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06/02/2020 | FRANCE | N°18DA00808

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 06 février 2020, 18DA00808


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 31 août 2015 par laquelle le recteur de l'académie d'Amiens a prononcé, à son encontre, la sanction disciplinaire du 2ème groupe d'abaissement d'un échelon, avec conservation de l'ancienneté acquise dans l'échelon supérieur avant l'application de cette sanction, d'enjoindre à l'Etat de le réintégrer dans ses fonctions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1503...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 31 août 2015 par laquelle le recteur de l'académie d'Amiens a prononcé, à son encontre, la sanction disciplinaire du 2ème groupe d'abaissement d'un échelon, avec conservation de l'ancienneté acquise dans l'échelon supérieur avant l'application de cette sanction, d'enjoindre à l'Etat de le réintégrer dans ses fonctions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1503278 du 13 octobre 2017 le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 18 avril 2018, le 17 mai 2018 et le 25 novembre 2019, M. B... A..., représenté par Me C..., demande à la cour:

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 31 août 2015 par lequel le recteur de l'académie d'Amiens a prononcé, à son encontre, la sanction disciplinaire du 2ème groupe d'abaissement d'un échelon, avec conservation de l'ancienneté acquise dans l'échelon supérieur avant l'application de cette sanction ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de régulariser sa situation administrative et financière en comptabilisant la période des six mois d'exclusion temporaire de service dans le décompte des trimestres pour la retraite et le reclasser au statut de professeur agrégé d'éducation physique et sportive, classe exceptionnelle, au dernier échelon (HEA 3) à compter du premier septembre 2017 ;

4°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de régulariser sa situation administrative et financière en procédant au paiement des six mois d'exclusion temporaire de service dont il a fait l'objet qui a été annulée par le jugement du tribunal administratif de Rouen le 7 avril 2015, et au paiement des sommes correspondant aux dix-neuf mois de baisse d'échelon, soit une somme totale de 30 000 euros ;

5°) d'engager le ministre de l'éducation nationale à réparer son préjudice moral et celui de sa famille par un dédommagement financier ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

-le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur ;

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., professeur d'éducation physique et sportive, a été affecté, par arrêté du 6 juillet 2012, au lycée professionnel Jean Rostand à Offranville (Seine-Maritime). Au motif, notamment, que son comportement troublait le bon fonctionnement des établissements où il enseigne, et qu'il faisait preuve d'une attitude provocatrice envers les équipes de direction, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a pris à son encontre, le 13 mars 2014, une sanction du troisième groupe d'exclusion temporaire de fonction d'une durée de neuf mois, dont trois mois avec sursis. Par un jugement n° 1401613 du 7 avril 2015, rectifié par une ordonnance du 28 avril 2015, le tribunal administratif de Rouen a annulé cette décision, au motif que la sanction prononcée était disproportionnée. Par un arrêté du 31 août 2015, le recteur de l'académie d'Amiens, au sein de laquelle il avait été muté à sa demande, a toutefois prononcé à l'encontre de M. A... une nouvelle sanction disciplinaire, cette fois-ci du 2ème groupe, consistant en un abaissement d'un échelon, avec conservation de l'ancienneté acquise dans l'échelon supérieur avant l'application de la sanction. M. A... a contesté cet arrêté, d'abord par un recours gracieux du 8 octobre 2015, rejeté par une décision du 29 octobre 2015, puis en saisissant une nouvelle fois la juridiction administrative, en l'occurrence le tribunal administratif d'Amiens cette fois-ci territorialement compétent, afin d'obtenir l'annulation de cet arrête. Il relève appel du jugement n°1503278 du 13 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 août 2015 du recteur de l'académie d'Amiens.

