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04/02/2020 | FRANCE | N°17DA01464

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 04 février 2020, 17DA01464


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Ecole des hautes études commerciales (EDHEC) du Nord et la société civile immobilière (SCI) EDHEC Lille Métropole ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, d'une part, la décision du 13 décembre 2013 par laquelle le président du conseil régional du Nord Pas-de-Calais a prescrit le reversement de la subvention de 3 000 000 euros attribuée à la SCI EDHEC Lille Métropole, dans le cadre du fonds européen de développement régional (FEDER), afin de soutenir son projet " Licor

ne " consistant en la réalisation d'un campus international de l'EDHEC dans l'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Ecole des hautes études commerciales (EDHEC) du Nord et la société civile immobilière (SCI) EDHEC Lille Métropole ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, d'une part, la décision du 13 décembre 2013 par laquelle le président du conseil régional du Nord Pas-de-Calais a prescrit le reversement de la subvention de 3 000 000 euros attribuée à la SCI EDHEC Lille Métropole, dans le cadre du fonds européen de développement régional (FEDER), afin de soutenir son projet " Licorne " consistant en la réalisation d'un campus international de l'EDHEC dans l'agglomération lilloise, d'autre part, l'avis des sommes à payer correspondant, émis le 16 décembre 2013 par la région.

Par un jugement n° 1400927 du 18 mai 2017, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, prononcé l'annulation de la décision et de l'avis des sommes à payer en litige, d'autre part, mis à la charge de la région Nord Pas-de-Calais une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 juillet 2017 et le 17 août 2017, la région des Hauts-de-France, venant aux droits de la région Nord Pas-de-Calais, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par la SCI EDHEC Lille Métropole et l'association EDHEC devant le tribunal administratif de Lille ;

3°) de mettre à la charge de la SCI EDHEC Lille Métropole et de l'association EDHEC une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 1083/2006 du Conseil du 11 juillet 2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) n° 1260/1999 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant l'association EDHEC et la SCI EDHEC Lille Métropole.

Considérant ce qui suit :

1. Par une convention conclue le 24 août 2010, la région Nord Pas-de-Calais, devenue la région des Hauts-de-France, a conclu avec la société civile immobilière (SCI) EDHEC Lille Métropole une convention par laquelle elle lui attribuait une subvention d'un montant de 3 000 000 euros, au titre du fonds européen de développement régional (FEDER), afin de soutenir un projet dénommé " Licorne ", consistant en l'édification et en l'équipement, dans l'agglomération lilloise, d'un nouveau campus international de l'Ecole des hautes études commerciales (EDHEC). L'autorité d'audit du programme a décidé de mettre en oeuvre une procédure de contrôle en ce qui concerne le projet Licorne et a missionné, pour conduire ce contrôle, les agents du secrétariat général aux affaires régionales (SGAR) de la préfecture de la région Nord Pas-de-Calais, qui ont conduit leurs investigations le 2 février 2012, ainsi que les 14, 15 et 16 mars 2012, enfin, le 14 juin 2012. Au terme de ces opérations, l'autorité de contrôle a conclu à l'inéligibilité du projet Licorne au programme FEDER et a constaté, en outre, que ce projet ne pouvait être rattaché à aucun autre régime d'aides d'Etat, dès lors que le principe d'incitativité n'avait pas été respecté en l'espèce, enfin, que l'aide d'un montant de 3 000 000 euros attribuée dans le cadre de ce projet ne respectait pas les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) sur la compatibilité des aides d'Etat. Le rapport définitif de l'autorité de contrôle a été adressé le 2 janvier 2013 à la région Nord Pas-de-Calais, sous la forme d'un courrier du préfet de région, qui préconisait le reversement de la subvention accordée. Par un courrier du 13 décembre 2013, le président du conseil régional du Nord Pas-de-Calais a informé la SCI EDHEC Lille Métropole de ce que les résultats du contrôle, dont la teneur était reprise, le conduisaient à devoir émettre un titre de recettes d'un montant de 3 000 000 euros pour obtenir le reversement de l'aide indûment versée. Le titre de recettes annoncé était joint à ce courrier.

