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04/02/2020 | FRANCE | N°18DA01137

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 04 février 2020, 18DA01137


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Roubaix à leur verser une somme de 45 114,19 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2014.

Par un jugement n° 1500867 du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2018, et un mémoire, enregistré le 30 décembre 2019, ce dernier n'ayant pas été communiqu

, M. C... A... et Mme B... A..., représentés par la SELARL Fillieux, Fasseu avocats, demandent à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Roubaix à leur verser une somme de 45 114,19 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2014.

Par un jugement n° 1500867 du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2018, et un mémoire, enregistré le 30 décembre 2019, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. C... A... et Mme B... A..., représentés par la SELARL Fillieux, Fasseu avocats, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Roubaix à leur verser une somme de 45 114,19 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2014 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Roubaix la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller,

- les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant les époux A....

Une note en délibéré présentée par les époux A... a été enregistrée le 17 janvier 2020.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... qui résident à Roubaix dans une maison située en face d'une salle de réception dénommée " Espace Jules Brame ", gérée par la société Hammia, ont attiré l'attention de la commune sur les nuisances sonores émanant de cette salle. La commune a fait intervenir deux inspecteurs de salubrité qui, après avoir effectué des mesures acoustiques du samedi 24 octobre 2009 à 22h au dimanche 25 octobre 2009 à 1h30, ont établi un rapport le 24 novembre 2009, concluant à un " dépassement de l'émergence maximale admissible " et ce, " en contradiction avec les conclusions de l'étude d'impact du 3 octobre 2008, remise par le gérant de la salle ". Cependant, ce rapport indique qu'il " convient de relativiser ces résultats. En effet, le présent rapport a été édité sur la base d'une mesure sonométrique "fenêtre ouvertes" (...) il conviendrait donc de réaliser une nouvelle enquête sonométrique "fenêtres fermées" afin de confirmer les dépassements au niveau des émergences ". Les époux A... ont saisi les juridictions judiciaires d'une demande de condamnation de la société exploitante de cette salle en raison de ces nuisances sonores. Par un arrêt du 7 février 2013, la cour d'appel de Douai, se fondant sur le rapport d'expertise établi le 8 février 2012 à la demande du tribunal d'instance de Roubaix, a retenu l'existence de niveaux de bruit constitutifs de troubles anormaux de voisinage et a condamné la société Hammia à verser à M. A... une somme de 3 000 euros, et à son épouse une somme de 5 000 euros, à titre de dommages et intérêts pour le trouble anormal de voisinage subi. Par une lettre, reçue le 11 octobre 2014, M. et Mme A..., qui avaient à plusieurs reprises alerté la commune de Roubaix sur ces nuisances sonores, l'ont saisie d'une demande tendant à obtenir le versement d'une indemnité, en réparation du préjudice économique qu'ils estiment avoir subi résultant de la carence du maire à faire cesser ces nuisances. Cette demande, restée sans réponse, a été implicitement rejetée. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 29 mars 2018 par lequel le tribunal administratif a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Roubaix à leur verser une somme de 45 114,19 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2014.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la faute :

2. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / (...) / 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, y compris les bruits de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique (...) ". Aux termes de l'article L. 2214-4 du même code : " Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique, tel qu'il est défini au 2° de l'article L. 2212-2 et mis par cet article en règle générale à la charge du maire, incombe à l'Etat seul dans les communes où la police est étatisée, sauf en ce qui concerne les troubles de voisinage. / Dans ces mêmes communes, l'Etat a la charge du bon ordre quand il se fait occasionnellement de grands rassemblements d'hommes. / Tous les autres pouvoirs de police énumérés aux articles L. 2212-2, L. 2212-3 et L. 2213-9 sont exercés par le maire y compris le maintien du bon ordre dans les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics ". L'article L. 2215-1 de ce code dispose que : " La police municipale est assurée par le maire, toutefois : / 1° Le représentant de l'Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles, et dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques (...) ". Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que, dans les communes où la police est étatisée, le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique en ce qui concerne les bruits de voisinage relève du pouvoir de police municipale du maire.

3. Aux termes de l'article R. 1334-30 du code de la santé publique : " Les dispositions des articles R. 1334-31 à R. 1334-37 s'appliquent à tous les bruits de voisinage à l'exception de ceux qui proviennent des infrastructures de transport et des véhicules qui y circulent (...) ". Aux termes de l'article R. 1334-31 du même code : " Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé (...) ". L'article R. 1334-33 de ce code dispose que : " L'émergence globale dans un lieu donné est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau du bruit résiduel constitué par l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l'absence du bruit particulier en cause. / Les valeurs limites de l'émergence sont de 5 décibels A en période diurne (de 7 heures à 22 heures) et de 3 dB (A) en période nocturne (de 22 heures à 7 heures), valeurs auxquelles s'ajoute un terme correctif en dB (A), fonction de la durée cumulée d'apparition du bruit particulier (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 1334-37 : " Lorsqu'elle a constaté l'inobservation des dispositions prévues aux articles R. 1334-32 à R. 1334-36, l'autorité administrative compétente peut prendre une ou plusieurs des mesures prévues au II de l'article L. 571-17 du code de l'environnement, dans les conditions déterminées aux II et III du même article ".

