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30/01/2020 | FRANCE | N°18DA00072

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 30 janvier 2020, 18DA00072


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Aduges a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 14 août 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement pour faute de M. B..., a annulé cette autorisation et a refusé d'autoriser ce licenciement, ainsi que d'enjoindre à l'autorité administrati

ve, sous astreinte, de se prononcer à nouveau sur la demande d'autorisatio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Aduges a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 14 août 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement pour faute de M. B..., a annulé cette autorisation et a refusé d'autoriser ce licenciement, ainsi que d'enjoindre à l'autorité administrative, sous astreinte, de se prononcer à nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement.

Par un jugement n° 1508535 du 13 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision ministérielle du 14 août 2015.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 janvier 2018, la ministre du travail demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de l'association Aduges.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me G... D..., représentant l'association Aduges.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Aduges a obtenu, par décision de l'inspecteur du travail territorialement compétent du 12 décembre 2014, l'autorisation de licencier M. B..., membre suppléant du comité d'entreprise. Ce salarié a formé un recours hiérarchique contre cette décision. Par une décision du 14 août 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré son rejet implicite de ce recours hiérarchique, a annulé la décision de l'inspecteur du travail et a refusé d'autoriser le licenciement de ce salarié. Le tribunal administratif de Lille, saisi par l'association Aduges, a annulé la décision ministérielle du 14 août 2015. La ministre du travail relève appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Par une décision du 24 mars 2014, évoquée pour la première fois en appel, publiée au Journal officiel de la République française du 28 mars 2014, le directeur général du travail, M. C... H..., avait donné délégation à M. F... A..., signataire de la décision en litige du 14 août 2015, de signer tous actes dans la limite des attributions du bureau des recours, du soutien et de l'expertise juridique. Il ressort de l'arrêté du 22 août 2006 relatif à l'organisation de la direction générale du travail, paru au Journal officiel de la République française du 23 août 2006, que le département du soutien et de l'appui au contrôle, qui comprenait ce bureau, était notamment chargé de " l'instruction des recours hiérarchiques et contentieux relatifs aux licenciements des salariés protégés. ". Si la nouvelle organisation de la direction générale du travail, fixée par l'arrêté du 22 juillet 2015, paru au Journal officiel du 11 août suivant, avait substitué le bureau du statut protecteur au bureau des recours, notamment pour instruire les recours hiérarchiques et contentieux relatifs aux licenciements des salariés protégés, et si M. A..., en tant que chef de ce bureau du statut protecteur, n'avait reçu délégation du même directeur général du travail, M. H..., que par un arrêté du 11 août 2015, paru au Journal officiel du 14 août 2015, l'arrêté précité du 22 juillet 2015, portant nouvelle organisation du ministère du travail n'a pas pu avoir pour effet, même implicite, d'abroger les délégations de signature antérieurement consenties. M. A... avait dès lors compétence, en vertu de la précédente délégation consentie par le même délégant, pour signer les décisions prises sur recours hiérarchiques concernant les licenciements de salariés protégés, y compris à la date du 14 août 2015. La ministre du travail est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a retenu pour annuler la décision ministérielle du 14 août 2015 en litige, le moyen tiré de l'incompétence de son signataire. Il appartient toutefois, à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par l'association Aduges tant en première instance qu'en cause d'appel.

Sur les autres moyens invoqués par l'association Aduges :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. / Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet. ". Le ministre chargé du travail peut légalement, dans le délai de recours contentieux, rapporter sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement d'un salarié protégé, qui est créatrice de droits au profit de l'employeur, dès lors que ces deux décisions sont illégales.

4. En l'espèce, M. B..., salarié protégé, a formé un recours hiérarchique le 12 février 2015, reçu le 16 février suivant, contre la décision de l'inspecteur du travail en date du 16 décembre 2014. Une décision implicite de rejet est née le 16 juin 2015. Toutefois, le retrait de cette décision est intervenu le 14 août 2015, soit dans le délai du recours contentieux. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit à avoir procédé à un tel retrait ne peut qu'être écarté.

5. En second lieu, il appartient à l'administration, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, de vérifier que cette demande est présentée par l'employeur de ce salarié ou par une personne ayant qualité pour agir en son nom. Lorsque la demande d'autorisation de licenciement est présentée par une personne sans qualité pour le faire, l'administration est tenue de la rejeter. Dans le cas où l'employeur est une personne morale, en l'occurrence, une association régie par la loi du 1er juillet 1901, la demande d'autorisation de licenciement doit être présentée par la personne qui est désignée à cet effet par les statuts.

6. En l'espèce, la demande d'autorisation de licenciement a été présentée par le directeur général de l'association. Les statuts de celle-ci prévoient, en leur article 7, que le président " est chargé d'exécuter les décisions du conseil d'administration et d'assurer le bon fonctionnement de l'association. Il représente l'association dans tous les actes de la vie civile et est investi de tous pouvoirs à cet effet. ". Les conditions de délégation, établies le 15 avril 2011 en application de l'article 6 des statuts, prévoient aussi que les embauches et mesures disciplinaires des salariés en contrat à durée indéterminée requièrent la signature du président. Il résulte de ces dispositions que les statuts et les textes pris pour leur application réservaient au seul président le pouvoir de prononcer un licenciement pour motif disciplinaire et par suite, s'agissant des salariés protégés, de solliciter l'autorisation d'y procéder. Certes, l'article 21 du règlement intérieur applicable au personnel de l'association, daté du 31 janvier 2011, indique que la notification des sanctions supérieures à l'avertissement revêt la signature du directeur général. Par ailleurs, le directeur général disposait d'une procuration de signature du 11 août 2014 de la part du président pour signer " les documents demandés par les institutions concernées " ainsi que d'une délégation de pouvoirs, toutefois antérieure tant aux conditions de délégation qu'au règlement précités, puisque datée du 11 décembre 2007, qui confie au directeur général de veiller à la bonne application des dispositions légales insérées dans le règlement intérieur en matière de droit disciplinaire. Néanmoins, ces documents ne confient pas explicitement au directeur général le pouvoir de prononcer le licenciement pour motif disciplinaire, et par suite celui de demander l'autorisation de licencier un salarié protégé pour un tel motif, alors que les conditions de délégation, dont l'association ne remet pas en cause la validité, réservent cette prérogative au seul président. Le ministre du travail pouvait donc légalement refuser l'autorisation qui lui était demandée de licencier M. B..., salarié protégé, au motif qu'il n'avait pas été saisi par une personne ayant qualité pour agir à cette fin.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre du travail est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé sa décision du 14 août 2015.

Sur les frais du litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par l'association Aduges sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 13 décembre 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par l'association Aduges devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de l'association Aduges tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre du travail, à l'association Aduges et à M. E... B....

2

N° 18DA00072


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00072
Date de la décision : 30/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Compétence - Délégations - suppléance - intérim - Délégation de signature.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 09/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-01-30;18da00072 ?
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