2. La SCI EDHEC Lille Métropole et l'association EDHEC ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision contenue dans ce courrier du 13 décembre 2013, ainsi que le titre de recettes qui y était joint. Les requérantes ont demandé, en outre, au tribunal, de mettre la somme de 5 000 euros à la charge de la région Nord Pas-de-Calais au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement du 18 mai 2017, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, prononcé l'annulation de la décision et de l'avis des sommes à payer en litige, d'autre part, mis à la charge de la région Nord Pas-de-Calais une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La région des Hauts-de-France, venant aux droits de la région Nord Pas-de-Calais, relève appel de ce jugement.

3. D'une part, aux termes de l'article 42 du règlement (CE) n° 1083/2006 du Conseil du 11 juillet 2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion : " 1. L'État membre ou l'autorité de gestion peut confier la gestion et la mise en oeuvre d'une partie d'un programme opérationnel à un ou plusieurs organismes intermédiaires, désignés par l'État membre ou l'autorité de gestion, y compris des autorités locales, des organismes de développement régional ou des organisations non gouvernementales, selon les modalités prévues dans la convention conclue entre l'État membre ou l'autorité de gestion et cet organisme. / (...) ". Aux termes de l'article 70 de ce règlement : " 1. Les États membres assument la responsabilité de la gestion et du contrôle des programmes opérationnels, en particulier au travers des mesures suivantes : / (...) / b) ils préviennent, détectent et corrigent les irrégularités et recouvrent les sommes indûment payées, le cas échéant augmentées d'intérêts de retard. Ils les notifient à la Commission et tiennent celle-ci informée de l'évolution des procédures administratives et judiciaires. / 2. Lorsque des montants indûment payés à un bénéficiaire ne peuvent pas être recouvrés, l'État membre est responsable du remboursement des montants perdus au budget général de l'Union européenne, lorsqu'il est établi que la perte résulte de sa propre faute ou négligence. / (...) ". Enfin, l'article 98 du même règlement dispose que : " 1. Il incombe en premier lieu aux États membres de rechercher les irrégularités, d'agir lorsque est constaté un changement important affectant la nature ou les conditions de mise en oeuvre ou de contrôle des opérations ou des programmes opérationnels, et de procéder aux corrections financières nécessaires. / 2. Les États membres procèdent aux corrections financières requises en rapport avec les irrégularités individuelles ou systémiques détectées dans les opérations ou les programmes opérationnels. Les corrections auxquelles procèdent les États membres consistent à annuler tout ou partie de la participation publique pour le programme opérationnel. Les États membres tiennent compte de la nature et de la gravité des irrégularités et de la perte financière qui en résulte pour le Fonds. / (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 5 de la convention conclue le 27 mars 2008 entre l'Etat et la région Nord Pas-de-Calais, relative à la désignation d'un organisme intermédiaire gestionnaire d'une subvention globale au titre du programme opérationnel FEDER -Nord Pas-de-Calais - Objectif " Compétitivité régionale et Emploi " (2007-2013) n° CCI 2007FR 162PO017, le préfet de la région Nord Pas-de-Calais, autorité de gestion nationale, a délégué à la région Nord Pas-de-Calais, en qualité d'organisme intermédiaire, " l'ensemble des activités de mise en oeuvre des dispositifs cofinancés, de gestion et de contrôle de la subvention globale dans son ensemble et des opérations qui en relèvent en particulier. ". Aux termes de l'article 10.4 de cette convention : " Les contrôles d'opérations sont effectués par le service désigné à cet effet, placé auprès de l'autorité de gestion. (...) / (...) / Le rapport provisoire est adressé à l'organisme intermédiaire qui y apporte, dans le délai prescrit, les réponses relevant de sa fonction de gestion. (...) Le rapport définitif établi au vu des réponses de l'organisme intermédiaire et de celles du bénéficiaire est adressé à l'organisme intermédiaire ; (...) L'organisme intermédiaire met en oeuvre sans délai les suites qui résultent des constats, y compris pour ce qui concerne les corrections à apporter au système de gestion, et en rend compte à l'autorité de gestion. Pour les corrections financières, il est procédé comme indiqué à l'article 11 de la présente convention. ". Enfin aux termes de l'article 11 de la même convention : " L'organisme intermédiaire s'engage à prendre à sa charge les éventuelles conséquences financières résultant de l'application des différents règlements communautaires, pour ce qui concerne les missions et obligations liées à la mise en oeuvre de la subvention globale, telles que fixées par la présente convention. / Il reverse les montants correspondants à l'autorité de gestion. ".