4. Ainsi que l'ont déjà relevé à bon droit les premiers juges, la réalité des nuisances sonores dont se plaignent les époux A..., excédant les simples troubles normaux de voisinage, a été établie par le rapport de l'expert judiciaire désigné par le tribunal d'instance de Roubaix, dont les termes ont été repris par la cour d'appel de Douai dans l'arrêt du 7 février 2013, mentionné au point 1, condamnant l'exploitant de l'établissement à l'origine des nuisances, et qui relève que les émergences mesurées à l'intérieur et à l'extérieur des habitations voisines de la salle de réception en litige dépassent largement les émergences règlementaires fixées par les dispositions ci-dessus reproduites du code de la santé publique. Il résulte de l'instruction que, dès 2008, après l'ouverture de la salle, les époux A... et d'autres voisins ont signalé à plusieurs reprises les nuisances au maire de Roubaix, où la police est étatisée, ont présenté des pétitions et déposé plusieurs plaintes. Le maire de Roubaix, en se bornant à faire valoir qu'il a demandé à la société exploitant la salle de réception de se conformer à la règlementation en vigueur, ce qui n'est au demeurant pas démontré par les pièces du dossier, et qu'il a reçu les époux A... et fait effectuer une étude de contrôle sonore et des relevés de terrains concluant à une absence de nuisance d'importance, n'a pas pris les mesures nécessaires qui lui incombaient en vertu des dispositions ci-dessus reproduites du code général des collectivités territoriales, de nature à faire cesser les troubles subis par les époux A.... Ainsi, et peu important à cet égard que ces derniers ont pu adopter en certaines occasions un comportement peu coopératif, en refusant l'accès de leur domicile aux agents missionnés par la commune pour réaliser de nouvelles mesures acoustiques, le maire a fait preuve de carence dans l'exercice de ses pouvoirs de police générale et ainsi commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune à leur égard.

En ce qui concerne le lien de causalité :

5. Mme A... a été placée en arrêt de travail du 28 novembre 2008 au 20 janvier 2010, du 25 octobre 2011 au 29 juin 2012, et du 1er septembre 2012 au 30 septembre 2012. Plusieurs certificats médicaux établis entre 2008 et 2012, versés au dossier, mentionnent qu'elle présente un syndrome anxio-dépressif. Le certificat établi le 28 novembre 2008 par le docteur Taleb-Ahmed, médecin généraliste, indique que Mme A... " semble encore altérée psychologiquement pour des problèmes d'environnement dans son quartier ", et celui établi le 5 janvier 2009 par le même médecin que celle-ci " semble encore très perturbée et affectée psychologiquement suite à un problème de voisinage ". Cependant, aux termes du certificat établi le 13 août 2010 par le docteur Couvez, médecin psychiatre, l'état dépressif de Mme A... " est à rapporter à son organisation psychique personnelle mais également à un contexte environnemental particulièrement écrasant ". Selon ce même médecin, dans le certificat qu'il a rédigé le 5 janvier 2011 : " Mme A... présente en réaction à une situation de vie difficile un état d'anxiété avec des éléments dépressifs ainsi que des réactions psychosomatiques (...) Le couple subit des nuisances sonores de voisinage. Tout un système de contestation ou protestation s'est mis en place avec une centration des préoccupations sur cette thématique ", et dans celui rédigé le 29 septembre 2011 : " Elle est psychologiquement totalement polarisée par cette problématique existentielle familiale (...) elle ne parvient pas à prendre de recul par rapport à cette affaire ". Selon la lettre adressée le 15 mai 2012 par le docteur Couvez au docteur Taleb-Ahmed : " l'hospitalisation [de Mme A...] devrait lui permettre de se ressourcer et de prendre des distances par rapport à sa situation existentielle difficile où s'entremêlent des nuisances sonores de voisinage à des difficultés familiales ". Le rapport d'expertise médicale, établi le 28 mai 2013 à la demande de la cour d'appel de Douai, rappelle les autres pathologies dont a souffert Mme A..., sans aucun lien avec les nuisances sonores en litige, et constituées, d'une part, par un syndrome méniscal interne du genou droit depuis 2006, pour lequel Mme A... a bénéficié de séances de rééducation et, d'autre part, de douleurs récurrentes à l'épaule droite ayant impliqué une intervention chirurgicale, à savoir une acromioplastie sous arthoscopie, au cours de l'année 2009, ainsi qu'un suivi régulier au cours des années 2010 et 2011. Il n'est pas sérieusement contesté que ces pathologies auraient également été susceptibles, à elles seules, de justifier les arrêts maladie de l'intéressée entre novembre 2008 et septembre 2012. Ce rapport médical du 28 mai 2013 en déduit que " la contrainte environnementale subie par Mme A... a été responsable d'une souffrance psychiatrique prolongée ", que cette dernière " et sa composante fonctionnelle imputable au contexte de l'environnement urbain ont été évolutives (...) avec la concomitance d'une déficience comportementale et intellectuelle et de l'expression fonctionnelle de pathologies rhumatologiques ", pour en conclure que " il ne s'agit pas d'une imputabilité certaine, totale et exclusive car l'état antérieur de la personnalité de l'intéressée participe à l'expression fonctionnelle dans une part imputable d'un tiers ". Dans ces conditions, le lien de causalité entre la carence fautive reprochée au maire de Roubaix et le placement en arrêt de travail de Mme A... ne peut être regardé comme établi de façon directe et certaine. Par suite, les époux A... ne sont pas fondés à demander une indemnisation de la perte de revenus subie par Mme A..., correspondant à l'écart entre son salaire moyen de l'année 2008 et les sommes perçues par elle pendant ses arrêts de travail.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Sur les frais du procès :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Roubaix, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. et Mme A... demandent au titre des frais du procès.

8. Il n'apparaît pas inéquitable, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de la commune de Roubaix les frais qu'elle a exposés dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Roubaix présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et Mme B... A... et à la commune de Roubaix.

N°18DA01137 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01137
Date de la décision : 04/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-01-03 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Préjudice. Caractère direct du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Jimmy Robbe
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : FILLIEUX - FASSEU AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-02-04;18da01137 ?
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