Sur la recevabilité des conclusions aux fins d'indemnisation du préjudice moral :

2. Les conclusions indemnitaires présentées par M. A..., tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer le préjudice moral qu'il a subi ainsi que sa famille, n'ont pas été présentées devant les premiers juges, dans le cadre de l'instance devant le tribunal administratif d'Amiens. Dès lors, M. A... ne peut, pour la première fois en appel, demander réparation de ce préjudice moral. Par suite, ses conclusions indemnitaires nouvelles en appel, au demeurant non chiffrées, et qui n'ont pas fait l'objet d'une demande préalable, sont irrecevables et doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. Aux termes de l'article 3 du décret du 25 octobre 1984, relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : " Le fonctionnaire poursuivi peut présenter devant le Conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix ", et aux termes de l'article 5 du même décret : " Le rapport établi par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire (...) et les observations écrites éventuellement présentées par le fonctionnaire sont lus en séance ".

4. Les premiers juges ont écarté le moyen de M. A... tiré de la méconnaissance de l'article 5 du décret du 25 octobre 1984, au motif que ses observations écrites n'ont pas été lues lors de la séance du conseil de discipline du 7 février 2014, en considérant qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que des observations écrites avaient été présentées par M. A... ou par son conseil préalablement à la tenue du conseil de discipline. M. A... produit pour la première fois, en cause d'appel, une lettre de son avocat d'alors et un mémoire portant observations écrites, en réaction à la prise de connaissance de son dossier disciplinaire. Ces documents datés du 5 février 2014 sont adressés au recteur de l'académie de Rouen, en vue de la séance de la commission paritaire siégeant en formation disciplinaire le 7 février 2014. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, tout d'abord, que le recteur, en première instance et le ministre encore, devant la cour, soutiennent qu'aucune observation écrite n'a été présentée avant la séance, et que l'appelant ne démontre pas que cette lettre et ce mémoire ont bien été adressés ni a fortiori reçus par le recteur, avant la séance du 7 février 2014. Ensuite, la lecture du procès-verbal de la séance du conseil de discipline du 7 février 2014 montre qu'à aucun moment, M. A..., ou son conseil, n'ont fait une quelconque référence à ces documents. Le moyen, ne peut, dès lors, qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

5. Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. Premier groupe : - l'avertissement ; - le blâme. Deuxième groupe : - la radiation du tableau d'avancement ; - l'abaissement d'échelon ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; - le déplacement d'office. Troisième groupe : - la rétrogradation ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. Quatrième groupe : - la mise à la retraite d'office ; - la révocation. / (...) L'exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel.". Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur les questions de savoir si les faits reprochés à un agent public constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

6. En premier lieu, l'autorité absolue de chose jugée s'attache au dispositif d'un jugement qui annule une décision administrative et au motif d'annulation qui en constitue le soutien nécessaire. Elle est subordonnée à la triple identité de parties, d'objet et de cause. Comme le fait valoir le ministre de l'éducation nationale, le tribunal administratif de Rouen, par un jugement n° 1401613 du 7 avril 2015, rectifié par une ordonnance du 28 avril 2015, devenu définitif et opposant ses services à M. A..., qui conteste à nouveau la matérialité des faits qui lui sont reprochés, a jugé que les éléments matériels retenus à son encontre du requérant depuis son affectation dans le lycée Jean Rostand, tels ses manquements dans la prise en charge des élèves et son comportement, étaient établis et de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire. Par suite, l'autorité de chose jugée qui s'attache à ces motifs fait obstacle à ce que M. A... conteste devant la cour la matérialité des faits et leur qualification juridique.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a refusé, depuis son affectation au lycée Jean Rostand, de se conformer aux ordres de ses supérieurs, qu'il a fait preuve d'un comportement agressif et aussi provocateur, en multipliant les incidents avec ses collègues professeurs d'éducation physique et sportive, notamment sur des questions d'aménagement horaire ou pédagogiques, en agissant à sa convenance sans tenir compte des décisions de l'équipe éducative. Il a eu aussi le même comportement agressif et provocateur envers l'administration et les parents d'élèves, et a commis des manquements dans la prise en charge des élèves et dans la gestion des équipements sportifs, en refusant notamment à une élève qui s'était blessée à la main d'aller à l'infirmerie, ce qui a contraint ses parents à l'emmener au service des urgences. De tels faits, qui contrairement à ce que soutient M. A..., vont au-delà de simples réponses à des attaques dirigées à son encontre en raison de rumeurs colportées depuis son arrivée dans l'établissement en 2012, sont constitutives de fautes de nature à justifier une sanction. Eu égard à la nature de ces faits, et compte tenu, de ce qu'ils ont porté atteinte à la dignité de la fonction exercée, l'autorité disciplinaire n'a pas, en l'espèce, pris une sanction disproportionnée en décidant de prononcer, à l'encontre de M. A..., la sanction disciplinaire du 2ème groupe d'abaissement d'un échelon, avec conservation de l'ancienneté acquise dans l'échelon supérieur avant l'application de cette sanction.