5. Pour annuler, par le jugement attaqué, la décision du 13 décembre 2013 par laquelle le président du conseil régional du Nord Pas-de-Calais a prescrit le reversement par la SCI EDHEC Lille Métropole de l'aide d'un montant de 3 000 000 euros qui lui avait été versée en soutien du projet Licorne et, par voie de conséquence, le titre de recettes émis le 16 décembre 2013 par la même autorité pour obtenir ce reversement, le tribunal administratif de Lille a estimé qu'il ressortait des termes mêmes de la décision contestée que le président de la région s'était estimé lié par les conclusions définitives de l'autorité de gestion qui avaient été portées à sa connaissance par le courrier du préfet de la région Nord Pas-de-Calais en date du 2 janvier 2013. Les premiers juges ont estimé, en outre, qu'une telle situation de compétence liée ne résultait d'aucune des dispositions précitées du règlement (CE) n° 1083/2006 du Conseil du 11 juillet 2006, ni d'aucune des stipulations de la convention conclue le 27 mars 2008 entre l'Etat et la région Nord Pas-de-Calais, lesquelles, au contraire, conféraient à cette dernière, en tant qu'organisme intermédiaire, un pouvoir d'appréciation sur les suites à donner au contrôle dont les résultats avaient été portés à sa connaissance. Le tribunal administratif a tiré de cette analyse la conséquence que le président du conseil régional du Nord Pas-de-Calais, en s'abstenant d'exercer ce pouvoir d'appréciation et en se limitant à tirer les conséquences juridiques des constats opérés par l'autorité de gestion, avait méconnu l'étendue de sa compétence et, par suite, entaché sa décision d'une erreur de droit.

6. Les dispositions précitées des articles 42, 70 et 98 du règlement (CE) n° 1083/2006 du Conseil du 11 juillet 2006 mettent à la charge des Etats membres ou des organismes intermédiaires, telles les collectivités territoriales, auxquelles ils ont confié cette compétence, le soin de prendre les mesures propres à obtenir le reversement, de la part de leurs bénéficiaires, des aides reçues en méconnaissance du droit de l'Union européenne. Au cas d'espèce, par la convention qu'il a conclue le 27 mars 2008 avec la région Nord Pas-de-Calais, l'Etat a confié à cette dernière, en tant qu'organisme intermédiaire, la responsabilité financière résultant du versement, dans le cadre des programmes visés par la convention, d'aides qui seraient regardées par l'autorité de gestion comme contraires au droit de l'Union européenne. A ce titre, il incombe à la région, en application de l'article 11 de cette convention, de reverser les montants de telles aides à l'autorité de gestion. Les modalités de récupération d'une aide indûment versée sur le fondement d'un texte de l'Union européenne sont, sauf disposition spécifiquement prévue par le droit de l'Union européenne, soumises aux règles de droit national, sous réserve que l'application de ces règles se fasse de façon non discriminatoire au regard des procédures visant à trancher des litiges nationaux du même type et qu'elle ne porte pas atteinte à l'application et à l'efficacité du droit de l'Union ou n'ait pas pour effet de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile la récupération des sommes octroyées. Dès lors et dans le silence de ces dispositions et stipulations sur ce point, il appartient à la région de mettre en oeuvre les voies de droit qui lui sont conférées par les pouvoirs que son exécutif détient en tant qu'ordonnateur de ses dépenses et recettes, afin de recouvrer ces montants auprès des bénéficiaires de ces aides. Dans le cadre de la mise en oeuvre de ces règles de droit commun, la région est nécessairement conduite à vérifier que les délais de prescription de l'action tendant à la répétition de l'aide indûment perçue ne font pas obstacle au reversement des sommes indument versées, et à se prononcer sur le montant et, le cas échéant, les modalités du reversement de l'indu, en appréciant l'étendue des conséquences de sa décision sur la situation du bénéficiaire. L'appréciation de fait portée sur chacun de ces points exclut que la région puisse se trouver en situation de compétence liée.

