique distincte de celle tirée de la responsabilité engagée même sans faute par la commune d'Ambleteuse envers les tiers, en sa qualité de maître d'un ouvrage public défectueux, dont contrairement, à ce qu'il soutient, M. A... s'est seulement prévalu devant les premiers juges ainsi, au demeurant, que par ses écritures produites dans le délai d'appel. Dès lors, ce moyen constitue une demande nouvelle, irrecevable en appel, et ne peut qu'être écarté.

Sur les exceptions opposées par la commune d'Ambleteuse :

3. En premier lieu, la commune d'Ambleteuse fait valoir que le caractère contractuel du " procès-verbal d'accord " dressé le 22 janvier 2013 entre M. A... et les représentants de la commune, en présence de leurs assureurs respectifs et des experts mandatés par ces derniers, fait obstacle à ce que le requérant recherche sa responsabilité sur un terrain extra-contractuel. Toutefois, il résulte des mentions dépourvues de toute ambiguïté qui y figurent, que ce document vise seulement à établir contradictoirement le constat de faits soumis aux assureurs pour la mise en oeuvre éventuelle des garanties souscrites par leurs assurés et n'emporte aucune reconnaissance de responsabilité ni engagement d'indemnisation par ses signataires. Dès lors, ce " procès-verbal d'accord ", ne peut être regardé, contrairement à ce que soutient la commune d'Ambleteuse, comme ayant pour objet ou pour effet de déterminer le cadre contractuel du règlement des conséquences dommageables que M. A... rapporte au fonctionnement de la canalisation en cause, ni même comme établissant la renonciation de l'intéressé à rechercher la responsabilité de la commune sur un fondement autre que l'inexécution de l'obligation qu'elle aurait contractuellement souscrite de réaliser les travaux mentionnés dans ce document. Il s'ensuit que la commune d'Ambleteuse n'est pas fondée à soutenir que les conclusions de M. A..., faute de reposer sur le fondement de la responsabilité contractuelle, devraient être rejetées.

4. En second lieu, les créances revendiquées par M. A... ne se rapportent pas aux conséquences du premier affaissement de terrain, au droit de la canalisation, constaté en 2007, mais aux conséquences dommageables résultant du second affaissement survenu le 24 septembre 2012 et à l'abstention de la commune d'Ambleteuse d'y remédier depuis la fin de l'année 2013. Si la prescription quadriennale a été acquise au 31 décembre 2011 pour les conséquences dommageables des faits survenus au cours de l'année 2007, les créances se rapportant aux désordres survenus en 2012, dont l'origine n'a été déterminée, au demeurant, que par les investigations menées en 2013, ainsi qu'au préjudice moral causé par l'abstention de la commune à y remédier, n'étaient pas prescrites lorsque M. A... a demandé leur réparation au tribunal administratif de Lille. Il s'ensuit que l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune d'Ambleteuse doit être écartée.

Sur la responsabilité de la commune d'Ambleteuse :

5. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure.

6. Il résulte de l'instruction que le 24 septembre 2012, à la suite de fortes pluies, dont il n'est pas établi qu'elles auraient présenté le caractère d'un cas de force majeure, un affaissement de terrain est survenu au droit de la canalisation souterraine qui assure, sous le terrain de M. A..., l'écoulement des eaux pluviales collectées sur la voirie vers un point de rejet. M. A... soutient, sans être contredit, que cet affaissement brutal sous ses pas a entraîné sa chute jusqu'à la taille dans l'excavation qui s'était formée et qu'il a constaté, par la suite, des infiltrations en partie basse de son habitation. Il ressort des mentions du " procès-verbal d'accord " dressé le 22 janvier 2013 par des hommes de l'art en présence du requérant et de deux représentants de la commune, que ces désordres sont imputables au déboîtement de cette canalisation du puisard qui en est l'exutoire. Ce constat n'est pas contredit par la commune d'Ambleteuse qui se borne à alléguer, sans apporter d'éléments probants au soutien de ses assertions, que M. A... a influencé les experts et abusé ses propres représentants, dont l'un était, pourtant, le conseiller municipal délégué aux travaux et l'autre un responsable technique et qui ont tous deux signé ce document, sans émettre de réserves, en validant, au contraire, le principe de travaux destinés à remédier à ce désordre avant la fin de l'année 2013. La commune ne peut davantage se prévaloir, à l'encontre de ce constat, de la circonstance que l'inspection visuelle de l'intérieur de la canalisation réalisée après le premier affaissement en 2007 n'a alors révélé aucune atteinte structurelle, en dépit du caractère de vétusté de l'ouvrage qui a été relevé, sans toutefois que ne soit testée son étanchéité. Il s'ensuit que le requérant, dont la qualité de tiers vis-à-vis de l'ouvrage public en cause n'est pas contestée, est fondé à demander la réparation du préjudice que lui a causé le fonctionnement défectueux de celui-ci.

