Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 13 novembre 2015 par laquelle le maire de Tillières-sur-Avre a délivré à l'EARL de la Haie Rault un permis de construire afin de régulariser la construction d'un silo-tour à grain.
Par un jugement n° 1600105 du 9 janvier 2018, le tribunal administratif de Rouen a annulé ce permis de construire.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 mars 2018, et un mémoire enregistré le 30 décembre 2019, l'EARL de la Haie Rault et la commune de Tillières-sur-Avre, représentées par Me A... D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... B... ;
3°) de condamner M. C... B... à la somme de 3 000 euros pour procédure abusive, sur le fondement de l'article R. 741-12 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de M. C... B... la somme de 3 000 euros à verser à l'EARL de la Haie Rault et à la commune de Tillières-sur-Avre, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme. ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 13 novembre 2015, le maire de Tillières-sur-Avre a délivré un permis de construire à l'EARL de la Haie Rault afin de régulariser la construction d'un silo-tour à grain. L'EARL de la Haie Rault et la commune de Tillières-sur-Avre relèvent appel du jugement du 9 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 13 novembre 2015.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est le voisin immédiat du terrain d'assiette du silo à grain de la pétitionnaire. S'il apparaît que les bâtiments appartenant à M. B... les plus proches de la limite séparative jouxtant le silo sont des dépendances d'un ancien corps de ferme et que l'intéressé vit en réalité dans un autre bâtiment situé à quelques dizaines de mètres du silo, il fait valoir les nuisances qu'il subit du fait de l'édification du silo, tels que des poussières, des nuisances sonores, le risque d'incendie ou encore un préjudice esthétique lié à la médiocre insertion du projet dans son environnement. En qualité de voisin immédiat d'un silo de 6,70 mètres de hauteur, édifié à proximité de la limite séparative de sa propriété et susceptible de provoquer certaines nuisances et d'entraîner des conséquences sur l'usage que l'intéressé pourrait faire de ses bâtiments les plus proches de la construction autorisée, M. B... dispose d'un intérêt lui donnant qualité pour agir.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
5. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptible de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ". Il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un permis de construire, de se prononcer sur le ou les différents motifs d'annulation retenus par les premiers juges en application de ces dispositions, dès lors que celui-ci ou ceux-ci sont contestés devant lui.
6. Aux termes de l'article A 4 du règlement annexé au plan local d'urbanisme de la commune de Tillières-sur-Avre : " Assainissement des eaux pluviales et de ruissellement : / toutes les dispositions doivent être envisagées pour limiter l'imperméabilisation du sol et pour assurer la maîtrise des débits et de l'écoulement des eaux pluviales des parcelles. Les aménagements réalisés sur le terrain doivent garantir l'écoulement des eaux pluviales dans le réseau collecteur. En l'absence de réseau ou en cas d'insuffisance du réseau, les eaux pluviales devront être récupérées sur chaque parcelle soient par stockage ou par infiltration (réalisation de bassin et/ou noues d'absorption) et ne devront pas être dirigés vers le dispositif d'assainissement collectif ". Ces dispositions comportent l'obligation de récupérer les eaux pluviales sur chaque parcelle par stockage ou par infiltration et de ne pas les diriger vers un dispositif d'assainissement collectif et elles recommandent de constituer un réservoir de récupération de ces eaux pluviales.
7. Le permis de construire en litige porte sur la régularisation d'une construction d'un silo à grains d'un diamètre de 12 mètres et d'une superficie d'environ 122 m², si l'on tient compte de la surface bétonnée réalisée autour de l'ouvrage. Il ne ressort pas des pièces du dossier, malgré une mesure d'instruction en ce sens, que les eaux pluviales recueillies sur la totalité de la parcelle d'implantation soient dirigées vers un réseau collecteur. Certes, les appelants font valoir qu'un dispositif a été mis en place désormais, le sol recevant les écoulements d'eaux pluviales qui sont ensuite collectés dans une canalisation enterrée conduisant ces eaux dans une mare avoisinante. Ils versent d'ailleurs en ce sens aux débats des plans joints à une nouvelle demande de permis de construire, ayant donné lieu à l'édiction d'un nouvel arrêté d'autorisation du 16 mai 2018. Mais cette circonstance demeure sans influence sur la légalité de la décision critiquée, délivrée à la suite de l'examen par le service instructeur d'un dossier présenté pour un projet qui n'était pas conforme aux conditions de récupération des eaux pluviales prévues par les dispositions précitées de l'article A 4 du règlement annexé au plan local d'urbanisme. Par suite, les appelantes ne sont pas fondées à soutenir que le permis de construire attaqué n'a pas méconnu ces dispositions.
8. Il résulte de ce qui précède que l'EARL de la Haie Rault et la commune de Tillières-sur-Avre ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté de permis de construire du 13 novembre 2015.
Sur les conclusions de l'EARL de la Haie Rault et de la commune de Tillières-sur-Avre relatives à une amende pour recours abusif :
9. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ". La faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de l'EARL de la Haie Rault et de la commune de Tillières-sur-Avre tendant à ce que M. B... soit condamné à une telle amende ne sont pas recevables.
Sur les frais liés au litige :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EARL de la Haie Rault et de la commune de Tillières-sur-Avre une somme globale de 2 000 euros à verser à M. B..., au titre des frais liés au litige. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une telle somme soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'EARL de la Haie Rault et de la commune de Tillières-sur-Avre est rejetée.
Article 2 : L'EARL de la Haie Rault et la commune de Tillières-sur-Avre verseront à M. B... une somme globale de 2 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL de la Haie Rault, à la commune de Tillières-sur-Avre et à M. C... B....
Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Eure.
N°18DA00518 4