7. Il ressort des motifs mêmes de la décision du 13 décembre 2013 que, pour justifier le reversement, par la SCI EDHEC Lille Métropole, de l'aide regardée par l'autorité de gestion comme attribuée en méconnaissance des dispositions du droit de l'Union européenne régissant les aides d'Etat, le président du conseil régional du Nord Pas-de-Calais s'est borné à s'approprier les conclusions du contrôle mené pour le compte de l'autorité de gestion, sans porter aucune appréciation propre sur la situation qui lui était soumise, et à en conclure que, nécessairement, la région devait procéder à l'émission d'un titre de recettes, d'un montant total de 3 000 000 euros, en vue du remboursement de la subvention. Dans ses écritures contentieuses, la région des Hauts-de-France, venant aux droits de la région Nord Pas-de-Calais, ne conteste d'ailleurs pas cette situation, ni ne soutient qu'une telle appréciation aurait été opérée par la région. Si, en revanche, elle soutient que son président aurait pris la même décision s'il avait porté une appréciation sur la situation qui lui était soumise et si elle demande à la cour de substituer ce motif à celui sur lequel repose la décision contestée, une telle demande ne saurait être accueillie, dès lors, d'une part, que le nouveau motif proposé implique l'exercice d'une appréciation qui n'a pas été opérée et que, d'autre part, elle conduirait à priver le bénéficiaire de l'aide, la SCI EDHEC Lille Métropole, de la garantie de procédure consistant à la mettre à même de formuler des observations préalables. Il suit de là que la région des Hauts-de-France n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Lille aurait, à tort, retenu que la décision du 13 décembre 2013 est entachée d'une erreur de droit et annulé, en conséquence, les décisions contestées.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la région des Hauts-de-France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 13 décembre 2013 du président du conseil régional du Nord Pas-de-Calais, ainsi que, par voie de conséquence, l'avis des sommes à payer du 16 décembre 2013 pris pour l'exécution de cette décision. Les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à sa charge, sur le fondement des mêmes dispositions, une somme globale de 2 000 euros au titre des frais de procédure d'appel exposés par l'association EDHEC et la SCI EDHEC Lille Métropole.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la région des Hauts-de-France est rejetée.

Article 2 : La région des Hauts-de-France versera à l'association EDHEC et à la SCI EDHEC Lille Métropole la somme globale de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la région des Hauts-de-France, à l'association EDHEC et à la SCI EDHEC Lille Métropole.

Copie en sera transmise au préfet de la région des Hauts-de-France.

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N°17DA01464


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17DA01464
Date de la décision : 04/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Collectivités territoriales - Région - Attributions - Interventions économiques - Aides directes et indirectes.

Communautés européennes et Union européenne - Litiges relatifs au versement d`aides de l'Union européenne.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Substitution de motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : VEIL JOURDE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-02-04;17da01464 ?
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