Sur les préjudices :

7. Lorsque le juge administratif condamne une personne publique responsable de dommages qui trouvent leur origine dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public, il peut, saisi de conclusions en ce sens, s'il constate qu'un dommage perdure à la date à laquelle il statue du fait de la faute que commet, en s'abstenant de prendre les mesures de nature à y mettre fin ou à en pallier les effets, la personne publique, enjoindre à celle-ci de prendre de telles mesures. Pour apprécier si la personne publique commet, par son abstention, une faute, il lui incombe, en prenant en compte l'ensemble des circonstances de fait à la date de sa décision de vérifier d'abord si la persistance du dommage trouve son origine non dans la seule réalisation de travaux ou la seule existence d'un ouvrage, mais dans l'exécution défectueuse des travaux ou dans un défaut ou un fonctionnement anormal de l'ouvrage et, si tel est le cas, de s'assurer qu'aucun motif d'intérêt général, qui peut tenir au coût manifestement disproportionné des mesures à prendre par rapport au préjudice subi, ou aucun droit de tiers ne justifie l'abstention de la personne publique. En l'absence de toute abstention fautive de la personne publique, le juge ne peut faire droit à une demande d'injonction, mais il peut décider que l'administration aura le choix entre le versement d'une indemnité dont il fixe le montant et la réalisation de mesures dont il définit la nature et les délais d'exécution. Pour la mise en oeuvre de ses pouvoirs, il appartient au juge, saisi de conclusions tendant à ce que la responsabilité de la personne publique soit engagée, de se prononcer sur les modalités de la réparation du dommage, au nombre desquelles figure le prononcé d'injonctions, dans les conditions ainsi définies.

8. En premier lieu, les désordres affectant la propriété de M. A..., qui trouvent leur origine, ainsi qu'il a été dit au point 6, dans le fonctionnement défectueux d'un ouvrage public, sont susceptibles de réitération compte tenu des conditions météorologiques qui y ont conduit et dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elles présentaient un caractère exceptionnel. Pour justifier de son abstention à prendre les mesures nécessaires pour faire cesser le risque de réitération de ces désordres, la commune ne fait état d'aucun motif d'intérêt général, tenant notamment au caractère manifestement disproportionné du coût des travaux permettant d'y remédier, estimé à 10 156,80 euros selon le devis produit par M. A..., ou même à une difficulté technique particulière. Dès lors, au regard des principes rappelés au point précédent, il y a lieu d'enjoindre à la commune d'Ambleteuse de réaliser, avant le 30 septembre 2020, les travaux de nature faire cesser les désordres causés par l'ouvrage défectueux en rétablissant son fonctionnement normal voire, si la commune préfère, en le détournant de la propriété de M. A....

9. En second lieu, il résulte de l'instruction que la commune d'Ambleteuse n'a pas entrepris les travaux de suppression de la canalisation, ni même les travaux de rétablissement de son bon fonctionnement, dont le principe avait été arrêté en 2013, en dépit d'une relance de M. A... en mai 2014, sans faire état, ainsi qu'il l'a été dit, de motifs d'intérêt général ni même de difficultés techniques pour justifier de son inaction. En l'absence d'apparition de nouveaux désordres, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral causé à M. A... par la persistance de cette situation et des troubles liés à l'anxiété qui en ont résulté, qui ressortent des certificats médicaux produits en cause d'appel, en fixant à 3 000 euros l'indemnité, à la charge de la commune, destinée à en assurer la réparation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement du 24 octobre 2017 du tribunal administratif de Lille, ainsi que la condamnation de la commune d'Ambleteuse à lui verser une somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral et le prononcé de la mesure d'injonction définie au point 8 du présent arrêt.

Sur les frais non compris dans les dépens :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Ambleteuse le versement à M. A... d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais non compris dans les dépens que la commune d'Ambleteuse a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 24 octobre 2017 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La commune d'Ambleteuse est condamnée à verser une somme de 3 000 euros à M. A....

Article 3 : Il est enjoint à la commune d'Ambleteuse de réaliser, avant le 30 septembre 2020, les travaux de nature à faire cesser les désordres causés par l'ouvrage défectueux en rétablissant son fonctionnement normal, voire, si elle préfère, en le détournant de la propriété de M. A....

Article 4 : La commune d'Ambleteuse versera une somme de 1 500 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Lille et des conclusions de sa requête devant la cour est rejeté.

Article 6 : Les conclusions de la commune d'Ambleteuse présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à la commune d'Ambleteuse.

Copie sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.

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N°17DA02422


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