8. En troisième lieu, s'agissant du détournement de pouvoir allégué par M. A..., la circonstance que la première sanction, annulée le 7 avril 2015, aurait pris effet alors qu'il était placé en congé de maladie, et qu'il aurait ainsi été privé de son traitement, sans que celui-ci ne lui soit remboursé, à la supposer établie, relèverait d'une difficulté d'exécution du jugement n° 1401613 du tribunal administratif de Rouen le 7 avril 2015. Elle est sans incidence sur la légalité de la sanction en litige. Si M. A... a demandé, sans succès, le retrait de la décision de mutation dans l'intérêt du service dont il a fait l'objet et l'octroi de la protection fonctionnelle, les décisions de refus qui lui ont été opposées ne permettent pas d'établir l'existence d'une volonté de lui nuire. La dégradation des conditions de travail alléguée par M. A..., tenant aux classes très difficiles qui lui auraient été affectées, ou à des injonctions humiliantes dont il ferait l'objet, au demeurant sans incidence sur la légalité de la sanction contestée, ne ressortent pas non plus des pièces du dossier. Les seules circonstances que M. A... est classé au 10ème échelon du corps des professeurs d'éducation physique et sportive, alors qu'il devrait selon lui être au 6ème échelon du grade des professeurs d'éducation physique et sportive hors classe, qu'il a fait l'objet d'une inspection, ce qui l'aurait contraint à en demander une seconde, qui n'a pas été organisée, et qu'il n'a pu bénéficier, malgré sa demande, d'une formation professionnelle continue durant l'année scolaire 2014-2015, ou, à la supposer établie, qu'il n'aurait pas encore été tenu compte de la décision d'annulation de la première sanction, ce qui influence le décompte de ses droits à retraite n'établissent pas non plus le détournement de pouvoir allégué. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que, comme le prétend M. A..., la dégradation de son état de santé aurait pour origine les conditions d'exercice de ses fonctions et le comportement dont l'administration aurait fait preuve à son encontre, le détournement de pouvoir n'étant pas davantage établi sur ce point.

9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de M. A... ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par l'appelant, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de M. A... tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'éducation nationale de régulariser sa situation administrative et financière, en comptabilisant la période des six mois d'exclusion temporaire de service dans le décompte des trimestres pour la retraite et le reclasser en qualité de professeur agrégé d'éducation physique et sportive, classe exceptionnelle, au dernier échelon (HEA 3), à compter du 1er septembre 2017, en procédant aussi au paiement des six mois d'exclusion temporaire de service dont il a fait l'objet, prévus par un arrêté qui a été annulé par le jugement n° 1401613 du tribunal administratif de Rouen le 7 avril 2015, et enfin de procéder au paiement des sommes dont il a été privé, correspondant à dix-neuf mois de baisse d'échelon, soit une somme totale de 30 000 euros, doivent, en tout état de cause, être rejetées.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 13 octobre 2017, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Les conclusions qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'éducation nationale.

2

N°18DA00808


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00808
Date de la décision : 06/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : BENALIKHOUDJA

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-02-06;18da00808 ?
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